[NDLR Mise à jour de l'Article > Le 15 mars 2014, le parlement Européen rejetait massivement la proposition de la Commission Européenne de Loi sur les Semences]
(Source: LaTéléLibre.fr)
" Le mouvement contre Monsanto s’amplifie, dans l’indifférence quasi-générale des médias. Partout sur la planète des militants s’organisent et manifestent contre la main-mise de quelques multinationales sur notre alimentation. LaTéléLibre était présente sur l’esplanade du Trocadéro pour relayer ce cri: notre souveraineté alimentaire est en danger!
Derrière le combat contre les OGM, se cachent d’autres dangers moins médiatisés. A travers les brevets sur les semences, il s’agit ni plus ni moins d’une privatisation du vivant. Partout dans le monde, Monsanto et les 4 autres multinationales de l’agro-alimentaire, imposent leurs lois. Aux USA et en Europe, des lois favorisant la logique économique à court terme sont votées, ou en passe de l’être. C’est une course contre la montre qui a lieu en ce moment. Elle oppose les multinationales qui veulent vendre leurs produits et les opposants qui essayent de faire connaitre les études qui prouvent les effets néfastes pour la santé des humains mais aussi des abeilles.
Quand les abeilles meurent Monsanto chante
La vie dépend du travail de pollinisation des abeilles, c’est avéré. Pourtant, ces dernières disparaissent, personne ne le nie plus. Les causes ? Certaines activités humaines. Et parmi elles, en première ligne, les pesticides commercialisés par des géantes de l’agroalimentaire comme Monsanto -c’est aujourd’hui prouvé. C’est alors que le monde regarde, ahuri, fleurir les lois et les projets de loi en faveur de la firme Monsanto. Aux Etats Unis, en Europe et dans le monde l’effarement a laissé la place au scandale. Et la Terre entière est en branle. Aujourd’hui, à l’acceptation se substitue l’action.
Fin mars, un chercheur américain devait faire part de quinze années de recherches au sujet des effets du Roundup sur les abeilles. Mais quelques jours avant qu’il ne publie ses résultats démontrant la résistance des butineuses à l’herbicide de la firme Monsanto, le département de l’agriculture de l’Illinois saisit ses ruches et détruit ses abeilles. La raison ? « La maladie bactérienne, la loque américaine, détectée dans un certain nombre de [ses] colonies », affirme le superviseur de l’inspection des ruchers du département.
[NDLR - Cette publicité de Monsanto explique son "engagement pour une agriculture durable"]
« Monsanto protection Act »
Au même moment, Barack Obama signait l’article 735 de la loi budgétaire pour l’agriculture, surnommée par ses détracteurs « Monsanto protection Act » ou « la loi qui protège Monsanto ». La coïncidence est trop grande pour qu’elle soit le fruit du hasard… Car cet amendement place le géant de l’agrochimie au dessus de la justice américaine : « dans le cas où une décision [d'autorisation de culture] est ou a été invalidée ou annulée, le ministère de l’agriculture doit (…), sur simple demande d’un cultivateur, d’un exploitant agricole ou d’un producteur accorder immédiatement une autorisation ou une dérogation temporaire. » Autrement dit, la justice américaine ne peut plus s’opposer à la mise en culture de plantes génétiquement modifiées.
Et la nouvelle ne scandalise pas qu’en Amérique, elle alarme aussi de ce côté de l’Atlantique, au moment où des accords de libre échange entre les Etats-Unis et l’Europe sont discutés. Les défenseurs de l’environnement craignent de voir l’amendement américain se glisser dans le débat à Bruxelles au sujet de l’agriculture, qui se clôt fin mai.
Car en Europe, l’habitude est à la méfiance envers la firme Monsanto : des années de recherches scientifiques contradictoires ont aboutit à des résultats inquiétants quant à la dangerosité des produits de la firme pour l’environnement, et les abeilles en particulier. En parallèle, les écologistes luttaient pour faire connaître ces recherches et en démêler le vrai du faux, la recherche indépendante des conflits d’intérêt. C’est alors qu’en 2011 Monsanto achète la start-up israélienne Beeologics, spécialisée dans la recherche sur la pollinisation des abeilles, et devient soudainement la protectrice des abeilles…
Mais le nouveau visage de la multinationale ne sonne pas juste, et les militants européens ne lâche pas la pression qu’ils tentent d’exercer sur le Parlement européen. C’est ainsi que Bruxelles interdit cette année trois pesticides accusés également de participer à la disparition des abeilles, commercialisés par deux autres géants de l’agroalimentaire, Bayer et Syngenta. Mais l’inquiétude continue de monter du côté des défenseurs de l’environnement et des détracteurs des OGM, car la position critique revendiquée par l’UE pourraient bien n’être que de façade.
Des semences confisquées
En effet, une nouvelle loi proposée par la Commission Européenne rendrait illégales « la culture, la reproduction et le commerce » de toutes semences végétales qui n’aient pas été « testées, approuvées et acceptées » par l’agence de l’UE des variétés végétales. Ainsi, faire pousser des plantes à partir de semences non régulées serait considéré comme un acte criminel. La Commission européenne remet ainsi le contrôle de l’approvisionnement alimentaire à des sociétés comme Monsanto. En ce qui concerne la récente interdiction des trois pesticides, les associations écologistes, après avoir crié victoire, dénoncent maintenant l’escroquerie du « plan désastreux imposé par les multinationales agrochimiques » car l’interdiction ne serait que partielle et temporaire.
Face à cet engrenage de privatisation du vivant, les citoyens résistent toujours. Une résistance de plus en plus importante, aux formes variées : sur le net, les pétitions fleurissent, les forums s’enflamment et les avis fusent. Créations artistiques et films documentaires s’y multiplient. Et le 25 mai le monde entier s’est levé contre Monsanto. Dans 436 villes de 52 pays de tous les continents, plus de deux millions d’individus marchaient pour dire non à l’emprise de la firme sur le vivant.
Si la mobilisation est de taille, c’est que l’enjeu est vital. Un tiers de notre nourriture dépend directement des abeilles et de leur travail de pollinisation. En trois ans, 60% d’entre elles ont disparu aux Etats Unis, 40% au Québec, et 30% en Europe. Le monde entier est donc concerné. Des décisions d’aujourd’hui dépend l’humanité toute entière : sa survie, ainsi que l’exercice de sa liberté quant au choix de ce qui la nourrira demain.
Flore Viénot
Reportage /
John Paul Lepers
Image et montage: Clément Montfort