11 décembre : une date symbolique pour le FN ?

Réunion de "crise" autour de Jean-Marie Le Pen au moment de la scission de 1998. On aperçoit, entre autres, Marine Le Pen et Bruno Gollnisch.

Le 20 août 2015, Jean-Marie Le Pen comparaît devant le Bureau exécutif qui siège en qualité d'instance disciplinaire. Le FN lui demande de s’expliquer, notamment sur ses dernières « outrances » verbales. Le co-fondateur du FN est exclu de « son » parti. Aujourd'hui, 11 décembre 2017, la cour d'appel de Versailles réexamine le cas Jean-Marie Le Pen pour se prononcer sur une éventuelle réintégration de l’ancien président du FN.

La date du 11 décembre serait-elle en train de devenir symbolique dans l'histoire du FN ? Un peu moins de vingt ans en arrière, ce jour précisément, dans la soirée, Jean-Marie Le Pen excluait officiellement les « félons », à savoir les artisans principaux de la scission mégrétiste. Depuis qu’il existe, le FN n’a jamais apprécié les voix qui dévient bruyamment de sa ligne et disent leurs différences. Le duel Marine-Jean-Marie Le Pen représente évidemment le paroxysme. Mais comme nous le savons, d’autres duels se sont produits entre le président et ses numéros deux ; un des plus spectaculaires étant celui opposant Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen.

Le 11 décembre 1998, Jean-Marie Le Pen se retrouve à une réunion publique à Metz. Devant des centaines de militants conviés à ce dîner patriotique, il prononce en une formule restée célèbre la suspension des « traîtres », à savoir Bruno Mégret, Jean-Yves Le Gallou, Philippe Olivier (aujourd’hui conseiller de Marine Le Pen), Franck Timmermans et Serge Martinez : « Je n’abandonnerai pas la barre du navire à une poignée de lieutenants et de quartiers-maîtres félons. Fort d’une minorité qu’eux-mêmes, en public, feignent encore aujourd’hui de reconnaître au président, j’ai décidé de les sanctionner en frappant la conjuration à sa tête. (...) Ce qui me différencie de César, qu’approchait Brutus le couteau à la main et qui releva sa toge pour se couvrir la tête, c’est que, moi, je sors mon épée et je tue Brutus avant qu’il ne me tue ! »

Les mégrétistes Jean-Claude Bardet et Yvan Blot se lèvent pour protester. Une quarantaine de militants les suivent en criant « Trahison ! Trahison ! ». Face à eux, les lepénistes, plein d’admiration pour le président du FN, l’écoutent avec ferveur les plonger à nouveau dans l’histoire du parti, celle qu’il ne cesse de réactiver pour eux, de Pétain à la guerre d’Algérie. Des feuilles de soutien au FN circulent, incitant les militants qui ont signé pour la tenue d’un congrès à reconnaître leur erreur. Presse écrite, TV, radios : pendant des mois, la crise du FN va alimenter les médias.

Deux jours plus tard, lors d’un conseil national « extraordinaire », les 181 membres du conseil national présents – sur 339 – décident l’organisation d’un nouveau congrès : 62 fédérations sur 95, 150 conseillers régionaux sur 280 et plus de 17 300 adhérents y sont favorables. Plus d’un tiers des militants, deux tiers des cadres et des candidats aux législatives rejoignent les partisans de Bruno Mégret. Le site internet du FN est « relooké ». L’organigramme de la Délégation générale disparaît pendant le week-end des 12-13 décembre.

Dans sa dernière chronique de National Hebdo (17-23 décembre 1998), François Brigneau revient sur sa longue et tumultueuse amitié avec Jean-Marie Le Pen et son caractère « pas facile ». Cependant, il a, explique-t-il dans ce papier engagé, comme une dette à régler : « Je n’oublierai jamais ce que nous lui devons, nous autres, les épurés de 1944. Jean-Marie Le Pen fut le premier jeune chef politique, non mêlé aux tumultes de la guerre civile, à faire de la réconciliation française le premier ciment du mouvement national. (...) Cependant, je ne peux laisser croire – ne fût-ce que par mon silence – que j’adhère au comportement actuel du président Le Pen. Ce comportement me navre. Il m’accable. Il me désespère. (...) J’ai apprécié ce que les '' horlogers'' (...) ont apporté en rigueur, sérieux, formation, documentation, organisation au mouvement national. Il ferait une grande perte en s’en séparant. Le bannissement n’est jamais un facteur d’enrichissement. Je ne pourrai jamais considérer comme des traîtres à leur parti, et à leur patrie, les dirigeants qui ont demandé la convocation d’un congrès extraordinaire. (...) ''La vie n’est pas neutre'', disait le Maréchal. J’ai pris mes responsabilités. J’ai essayé de parler le plus dignement possible (...) de cette lamentable histoire ».

Une quinzaine d’années après, Jean-Marie Le Pen se souvient à coup sûr de cet épisode et, peut-être, a-t-il lu ces quelques lignes. Et Marine Le Pen ? Elle a intégré le FN en janvier 1998 en prenant la direction du service juridique ; une structure créée sur sa proposition par son père. La suite de l'histoire, nous la connaissons.