Le FN, symbole de la lutte pour le droit des femmes ?

À chaque fois qu’ils le peuvent, certains responsables du Front national font entendre leur soutien aux femmes. Le 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale des violences faites aux femmes, Marine Le Pen s'exprime ainsi :

Capture d’écran 2016-11-25 à 10.20.37

 

Quelques jours plus tôt, c’était Florian Philippot. Alors que les femmes françaises sont appelées à quitter le travail à 16h34 le 7 novembre (afin de protester contre les inégalités salariales hommes-femmes), le numéro deux du FN affirme sur France 2 que le FN est un « mouvement féministe », qu'il « défend les droits des femmes, au bon sens du terme (sic) c’est-à-dire qu’il défend la femme d’abord face aux pressions du fondamentalisme islamique (…), l’égalité homme-femme face au travail, face aux conditions de travail ».

Le FN, symbole de la lutte pour le droit des femmes ? Le parti lepéniste est conscient de l’enjeu du vote des femmes, encore plus depuis l'accession à la présidence de Marine Le Pen. Aujourd'hui, le FN ne susciterait plus la même réticence chez les femmes. Contrairement à son père, la fille de Jean-Marie Le Pen serait parvenue à séduire l’électorat féminin en proposant une image de femme « moderne », pourquoi pas féministe, au parler franc mais sans trop d’outrances. Pour la présidentielle de 2012, les femmes ont voté pour elle pratiquement autant que les hommes. L’ambition du FN d’apparaître comme un nouveau parti porte donc aussi sur le féminisme.

L’évolution depuis les années 1970 est certes perceptible, notamment à propos du positionnement du Front national sur l’IVG. La lutte contre l’interruption volontaire de grossesse demeure un pilier de la « préférence familiale » pendant de nombreuses années. Le contexte est porteur : la loi Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse - qui dépénalise l’avortement en autorisant l’IVG sous certaines conditions - est promulguée le 17 janvier 1975. Le FN part immédiatement en campagne contre. Il ne fait pas que présenter cette loi comme un « génocide anti-français ». Il porte de nombreuses attaques ad hominem à Simone Veil, surnommée « Mme Avortement ».

Simone Veil

À partir des années 2000, le FN envisage de revenir sur l’abrogation de la loi Veil par référendum. Aujourd’hui, ils sont minoritaires à se prononcer ouvertement pour l’abrogation de cette loi. Bruno Gollnisch est un des rares à camper sur sa position. Pour lui, l’avortement est une « culture de la mort ». Officiellement donc, le FN converge sur cette question. Dans les textes (et communiqués), il ne dit plus ouvertement qu'il est contre. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas si simple. Dans le cadre de sa première campagne présidentielle, Marine Le Pen affirme qu'elle prendra la décision de ne plus rembourser l'avortement en cas de besoins budgétaires. La formation lepéniste aborde cette question avec prudence et, pourquoi pas, par d'autres biais... notamment en s'attaquant à un des symboles de la liberté de la femme qui fait du droit à l’avortement une de ses priorités. En novembre 2015, Marion Maréchal-Le Pen exprime son intention de « supprimer les subventions aux associations politisées, dont les plannings familiaux » qui, selon elle, « véhiculent une banalisation de l'avortement ». La députée est loin d'être la seule sur cette position.

En fait, suffit-il de présenter le logo de sa seconde campagne présidentielle - la rose bleue – comme un « symbole de féminité dans une élection » et de se définir comme une « femme française libre, qui a pu jouir toute sa vie durant des libertés très chères, acquises de haute lutte par nos mères et nos grands-mères » pour convaincre les électrices ? Ce que Marine Le Pen fait dans une tribune libre parue sur le site de L’Opinion (13 janvier 2016) après les agressions sexuelles dont été victimes des centaines de femmes la nuit de la Saint-Sylvestre, notamment à Cologne. La présidente du FN ne se contente pas d’alerter « sur une nouvelle forme de la régression sociale, humaine et morale que nous impose la crise migratoire, crise qui n’est pas une fatalité, mais l’œuvre d’une politique voulue, effrayante par son aveuglement ». Elle cible ouvertement les réfugiés, ces « criminels », qui « méprisent ouvertement les droits des femmes ».

La sémantique adoptée et adaptée montre, une nouvelle fois, l'exploitation d'une thématique pérenne - la lutte contre l'immigration - par le biais de l'instrumentalisation d'une autre. Au nom de la défense du droit des femmes, le FN s’arroge une lutte et un héritage. D’ailleurs, dans sa tribune, la présidente du FN s’appuie sur les propos d’Élisabeth Badinter et de Simone de Beauvoir. Ses positions sur l’interdiction dans l’espace public du voile religieux porté par certaines femmes musulmanes et de la djellaba - considérés comme des « signes religieux ostentatoires » - sont à décrypter pareillement. Il s'agit de mettre en avant une femme menacée... En somme, d'opter entre la femme libre et moderne et la femme voilée, « opprimée » et soumise ; de faire le choix entre le national et l’islam.

En courtisant les femmes, le FN veut apparaître tel un parti s’imposant comme un des symboles du combat pour leurs droits. Son histoire et ses marqueurs politiques contredisent ce positionnement. Le féminisme n'est qu'une excuse pour le FN.