Ces visages qui plaisent au FN

Affiche FN législatives 2007.

Mettre en avant de nouveaux visages, en adéquation avec ce que le Front national veut montrer… La stratégie frontiste date. Depuis son émergence dans le paysage politique, le parti lepéniste propose des noms et profils qui entendent prouver qu’il n’est pas xénophobe. Un des hommes mis actuellement en avant est Guy Deballe, ancien du PS, noir et d’origine centrafricaine.

Ces nouveaux venus affichent, en général, deux traits communs : vouloir faire carrière en politique et ne pas y être parvenu précédemment. Le FN leur offre cette opportunité. Plus que cela, le parti leur donne la possibilité de prendre des galons rapidement. Le cas de Guy Deballe l'expose clairement. Quelques mois après son arrivée, il se retrouve troisième sur la liste de Wallerand de Saint Just, tête de liste FN aux élections régionales en Île-de-France. Guy Deballe est aujourd'hui second du collectif Banlieues patriotes et dans la boucle des législatives de juin. Un de ses anciens compagnons de route du PS, Nassim Seddiki, l'évoque en ces termes  : « C’était un militant très absent. Il n’attendait qu’une chose : être élu. Il n’a aucune conviction politique. (...) C’est un choix purement de carrière. Il a dû se dire qu’il avait une place à jouer là-bas ».

Pendant les années Jean-Marie Le Pen, ils sont des dizaines à être ainsi (sur)exposés ; parmi eux, Farid Smahi. Ce fils de harki intègre le FN en 1998 et accède vite à des responsabilités politiques. C’est lui qui présente Alain Soral au président du FN. C’est, également, Fahid Smahi qui déclare au Congrès de Tours, d’« en avoir marre d’être le bougnoule de service ». 

« On ne peut pas être à la fois Algérien et Français » ne cesse-t-il de répéter. Farid Smahi est l’auteur d’un ouvrage, paru en 1995, où il considère que seule la remise en cause de la bi-nationalité peut résoudre l’intégration des immigrés.

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Éducateur sportif à Boulogne-Billancourt, il fait la connaissance de Jean-Marie Le Pen en 1997. Farid Smahi entre au FN peu après, quelques mois avant la scission mégrétiste. Il apparaît, pour la première fois, dans l’histoire du parti à travers une structure méconnue - sorte de cabinet fantôme qui œuvre à la démégrétisation - nommée par le FN « pré-gouvernement ». Six départements la composent : souveraineté, identité, prospérité, solidarité, libertés et grands équilibres. Lui prend en charge l’identité. Marine Le Pen, qui vient elle aussi d’arriver au FN, s’occupe des libertés.

Quel intérêt pour Jean-Marie Le Pen ? Il est évident. Le profil politique de Farid Smahi s’intègre idéalement dans l’orientation frontiste du moment. L’homme revendique une position anti-israélienne, proche de la ligne Soral et favorable à une alliance entre le Front national et les Maghrébins de France. En cela, il est hostile à la diabolisation de l’islam. Farid Smahi prend rapidement des responsabilités au sein du parti. Il est nommé – ou plutôt imposé par Jean-Marie Le Pen - au Bureau politique en 1998. Il devient conseiller régional en Île-de-France (jusqu’en 2004). Plusieurs démissions sont actées. Elles soulignent deux aspects : le refus de cette nomination autoritaire. Ceux qui quittent le FN expliquent que Farid Smahi a été imposé en position éligible aux régionales de 1998 ainsi qu’au BP « à la place de militants d’exception ». Mais c'est surtout le reniement du patrimoine idéologique frontiste qui est souligné. Comment peut-on accepter un homme qui prône l'intégration des immigrés, revendique une ligne pro-musulmane et une position anti-américaine « inacceptable (...) au risque de conforter l’islamisation de la France » ? En d’autres termes, avec lui (et d'autres), la thématique phare du FN - la lutte contre l’immigration maghrébine - est remise en cause.

En se prononçant pour une alliance entre le FN et les Maghrébins de France, Farid Smahi dit tout haut son hostilité à la diabolisation de l’islam. Il distingue les « bons » immigrés – une « chance pour la France » – des mauvais et réclame le développement d’un enseignement confessionnel musulman. La motion de la commission « immigration », qu’il présente au conseil régional d’Île-de-France en 2000, remet fortement en cause un des principes du FN : non seulement elle se prononce clairement pour une assimilation assumée mais elle ne mentionne même pas le retour des immigrés dans leur pays d’origine :

« L’intégration est un mythe avec plus de 5 millions d’immigrés islamisés, pratique culturelle incompatible par nature avec notre civilisation.
 LE FRONT NATIONAL RAPPELLE que la lutte contre la folle politique d’immigration qui fut la raison de sa fondation demeure l’âme de son combat. Or, l’actuelle politique d’invasion-immigration ne peut déboucher que sur une tragédie. La possession normale de la nationalité française découle donc d’abord de la filiation. La naturalisation ne peut se faire que par l’assimilation, c’est-à-dire l’acquisition prouvée par le ressortissant étranger des valeurs spirituelles, des mœurs, de la langue et des usages qui fondent notre civilisation. (Le FN propose) l’inversion des flux migratoires et l’arrêt de toute nouvelle immigration, la refondation de la nationalité française sur la seule filiation et l’interdiction de la double nationalité, l’instauration de la naturalisation-assimilation après une période probatoire sérieuse et de longue durée, pour le candidat et ses proches mineurs, passant par une assimilation démontrée en matière morale, linguistique et éducative ».

À ce moment-là, Farid Smahi préside le Forum national des « cercles Arabisme et Francité » dont l’objectif affiché s'inscrit dans la diffusion de l'idéologie frontiste au sein de la population française, issue de l’immigration. Il s’intègre donc dans l’orientation de la campagne présidentielle de 2007 qui revendique une immigration assimilée, dénuée de tout signe religieux dans une France tolérante au sein de laquelle coexisteraient diverses populations. Farid Smahi se présente aux législatives de juin 2007 dans la quatorzième circonscription de Paris. Il y recueille moins de 3% des voix.

Secrétaire départemental de la fédération de l’Essonne et soutien de Bruno Gollnisch pendant la campagne interne, Farid Smahi quitte le FN bruyamment au Congrès de Tours. Le 20 janvier 2011, il n'est pas reconduit au BP. Manifestement, il fait parti des indésirables. Entre temps, il n'a pas oublié de dénoncer la proximité de Marine Le Pen « avec les sionistes », l’accusant notamment d’être « financée par l’Etat d’Israël ».

Guy Deballe, Aurélien Legrand, Valérie Laupies, Fabien Engelmann ou, encore, Sébastien Chenu, Franck Allisio, Olivier Bettati... mais aussi Florian Philippot et Bruno Mégret. La liste est longue et, toujours, en cours d'élaboration. L'itinéraire politique de ces femmes et de ces hommes sert évidemment de caution à la formation lepéniste. Certes, le FN leur donne la possibilité d'accéder à des postes de responsabilité inespérés dans les autres partis et d'acquérir une certaine visibilité politique. Mais il peut, aussi, mettre un terme à cette « ascension » quand bon lui semble. Au FN, certaines aventures politiques sont encore permises. Mais à quel prix ?