Si j'étais une mère syrienne

Femme syrienne en Hongrie, 2 septembre 2015, Photo AFP

L'article qui suit a été publié en anglais par le Huffington Post et repris en arabe par le journal syrien Enab Baladi le 2 septembre 2015. Son auteure, la journaliste Maha Assabalani, raconte le départ forcé de Syrie, d'une mère, d'un père et de leurs six enfants. Un long périple aura mené ces huit réfugiés de la banlieue de Damas à Beyrouth, puis sur les côtes grecques avant une marche longue et harassante jusqu'à Cologne, en Allemagne.  Un voyage où la mère de famille aura été confrontée à des choix douloureux et à une peur constante.

 Les avions de chasse syriens ont attaqué une banlieue de Damas le dimanche 16 août 2015. Cette attaque a fait plus de 100 victimes, parmi lesquelles de nombreux enfants.

 Si j’étais une mère en Syrie, pourrais-je jamais imaginer la peur constante de perdre mon enfant comme cela? Mpremière réaction serait dm’enfuir, de m’en aller loin de la Syrie, quelque part où je pourrais protéger mes enfantsen quelque sorte sauver leur vie. Mais, je ne suis pas une mère et je ne vis pas en Syrie. C’est facile pour moi de considérer la guerre en Syrie comme une guerre folle, parmi tant d'autres.

L'histoire que je veux vous raconter n’est pas une histoire hors du communQu’y a-t-il d’extraordinaire dans l’histoire d’un homme, de son épouse et de leurs six enfants fuyant la guerre en Syrie, en quête de protection et de sécurité en Allemagne? Rien. Croyez-moi. C’est tout simplement une histoire banale que vous pouvez entendre de la bouche de millions d'autres réfugiés syriens.

 La seule différence se trouve dans les détails. Abeer, 33 ans, mariée à 16 ans, vivait avec son mari, propriétaire d’une pâtisserie, et ses six enfants dans une banlieue de Damas. Leur vie était paisible jusqu’au jour où cette quiétude a cédé la place à la peur et à l’insécurité. Le mouvement de contestation pacifique a été violemment réprimé par le régime syrien. Ce dernier commencé à détruire des quartiers entiersdont celui où se trouvait le domicile de AbeerA cette époque làAbeer venait de donner naissance à son sixième enfant. 

 Elle n’avait plus d'autre choix que de fuir le pays. Mais pour aller où? Beyrouth était une option évidente du fait de sa proximité géographique.

Toutefois, Beyrouth s'est avéré être un mauvais choix pour cette famille : pas d’emploi, pas de revenus et pas d’avenir. Après les deux années et demi les plus difficiles de leur vie, la famille décidé de quitter le Liban pour recommencer ailleurs.

 Mais pour aller où, encore une fois ? Et pour combien de temps ? Allaient-ils essayer de vivre dans un nouveau pays pour les prochaines deux années et demi de leurs vie ou serait-ce un simple pays de transit? Au péril de leur vie, les membres de cette famille ont décidé de traverser la méditerranée pour se rendre en EuropeGrâce à leur courage et à leur persévérance, ils ont survécu au voyage et sont arrivés sains et saufs en Grèce. Et puis, eGrèce, ils ont marché ... marché ... et marché encore. Pendant quarante jours, cette famille de huit personnes a marché de la Grèce jusqu’à Cologne, en Allemagne.

 Abeer et son mari ont marché sans larmes et sans regretsIls ont laissé leurs mauvais souvenirs et leur soucis derrière eux, ils marchaient chaque jour avec un seul sentiment ... l’espoir. Abeer était accompagnée de six espoirs, oui six espoirs d'un nouveau début. Le premier espoir pourrait devenir médecinldeuxième, ingénieur, le troisième pourrait être écrivainle quatrième une star de footlcinquième pourrait devenir un artiste, et le sixième pourrait peut-être un jour devenir le prochain président de la Syrie. 

Cette histoire ne donne pas une image complète de ce que Abeer et sa famille ont vécu pendant leur séjour au Liban ou leur voyage à travers la mer et les frontières européennes. De nombreux événements dramatiques se sont passés, mais j’ai choisi cette partie de l’histoire pour que vous la considériez comme l'histoire normale d'une famille de réfugiés normale dans des circonstances normales. La seule différence est dans les détails ... et dans l’espoir.

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Enab Baladi (Les Raisins de mon pays) est un périodique syrien créé par de jeunes femmes et hommes de Darayya (campagne de Damas), afin de répondre au besoin de créer des médias indépendants qui reflètent les changements sur le terrain en Syrie et renforcer le mouvement civil et pacifique dans ce pays. Le choix du nom, Raisins de mon pays, n'a rien d'étonnant, lorsque l'on sait que Darayya est célèbre pour ce fruit. Comme d'autres nouveaux médias syriens, Enab Baladi a voulu contribuer à mettre fin au monopole imposé depuis plus de quatre décennies par les régimes Assad (père et fils); sur le domaine de la communication. Ce périodique bihebdomadaire couvre des sujets sociaux, politiques, économiques et culturels.

Publié par Expressions Syriennes / Catégories : Non classé