Et si, en 2002...

L’histoire telle qu’elle aurait pu se passer... si. Un terme existe pour qualifier ce procédé : l’uchronie. Chacun en fait usage comme il l’entend selon ses propres critères, attentes et exigences. L'uchronie peut être considérée comme un moyen de réfléchir autrement sur l’événement historique (allié à la fiction) ; une façon d'appréhender un moment sous différents aspects. La position du locuteur est essentielle tout comme la question sous-jacente à l'utilisation de cette pratique : l'imagination peut-elle servir la recherche en histoire ?

L’élection présidentielle de 2002 avec des si, cela donne quoi ? Ce sont deux histoires différentes à partir d'un postulat commun : l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour. La première version est proposée par le protagoniste lui-même. L’épisode est raconté par le journaliste Arnaud Folch dans Valeurs actuelles (6-12 avril 2017). Le 21 avril 2002, le directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen, Olivier Martinelli, reçoit un premier appel provenant du Ministère de l’Intérieur vers 18h30 : « C’est la panique ici ! D’après nos remontées, vous êtes au second tour après Chirac ». Jean-Marie Le Pen est indéniablement déçu. Il espérait affronter Lionel Jospin dans le cas de cette accession au second tour… qu’il envisageait. La seconde proposition émane du politologue Olivier Duhamel dans son Histoire des présidentielles (Le Seuil, 2008).

Chacun avance une version qui nous permet d'imaginer différentes conjectures.

Jean-Marie Le Pen :

Dans le cas d’un duel Jospin-Le Pen, « tout aurait été différent. Sans doute ne l’aurais-je pas emporté, mais une partie de l’électorat de droite se serait reportée sur moi. Au lieu de 18% au second tour, j’aurais pu atteindre 35%. La droite aurait éclatée, le FN aurait eu un groupe à l’Assemblée et je me serais retrouvé en position idéale pour 2007 ».

Olivier Duhamel :

« Si les sondages avaient annoncé, dans la dernière semaine, dans les derniers jours, le 21 avril, le 21 avril ne se serait pas produit. S’ils avaient montré que Le Pen devançait Jospin, Jospin aurait devancé Le Pen ».

 

Dans quelques jours, l’histoire de la présidentielle de 2017 s’écrira certainement avec des si. Ces réflexions partiront de données tellement différentes de celles de la configuration de 2002 dont une centrale : quinze ans après le « séisme politique » du 21 avril, l’accession de Marine Le Pen au second tour ce 23 avril est envisagée sérieusement. Ce ne sera, en aucun cas, une « surprise » comme cela le fut pour son père. Mais si…