Après les attentats de Charlie Hebdo, il y a de cela trois semaines déjà, le gouvernement français a lancé sur son compte twitter ce mercredi 28 janvier une nouvelle plate-forme visant à contrer la propagande djihadiste en donnant des outils de riposte à la population. Ce site était - semble-t-il - déjà en préparation depuis plusieurs mois et l'adresse URL aurait été créée le jour de l’attaque à Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. Judicieuse initiative ou coup d'épée dans l'eau ? Le point sur la question.
Oui, nous sommes en guerre et cette guerre est médiatique
Le lancement de cette plate-forme nous éclaire sur un point. A tous ceux qui en doutaient encore après l'intervention de Manuel Valls à la tribune de l'Assemblée, saluée par une standing ovation, oui nous sommes en guerre et le lancement de cette plate-forme en est la preuve évidente. Les conflits sont aujourd'hui médiatiques. Internet est devenu un front à occuper, au même titre que le terrain, pour gagner la bataille de l'opinion. Les contenus numériques créés et diffusés par le gouvernement français contre djihadistes, répondent à trois objectifs distincts et complémentaires : rassurer la population -"le gouvernement est mobilisé, voici son action"-, envoyer un message d'avertissement à l'ennemi djihadiste pour prendre l'ascendant psychologique, et enfin alerter l'opinion publique afin qu'elle se mobilise. La guerre "on line" se mesure désormais aux nombres d'occurrence des hastags créés pour l'occasion, d'où le lancement de #StopDjihadisme sur les réseaux.
Oui, cette campagne a pour but de sensibiliser les plus jeunes
Communiquer, c'est utiliser trois registres : l’ethos, ce que je suis; le pathos, l’émotion; le logos, le fond. Or, aujourd'hui, la dimension du pathos, et donc l’émotion, est totalement préemptée à dessein par les djihadistes qui imposent leurs images de violence extrême au monde entier. C'est donc bien sur le même registre que réplique le gouvernement français avec ce spot "à l'américaine", ayant pour but de casser les idées reçues et de décrypter les éléments de langage des djihadistes. Lorsque l'on se connecte sur le site stop-djihadisme.gouv.fr, une vidéo interdite aux moins de 12 ans, d'une durée de deux minutes, se lance. Elle reprend avec soin les codes des clips de propagande djihadiste, tendance "Omar Omsen" -musique, tutoiement, images guerrières et éléments de langage- avant de les retourner points par points. « L'idée, avec cette vidéo, était de s'adresser aux jeunes en leur faisant comprendre ce qui se cache derrière des éléments grossiers, des éléments de manipulation. On a utilisé les principaux leviers de propagande pour réaliser cette vidéo […] On a tout misé sur le web et les réseaux sociaux, en utilisant les codes de cette jeunesse » explique Christian Gravel, directeur du service d'information du gouvernement français et directeur de la publication du site, stop-djihadisme.gouv.fr à Vice News.
Non, elle ne touchera pas les plus radicalisés
Le gouvernement français se devait de sortir une campagne : il aurait été critiqué pour son immobilisme s'il ne l'avait pas fait. Mais ne nous leurrons pas. Il est possible de douter de l'impact de cette initiative sur les personnes en voie de radicalisation violente. Tout d'abord parce que ces aspirants au djihad sont les premiers adeptes de la théorie du complot : tout ce qui émane du gouvernement sera nécessairement sujet à caution. Le dispositif s'adresse essentiellement aux "convaincus" de la lutte contre le djihadisme et surtout aux proches et à la famille des jeunes à risque, ainsi -évidemment- qu'à l'opinion publique dans son ensemble.
Lutter contre le cyber-djihadisme tout en permettant en enquêteurs de recueillir un maximum de renseignements sur ces propagandistes, c'est bien là toute la difficulté du gouvernement.
Anne-Claire Ruel
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