Ce mercredi 14 décembre, une plainte a été déposée au TGI de Béthune (Pas-de-Calais) contre l’association des maires « "Ma commune sans migrants" pour provocation à la discrimination à raison de l’origine ou d’une appartenance ». Steeve Briois en est l’objet principal puisqu'il est le fondateur de cette association dont le « texte - incitant à la discrimination contre les migrants - a été présenté comme une charte anti migrants » rapporte Samuel Thomas, vice-président de La Maison des Potes – Maison de l’égalité à l'origine de la démarche. Outre le maire d’Hénin-Beaumont, la plainte vise également le directeur de la publication du site du FN Jean-François Jalkh et le co-responsable de la publication Wallerand de Saint-Just. Pour Bruno Bilde, adjoint aux relations publiques de Steeve Briois, cette plainte est une « opération de communication d'un groupuscule complaisamment relayée par les médias ».
« Ma commune sans migrants » est le nom d’une charte conçue par Steeve Briois qui appelle, depuis septembre 2016, les trente-six mille maires de France à la signer et à rejoindre l’association éponyme qu’il préside. Les maires membres de cette association s’engagent à faire voter par leur conseil municipal cette charte en huit points « attestant devant les Français que tous les moyens légaux en (leur) possession (…) seront mis en œuvre pour s’opposer à l’accueil des migrants ».
Le maire d’Hénin-Beaumont pose ces questions : « Combien de soldats de DAESH parmi le flot de migrants ? Combien de terroristes ou délinquants en puissance seront accueillis au frais du contribuable ? Quel impact sur les finances publiques locales ? Sur l’activité économique des villes et villages concernés ? Sur le marché immobilier local ? » L’initiative frontiste est concomitante à l’annonce gouvernementale du démantèlement complet et définitif du campement de la lande à Calais ; une décision qualifiée de « politique folle » par le FN - ayant pour conséquence de multiplier les « mini Calais » en France – et d’« inacceptable » car elle menacerait « gravement » l’ordre public et la sécurité des Français. Deux raisons invoquées par la ville FN de Beaucaire qui est la première à adopter la charte. Une autre s’y ajoute, déjà soulignée par le FN : la participation financière des contribuables dans l’accueil des réfugiés. Le tableau dressé sombre dans le manichéisme : d’un côté, des Français qui se battent pour faire face aux réalités quotidiennes alors que le gouvernement « s’apprête à réduire une fois de plus les allocations logement (…), à geler les pensions de retraite ». De l’autre, des « milliers de migrants » pour qui le gouvernement parvient à offrir des conditions de vie plus qu’acceptables, certains étant même logés « dans des châteaux ou des centres de vacances ». Après la municipalité du Gard, celle d'Hénin-Beaumont vote la charte.
Samuel Thomas explique sa démarche. Son association porte aujourd’hui devant les tribunaux deux affaires touchant le FN et notamment Steeve Briois. La première date. Elle concerne Le Petit guide pratique de l’élu municipal Front national publié dans la perspective des municipales du printemps 2014. La Maison des potes a porté plainte contre les responsables de cette publication qui, selon elle, « incite » les élus FN à « mettre en place la discrimination dans l’accès au logement social en réservant la priorité » aux Français. Le guide, écrit par Steeve Briois et Sophie Montel, a été supervisé par Jean-François Jalkh. Le Parlement européen a levé l'immunité parlementaire de ce dernier depuis peu, à la demande de la justice française. Le député européen doit justement être poursuivi pour avoir donné son aval au Guide qui préconise la « préférence nationale » dans l’attribution de logements sociaux.
Pour la charte, le délit et la mise en oeuvre pourraient être sensiblement équivalents. Steeve Briois l’a rédigée et rendue publique. Et pour La Maison des potes, cet écrit « incite puis met en œuvre la discrimination » affirme Samuel Thomas. L’objectif est précis, poursuit-il : par le biais de son site internet, le Front national devrait faire l’objet d’une mise en accusation et d’une condamnation en tant que parti. C’est différent de l’époque de Jean-Marie Le Pen qui, lui, était poursuivi pour ses propos personnels ; les condamnations de l’ancien président du FN n’engageant que lui et non son parti. Pour Samuel Thomas, il s’agit de « mettre le FN hors la loi pour sa politique raciste ». L’homme revient sur les récentes déclarations de Marine Le Pen « poussant les communes à mettre en œuvre une discrimination dans l’accueil des enfants d’immigrés ». Il déplore le peu de réactions et évoque un « sentiment global d’abandon sur le sujet. Comme si cela ne servait à rien de s’insurger. La messe est dite ».
Dans la plainte déposée par le conseil de l'association Maître Madou Kone, il est précisé que la déclaration liminaire de la charte est « sans conteste l’assise de l’infraction de provocation à la discrimination à raison de l’appartenance étrangère des migrants recueillis par la France. (…) Outre le caractère scandaleux de cette charte, il convient de dire qu’elle porte atteinte aux principes constitutionnels élémentaires de la France, et qu’elle constitue une véritable incitation à la discrimination à l’égard des migrants en raison de leurs origines, mais aussi de leur appartenance à un groupe, qu’elle porte atteinte aux droits des associations dont l’objet est de soutenir les migrants, notamment ceux qui sont en danger de mort dans leur pays d’origine (…) ». Certes officiellement à Hayange, la procédure d’expulsion contre le Secours populaire est justifiée par son maire par le fait que l'association serait non seulement une « succursale du Parti communiste » mais aussi un relai de la « propagande pro-migrant ». Mais comme à Hénin-Beaumont, l’arrêt des subventions municipales au Secours populaire est corrélé au refus d’accueillir les réfugiés.