Changer de nom... Le FN l'a déjà fait !

Conférence de presse du 13 novembre 1972 annonçant la naissance du FN. À la tribune : Roger Holeindre, François Brigneau, Jean-Marie Le Pen, Alain Robert et Pierre Bousquet.

Ce soir du 7 mai 2017, Marine Le Pen prend la parole peu après 20 heures. La présidente du FN déclare notamment ceci : « Par ce résultat historique et massif, les Français ont désigné l’alliance patriote et républicaine comme la première force d’opposition au projet du nouveau Président. Les formations politiques qui ont pris la responsabilité de faire élire monsieur Macron se sont discréditées elles-mêmes et ont perdu toute légitimité à représenter une force d’alternance ou même d’opposition crédible. (…) Le premier tour a entériné une décomposition majeure de la vie politique française par l’élimination des partis anciens. Ce second tour organise une recomposition politique de grande ampleur autour du clivage entre les patriotes et les mondialistes. (…) Le Front national, qui s’est engagé dans une stratégie d’alliance, doit lui aussi se renouveler afin d’être à la hauteur de cette opportunité historique et des attentes des Français exprimées lors de ce second tour. Je proposerai donc d’engager une transformation profonde de notre mouvement afin de constituer une nouvelle force politique que de nombreux Français appellent de leurs vœux et qui est plus que jamais nécessaire au redressement du pays. J’appelle tous les patriotes à nous rejoindre afin de participer au combat politique décisif qui commence dès ce soir. Plus que jamais, dans les mois qui viennent, la France aura besoin de vous ».

Créer une « nouvelle force politique qui n'aura pas le même nom » dixit Florian Philippot… À quoi ça sert ? Le FN ne serait pas le premier à tenter d’enclencher une énième dynamique pour l’histoire à venir et, pourquoi pas, mettre un point final à cette « dédiabolisation » entamée depuis les années 2000. L’objectif est évident. Il s’agit de se défaire définitivement de l’image et de l’histoire d’un parti lié à Jean-Marie Le Pen et de deux lettres – FN - assorties d’un logo (la flamme bleu, blanc, rouge) inspiré de la flamme du parti néofasciste italien, le Movimento sociale italiano (MSI).

Le changement de nom parcourt l’histoire du FN. Il est rattaché à une stratégie politique pérenne. Depuis son émergence sur la scène politique, le FN adopte différentes dénominations pour les élections intermédiaires. Par exemple, en 1984, aux élections européennes, c’est sous l’intitulé de « Front d’opposition nationale pour l’Europe des patries » que Jean-Marie Le Pen conduit la liste couronnée de près de 11 % des suffrages exprimés. Deux ans plus tard, il se jette dans la bataille des législatives en fondant le « Rassemblement national ». En 1988, le nom du FN et son logo sont absents des affiches de la campagne présidentielle… tout comme pendant les campagnes présidentielles de Marine Le Pen. Cette stratégie vise un double objectif : il est nécessaire de ratisser large, de brouiller la marque FN afin d’attirer une autre clientèle politique.

Petit rappel historique

Certes, dans les faits, le parti est appelé communément Front national dès son apparition. Mais la réalité historique est autre. Au moment de sa création le 5 octobre 1972, le parti d’extrême droite prend comme nom de baptême Front national pour l’unité française (FNUF).

1972

Sa présentation et les termes utilisés ne laissent pas insensibles aujourd’hui. Il ne fait pas qu’afficher son indépendance avec la droite classique. Le FNUF se présente comme une fédération nationaliste unitaire souhaitant « tourner la page de tous les déchirements historiques du XXème siècle » et devenir une « structure d’accueil pour tous les patriotes afin que tous puissent se retrouver autour de cette logique d’abord nationale, et autour de la personnalité de Jean-Marie Le Pen ». Si sur le plan de la propagande l’appellation FNUF est pour le moins difficile à utiliser, le président du Front national tient beaucoup à cette dénomination. Statutairement, le FNUF devient le FN en 1995. La modification de l'article 2 des statuts n'influe en rien sur la suite de l'histoire.

1995

Dans quelques mois, la formation lepéniste pourrait donc s'appeler autrement. Le changement de nom ne serait pas que symbolique. Assorti d’un nouveau logo, le parti entendrait clore une histoire et en ouvrir une autre. Mais laquelle ? Le départ annoncé de Marion Maréchal-Le Pen remet au jour une des lignes de fracture du FN : le retour aux fondamentaux, la question des alliances et l’attitude du FN avec la droite. Changement de nom, nouveau cap ? La création éventuelle de l'Alliance patriote et républicaine pose une question essentielle :  ne masque-t-elle pas l’absence d’un changement et d’un débat de fond ?