Nicolas Bay était en Israël ces jours-ci. Il s’est rendu notamment au Mémorial de Yad Vashem où, explique-t-il, il a pu « rappeler les mots » de Marine Le Pen paru dans Le Figaro en février 2011 : les « camps ont été le summum de la barbarie ». Il s'agit de « lever des incompréhensions ou des malentendus » continue le secrétaire général du FN ... à savoir une double accusation historique dont le Front national a bien du mal à se défaire : l’antisémitisme couplé au négationnisme. Le message est clair. En France, rapporte Nicolas Bay dans une interview publiée sur le site du quotidien israélien Haaretz, « nous avons beaucoup de membres de confession juive. Ils comprennent que nous sommes les seuls à indiquer clairement la source des attaques antisémites : les islamistes ». Et de poursuivre : « Marine Le Pen a déjà dit que le Front National est un bouclier pour les citoyens juifs français contre ces attaques ».
Certes, il a rencontré le ministre israélien Yaakov Litzman. Mais rapidement, un responsable du gouvernement a déclaré que Benjamin Netanyahou n'était pas au courant de cette entrevue. Les quelques représentants officiels approchés par Nicolas Bay affirment ne pas savoir qui il était. Puis, ce déplacement dans l'État hébreu étonne certains au FN. Michel Thooris rappelle que Nicolas Bay était candidat MNR aux législatives de 2002 « avec le beau-frère de Robert Faurisson », à savoir René Schleiter. Il « n’avait pas la réputation d’être philosémite quand il était chez Mégret. Je suis ravi, il a dû évoluer sur la question. C’est positif », commente le responsable de l’Union des patriotes français juifs (UPFJ), une « association de patriotes de confession israélite » selon Marine Le Pen, lancée au printemps 2016. Nicolas Bay s'est expliqué sur ce compagnonnage avec la sphère négationniste : il ne connaissait pas, affirme-t-il, la relation familiale… et idéologique.
Le numéro trois du FN semblait, par contre, savoir de quoi il parlait le 18 décembre 2015. Invité dans l’émission Territoires d’Infos (Public Sénat et Sud Radio), Nicolas Bay réagit à la condamnation d’Éric Zemmour à 3000 euros d’amende pour provocation à la haine envers les musulmans. Ses propos ciblent la loi Gayssot (13 juillet 1990) qui sanctionne judiciairement la contestation des crimes contre l’humanité : « C’est scandaleux qu’Éric Zemmour soit condamné tout simplement parce qu’on a aujourd’hui dans notre législation un certain nombre de lois qui sont gravement attentatoires à la liberté d’expression (…) Nous avons des lois en France notamment la loi Gayssot qui empêchent de pouvoir parler librement de l’immigration, de l’islamisme radical qui se développe en France. (...) C’est une dérive inquiétante pour les libertés individuelles ». Aux temps de Jean-Marie Le Pen, ce discours était habituel. Le FN se mobilisait régulièrement dans son combat pour les libertés françaises « menacées » par cette loi « d’inspiration communiste visant, sous couvert d’antiracisme, à rétablir le délit d’opinion, aboli en France depuis un siècle ». Rappelons que le Front national est alors le seul parti politique à condamner ouvertement la loi Gayssot et à demander son abrogation dans ses programmes à venir.
Pendant la campagne de succession à Jean-Marie Le Pen, sa fille parie sur « l’avenir des recompositions à l’extrême droite » et affirme vouloir camper sur les fondamentaux du lepénisme : « préférence nationale, rétablissement de la peine de mort, inversion des flux migratoires, décrue fiscale, défense de la vie depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, défense de l’indépendance et de la souveraineté françaises, refus des lois liberticides », c'est-à-dire les lois Pleven (1972) et Gayssot. Celle qui est alors vice-présidente du FN considère que ces bases du lepénisme (elles sont énoncées par le directeur de publication de Rivarol Jérôme Bourbon et donc approuvées par Marine Le Pen lors d’une interview publiée dans Écrits de Paris en janvier 2008) sont « à l’évidence, le socle idéologique du FN et (...) il convient de les conserver et de les enrichir ». Elle ajoute : « Personne plus que moi ne souhaite défendre les fondamentaux frontistes qui ne se résument pas à un slogan certes pertinent mais aujourd’hui vieux de trente ans ».
Depuis le Congrès de Tours, elle envoie, régulièrement, des signes aux Juifs de France. À plusieurs reprises, la présidente du FN a tenté de s’afficher avec des personnalités politiques israéliennes, notamment lors de ses voyages aux États-Unis. Le 22 avril 2012, l'électorat juif se serait prononcé aux environs de 13% pour le FN. Dans un communiqué de presse paru après le premier tour de la présidentielle, Michel Thooris - alors conseiller politique sécurité de Marine Le Pen - rapporte qu'un « grand nombre d’électeurs Français Juifs ont compris que Marine Le Pen était la seule à incarner un espoir pour la France face aux nouvelles menaces contemporaines ». Dans un entretien paru dans Valeurs actuelles (19 juin 2014), Marine Le Pen s’exprime peu après un énième « dérapage » de son père. Non seulement, affirme-t-elle, le FN n’est pas un adversaire des Juifs mais il est, « dans l’avenir, le meilleur bouclier pour (les) protéger ». The Jerusalem Post du 13 avril 2016 publie un dossier intitulé : « Ces juifs qui votent FN ». On y apprend, entre autres, la création de l'UPFG, qualifiée d’« organisation informelle (...) spécifiquement destinée aux électeurs juifs ». Le journal israélien dresse ce constat : « De plus en plus de juifs de banlieues, se sentant particulièrement menacés par l’antisémitisme musulman, estiment que le FN est le seul parti politique doté d’un programme susceptible de les protéger ».
La campagne pour la présidentielle de 2017 suit cet axe et ce chemin entamés depuis un bon moment. Reste plusieurs étapes pour Marine Le Pen dont une essentielle : se rendre en Israël. Marion Maréchal-Le Pen avait prévu d'y aller début 2016. Sa tante lui a fait comprendre qu'il n'en était pas question. Gilbert Collard disait vouloir s'y rendre en juin en vue d’une « normalisation des relations entre Israël et le Front National » et, à plus long terme, pour préparer un éventuel « voyage de Marine Le Pen à Jérusalem ». Ira-t-elle en 2017 ? Peu probable. L'empreinte historique demeure... tout comme certains positionnements équivoques.