" Dix mois après sa présentation, un projet de la Commission européenne censé « simplifier » la commercialisation des semences au sein de l'Union a été massivement désavoué, mardi 11 mars, par le Parlement européen, réuni à Strasbourg. Le texte a réussi l'exploit de fédérer la totalité des familles politiques contre lui, seuls quinze eurodéputés – contre 650 – s'étant prononcés en sa faveur.
« Cette proposition de règlement cherchait à ménager la chèvre et le chou, constate l'eurodéputé écologiste José Bové, qui a appelé à son rejet. On y trouve un certain nombre d'avancées – petites mais intéressantes pour les ONG et les réseaux de petits producteurs –, mais, en même temps, elle aboutit au renforcement de la concentration du marché des semences entre les mains de quelques grands groupes internationaux. »
Aussi bien le président socialiste de la commission agriculture du Parlement européen, l'Italien Paolo De Castro, que le rapporteur conservateur du texte, son compatriote Sergio Paolo Francesco Silvestris, se sont mobilisés contre le texte de Bruxelles. Ils lui reprochent notamment de substituer à une série de directives un règlement qui s'imposerait aux Etats membres directement – sans nécessiter une transposition nationale – et donnerait un pouvoir accru à la Commission.
Tonio Borg, le commissaire à la santé et à la consommation, a donc échoué à convaincre les eurodéputés que « l'objectif de cette proposition est simplement d'assurer l'identification et la qualité des semences vendues aux usagers », ainsi qu'il l'avait déclaré devant le Parlement à la veille du vote. Selon lui, le texte vise à harmoniser et à accélérer le processus d'enregistrement des semences sur le catalogue officiel européen, qui recense les quelque 30 000 variétés autorisées à la culture au sein de l'Union.
DOSSIER POLITIQUE
Le projet prévoit de simplifier le processus d'inscription d'une variété au catalogue. Parallèlement, il reconnaît le droit des agriculteurs à utiliser leurs propres semences (appelées « semences de ferme ») et allège les restrictions imposées à la commercialisation des variétés anciennes.
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« Certains députés ont voté contre parce qu'ils considéraient que le texte faisait trop de concessions à ceux qui défendent les semences de ferme », constate José Bové. Ce dernier estime par ailleurs que « les deux principaux groupes parlementaires ont eu peur que cela devienne un dossier politique juste avant les élections européennes de mai prochain, alors qu'ils soutiennent tous deux la concentration du secteur des semences ».
Les industriels, par la voie de l'Association européenne des semences (ESA), ont déploré que les eurodéputés n'aient pas choisi d'amender le texte plutôt que de le rejeter en bloc. « Le Parlement avait l'opportunité d'élaborer une loi moderne sur les semences (…), il est dommage qu'il ait renoncé à la saisir de manière constructive », a déclaré Garlich von Essen, le secrétaire général de l'ESA. Plus de mille quatre cents amendements avaient été déposés, mais ils n'ont pas été examinés.
Eric Poudelet, directeur de la sécurité alimentaire à la Commission européenne, regrette que des positions idéologiques aient empêché l'adoption d'un texte visant, selon lui, à « permettre la coexistence entre les semences de grandes cultures et les semences pour l'agriculture biologique, ainsi que les variétés anciennes ».
Le rejet massif du Parlement ne signifie cependant pas la mort de la proposition. Celle-ci est parallèlement en cours d'examen par le Conseil de l'UE. Si ce dernier n'y met pas son veto, une proposition amendée de la Commission pourrait revenir devant le futur Parlement, d'ici à quelques mois. Le dossier est à la fois stratégique et sensible pour l'UE qui, avec la France et les Pays-Bas, compte le premier et le troisième plus gros pays exportateur de semences au monde."
Le lien vers l'article de Gilles van Kote dans Le Monde est ici .