Ce sont des propos rapportés par l’hebdomadaire d’extrême droite Minute de cette semaine. Ceux de Thierry Mariani qui envisage des discussions entre la droite et le FN, tout en estimant qu'il est trop tôt pour une « entente ». Pourquoi attendre ? L’ancien député LR juge le programme économique de la dernière présidentielle trop à gauche et de poursuivre ainsi : « si un jour la droite veut revenir aux affaires », des « discussions » seront nécessaires. Il « est évident qu'il y a quelques barrières à casser, non pas en terme de partis mais en terme de personnes ». La gauche, explique Thierry Mariani, « a gagné lorsque François Mitterrand a su casser le tabou de la non-fréquentabilité du PCF. Je pense qu'on n'en est pas du tout là encore mais si, un jour, la droite veut gagner les élections, je dis que nous avons deux ans d'ici aux européennes pour faire en sorte que les gens qui partagent les mêmes valeurs, sans excès mais sans mollesse, puissent se retrouver. (...) Le danger en France, aujourd'hui, ce n'est pas le Front national, c'est l'islamisme. Il faut regarder les évolutions des uns et des autres, les personnalités, et commencer au moins à discuter ensemble ».
Ce n’est pas la première fois que Thierry Mariani évoque ce type de configuration. Après la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012, rappelle le Lab politique Europe 1, il envisage un rapprochement avec le FN pour les législatives ne trouvant « rien d’anti-démocratique ou anti-républicain chez Marine Le Pen ». Et si on remonte un peu plus loin dans cette histoire, on constate que les noms Le Pen et Mariani ont déjà été associés.
Un « accord » entre le RPR et le FN ?
Le 6 mars 1983, la liste Le Pen « Paris aux Parisiens ! Les Français d’abord ! » obtient 11,26 % au premier tour des municipales. C’est le « premier grand résultat » du FN. Six ans plus tôt, sa liste « Paris aux Parisiens » recueillait 1,86% des voix. « Un courant populaire est né. (...) Il est la condition d’un échec futur des marxistes », affirme la publication du parti RLP Hebdo au début des années 1980. Jean-Marie Le Pen réalise que sa candidature dans un arrondissement populaire fonctionne. Il ne va pas tarder à déchanter.
Peu avant l’élection, le président du FN noue des contacts avec le RPR pour négocier un « arrangement », c’est-à-dire une fusion des listes pour le second tour. Plus précisément, juste avant le premier tour, le président du FN rencontre Paul Violet, conseiller du vingtième arrondissement et un des responsables de la campagne de Thierry Mariani. Un « accord verbal fort » est passé, « disant que Chirac voulait faire le grand chelem à Paris pour montrer aux socialistes sa force, et à l’UDF qu’il était le patron », explique le responsable de la permanence du président du FN Jean-François Touzé. Ce dernier revient sur cette rencontre : « Nous ferons un accord et fondrons nos listes, avait dit en substance Paul Violet à Le Pen. Son résultat a été inférieur à ce qu’il espérait. Il a attendu le coup de fil. Il s’est retrouvé conseiller d’arrondissement, ce qui n’était pas le but de sa vie ».
Le « coup de tonnerre de Dreux » : l’union droite - FN
Six mois plus tard, dans le cadre des élections municipales partielles de Dreux, Jean-Pierre Stirbois recueille au premier tour 16,72 % des voix sur une liste autonome. Le FN fusionne avec la droite et des non-inscrits pour le second tour. La liste d’union Front national-divers droite remporte les élections et obtient 31 élus. Jean-Pierre Stirbois est nommé maire adjoint à la protection civile. Le secrétaire général du FN est alors intimement persuadé que l’électorat du FN est populaire et que seul son parti peut faire barrage à la gauche. La réaction de Jacques Chirac est significative. Le président du RPR juge alors « excessive » la polémique autour de cette élection municipale. Il précise un peu plus sa pensée, annonçant un des tout premiers positionnements de la droite républicaine vis-à-vis du FN. Cela « n’a aucune espèce d’importance d’avoir quatre pèlerins du FN à Dreux, comparé aux quatre ministres communistes au Conseil des ministres ». D’ailleurs, précise-t-il, personnellement, il n’aurait « pas du tout été gêné de voter » pour cette liste. Et si une situation analogue se répétait ailleurs, Jacques Chirac trouverait « tout à fait naturel » une fusion entre les listes RPR et FN.
En 1988, un document interne du FN donne cette définition du RPR : « Mouvement politique qui fait campagne sur les thèmes du Front national et pactise avec le socialisme et les lobbies une fois au pouvoir ». Aujourd’hui, les cadres du FN mettent en avant ce qu’ils considèrent comme une évidence : certains de leurs adversaires politiques ne font pas que parler comme le FN. Ils agiraient comme lui. Certes, l’histoire l’a montré. Le degré d’intimité entre la droite et l’extrême droite varie en fonction de la dynamique électorale du parti lepéniste mais aussi de la santé politique de ses adversaires. Les propos de Thierry Mariani soulignent évidemment un aspect essentiel : son parti, Les Républicains, est bien malade.