« Il faut tuer ce chien, il ne mérite pas de vivre ». Telle aurait été la réaction d’une princesse saoudienne à la prise d’un cliché par un électricien, l'intéressée et son entourage ayant supposé que celui-ci allait les vendre à la presse, alors qu’il aurait simplement souhaité pouvoir replacer les meubles à l’identique à l'issue des travaux programmés.
Lors de son dépôt de plainte auprès des services de police, l’artisan a déclaré que pour accompagner les propos tenus par la jeune femme, son garde du corps lui aurait asséné un coup de poing sur la tempe avant de lui ligoter les mains, avant de lui ordonner de s'agenouiller et de baiser les pieds de la princesse. Le plaignant a précisé avoir été retenu pendant près de quatre heures, sous la menace d'une arme, avant d’être libéré non sans que lui ait été interdit « l'accès au 16e arrondissement à jamais ».
Suite à cette plainte, une enquête a été ouverte, conduisant à la garde à vue du garde du corps, suivie de sa mise en examen et de son placement en détention provisoire.
La princesse, pour sa part, semble avoir été brièvement entendue par les enquêteurs avant de quitter le pays.
Si les infractions qui peuvent être reprochées au garde du corps, à s'en tenir aux termes de l'électricien repris par la presse, sont relativement claires (violences avec arme, séquestration délictuelle) et lui font encourir une peine maximale de cinq années d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende, la justice pénale pourrait également s’intéresser au rôle de la princesse dans les faits en cause.
L'emploi des termes qui auraient été utilisés par la jeune femme « Il faut tuer ce chien, il ne mérite pas de vivre » est constitutif de menaces de mort réitérées (les deux termes de la phrase constituant la réitération), infraction sanctionnée d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.
Sa responsabilité pénale peut-elle être engagée en qualité de complice des violences subies par l'artisan, notamment par provocation ou instigation ? C'est peu probable, dans la mesure où le plaignant ne rapporte aucun acte positif de la part de la fille de l’ancien roi d'Arabie Saoudite hormis les menaces proférées.
Elle pourrait en revanche faire l’objet de poursuites sur le fondement de l’article 223-6 du code pénal qui punit de cinq ans d’emprisonnement « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire », ainsi que « quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours » - soit les infractions de non-empêchement de délit contre les personnes et non-assistance à personne en péril.
Il semble en effet évident que la princesse pouvait s’opposer aux agissements de son garde du corps, en sa qualité d’employeur, et lui ordonner de mettre fin à ses agissements à l'encontre de l'électricien, avec des chances d'exécution immédiate de ses directives que l'on peut évaluer à 99 % (pour ne pas exclure l'hypothèse du déchaînement gratuit de violence par une brute sanguinaire et aveuglée, mais bon...). Rappelons à cet égard l'injonction faite au plaignant d'embrasser les pieds de la princesse, qui était manifestement l'offensée, dans l'esprit de son garde du corps... Dans ces conditions, l'une au moins des infractions ci-dessus rappelées seraient constituées.
En tout état de cause, le départ de la jeune femme du territoire national s'avère dommageable pour la manifestation de la vérité en général et pour son garde du corps en particulier. Nul doute que le juge d'instruction souhaiterait confronter les déclarations de l'intéressée et celles du plaignant et du mis en cause, voire, s'il estimait les charges suffisantes à son encontre, mettre la princesse elle-même en examen pour l'un ou l'autre délit. Et les chances de mise à exécution d'une commission rogatoire internationale en Arabie saoudite lancée à l'égard d'un membre de la famille royale sont vraisemblablement assez compromises.