La réaction de la présidente du Front national suite à la clôture des comptes bancaires du FN et de plusieurs de ses fédérations par la société Générale (SG) n'a pas tardé. Pendant sa conférence de presse du 22 novembre dernier - « Les oligarchies financières sont contre la démocratie »-, Marine Le Pen dénonce une « fatwa bancaire » à l'encontre de son parti. Elle annonce le dépôt d'une plainte pour « discrimination » tant au nom du Front National contre la Société Générale qu’à titre personnel contre la HSBC dont elle se dit « chassée ». Le même jour, la SG avance une décision de nature « exclusivement bancaire » et « donc sans aucune considération politique ». Saisie par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, la Banque de France (Bdf) vient de rendre ses conclusions. « Les clôtures de comptes du Front national ne paraissent pas traduire un dysfonctionnement des banques, au regard de leurs obligations réglementaires, et ne laissent pas supposer de discrimination », écrit la BdF dans un document.
Le 25 novembre, le FN appelle à une manifestation devant la SG de Rueil Malmaison « pour une moralisation bancaire ». Des élus affichent leur présence parmi lesquels Gilbert Collard. Le député FN du Gard dénonce une « tentative d’assassinat financier » du Front national et en donne cette explication : « Le PDG de la SG a pour épouse une femme qui aurait pu être ministre des sports, qui appartient à la promotion Senghor de l’ENA qui est la même promotion que M. Macron ; la SG a ouvert des comptes au Maroc pour la finance 100% musulmane en respectant toutes les règles de la doctrine musulmane. Est ce que ça a été une condition pour installer les comptes ? On ne sait pas puisqu’on a pas d’explication mais en tout cas on a beaucoup de motifs pour dire que cette décision arbitraire a un caractère fondamentalement politique ».
Pour Gilbert Collard, les choses seraient donc assez claires : les liens qu’entretiendraient le président de la République et l'épouse du PDG de la banque française, l'ancienne élève de l'ENA et joueuse de tennis Amélie Castera-Oudéa, constitueraient une partie de l’explication de la clôture des comptes bancaires du FN. Le second versant ? Il s’agirait de contenter le Maroc où la SG est installée depuis plus d'un siècle.
En d'autres termes, le FN n'a rien à se reprocher. Le parti lepéniste est coutumier de ce gendre d'interprétations. Pendant la dernière campagne présidentielle, Marine Le Pen revient ainsi sur les enquêtes visant ses assistants parlementaires européens et ses financements de campagne. En meeting à Nantes, le 26 février 2017, la présidente du FN réclame aux fonctionnaires « de se garder de participer » aux « dérives » d’un « personnel politique aux abois » qui leur « demande d’utiliser les pouvoirs d’État pour surveiller les opposants, organiser à leur encontre des persécutions, des coups tordus, ou des cabales d’État ». Elle fustige « les puissances d’argent et médiatiques » soi-disant au service d’Emmanuel Macron puis dénonce les « cabales » qui la viseraient. Et de prévenir contre une « dérive antidémocratique, oligarchique ».
La présidente et son parti seraient alors les « victimes » d’un complot, au sens large du terme, puisqu’il est politique, médiatique, financier et judiciaire. Ce positionnement victimaire n'entend pas que délégitimer la démocratie et exonérer le FN et certains de ses représentants. Il reprend ce rôle que la formation lepéniste aime tant endosser, celui du seul contre tous. La presse, les intellectuels, les politiques, la finance figurent au premier rang de ceux que le parti mariniste désigne comme ses adversaires. Il s’agit de faire adhérer à une vision du monde frontiste, celle décrite par exemple aux Estivales de Fréjus, les 17 et 18 septembre 2016. Marine Le Pen y expliquait justement que le « moment (était) venu de voir le monde comme il va, et pas comme on nous le raconte ».