Pour la septième fois, le Front national s’apprête à participer à l’élection présidentielle. L’année 1974 marque son entrée dans cette histoire. Le 5 mai, Jean-Marie Le Pen obtient 0,74 % des suffrages exprimés. Il est indéniablement déçu. Il visait au moins le score de Jean-Louis Tixier-Vignancour (5,2 % en décembre 1965). Pour le second tour, le FN appelle à voter Valéry Giscard d’Estaing. Il s’agit d’empêcher par tous les moyens l’arrivée au pouvoir de la gauche, incarnée par François Mitterrand et Georges Marchais. Alain Renault perçoit, avec raison, dans le résultat du premier tour, une « victoire stratégique ». La campagne présidentielle a révélé le candidat FN au grand public. Malgré son score médiocre, sa candidature lui confère un statut : celui de leader de l’extrême droite française.
Pas de message, pas de logo. L’assimilation du FN à son dirigeant est immédiate et perdure tout au long de l’histoire du Front national. Le parti possède un atout indéniable par rapport à ses concurrents : celui de présenter le même candidat. Jean-Marie Le Pen entend imposer cette idée : il est le FN, son concepteur et son président. Il est celui qui a créé une sorte d’entreprise politique destinée à durer des décennies. La pertinence de l’étiquette FN et du patronyme Le Pen sont inhérents aux fonctionnements et aux succès (et échecs) de la formation politique. La marque Le Pen est depuis bien longtemps déposée et jalousement gardée. Y faire concurrence est difficile comme le montre, notamment, l’échec de la tentative d'émancipation de Bruno Mégret à la fin des années 1990 avec le MNR.
Plusieurs moments alimentent cette histoire des présidentielles dont l’élection de 1982 pour laquelle Jean-Marie Le Pen ne parvient pas à récolter les 500 signatures… et celle, évidemment, de 2002 ; moment où le président du FN accède au second tour alors que la gauche se voit éliminée. Dix ans plus tard, le 22 avril, Marine Le Pen obtient pour sa première présidentielle 17,9 % des voix. Depuis, chaque élection nationale marque une étape dans l’ascension du FN. Dernières en date : les régionales de décembre 2015. Si le FN ne parvient pas à décrocher une présidence de région, il s’installe en tête - au premier tour - dans six régions. Au second tour, le parti de Marine Le Pen comptabilise 6,8 millions de voix, soient 200 000 de plus qu'à la présidentielle de 2012. Le résultat du vote FN oscille autour de 28%. Près d’un électeur sur deux n’est pas allé voter. L’implantation du parti lepéniste gagne progressivement du terrain. Le nombre de ses élus, représentants et adhérents augmente. Ceci dit, le FN reste marginal à l’échelle du territoire.
Pour la présidentielle de 2017, la présence du FN au second tour est plus que mise en avant par nombre d’observateurs et d’acteurs de la vie politique française. Le parti de Marine Le Pen aimerait y croire, surtout qu’il perçoit dans le contexte international des signes considérés comme positifs et « annonciateurs » - la montée du national-populisme en Europe et le Brexit – et d’autres, pourquoi pas, « précurseurs » comme l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Dans un contexte marqué par les attentats sur le sol français et la crise des réfugiés, le FN parvient à s’imposer un peu plus. En face, une gauche plus qu’affaiblie et certains à droite qui adaptent leurs discours à la rhétorique frontiste. Cependant, des faits ne vont guère dans le sens de cet optimisme affiché. Parmi eux, la victoire de François Fillon et les dissensions affichées au grand jour entre Marion Maréchal Le Pen et Marine Le Pen / Florian Philippot.
Dans quelques mois, des électeurs vont donc s’apprêter à glisser un bulletin Le Pen dans l’urne. Certains feront ce geste pour la première fois. D’autres le répéteront. Quelque soit le résultat, le FN exposera à nouveau par cette élection cette personnalisation qui le caractérise. Le parti lepéniste est porteur d'une autre singularité - qu'il ne cesse de mettre en avant - par rapport à ses concurrents. Il n’a jamais été essayé.