« J’ai décidé d’être candidat à l’élection présidentielle de 2017. La France exige qu’on lui donne tout. J’ai senti que j’avais la force pour mener ce combat à un moment de notre histoire si tourmentée ». Ce sont les premiers mots inscrits sur la quatrième de couverture du dernier ouvrage de Nicolas Sarkozy. Tout pour la France n’est pas seulement le titre mais aussi le slogan de campagne de l’ancien Président de la République.
Le mystère du t rouge est levé. L’auteur le voit comme une lettre transitoire puisqu’elle se transformerait en s dans huit mois exactement, le 24 avril 2017, lendemain du premier tour de l’élection du printemps prochain. « Tous pour la France » l'accompagnerait alors pour l'entre deux tours.
Pour Nicolas Sarkozy, l’histoire serait-elle quasiment écrite ? Une fois la première étape passée, la primaire à droite, sa présence au second tour de la présidentielle mettrait en scène un duel inédit : Sarkozy-Le Pen. Pendant la campagne de 2007, les deux camps se sont déjà affrontés. Pas au même stade évidemment. Aujourd’hui, le contexte est évidemment différent du fait du positionnement de Nicolas Sarkozy au sein de son propre camp. Le FN tout comme Les Républicains ne sont plus dans les mêmes configurations historique et politique. Il n’y a donc pas qu’un prénom qui change... ni la dénomination du parti de droite. Entre Jean-Marie et Marine, dix années ont passé. Et les rapports de force au sein des droites françaises ont bien changé.
22 avril 2007, Jean-Marie Le Pen obtient 10,44% des voix au premier tour de la présidentielle. Pendant la campagne, Nicolas Sarkozy affiche son objectif clairement : « séduire les électeurs du Front national ». Au FN, ils interprètent d'ailleurs ce mauvais résultat par l'attitude du représentant de la droite qui a mené sa campagne sur les « thèmes phares » du FN. Seul Jean-Marie Le Pen avait trouvé un « puits de pétrole électoral : l’identité nationale. Sarkozy nous l’a siphonné » explique un ancien cadre du FN. De son côté, Louis Aliot revient sur cette période : 2007 n’est pas la campagne qu'ils auraient aimé faire, explique-t-il. Le « discours politique n’a pas eu beaucoup d’incidence à cette présidentielle. Sarkozy parlait comme Le Pen ».
La suite de l’histoire s’inscrit dans un schéma quasi-similaire. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy offre des exemples frappants d'empiètement idéologique. Par exemple, la création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale en mars 2007 reprend, dans sa dénomination, la sémantique frontiste ; mettre en corrélation les deux termes équivaut à laisser entendre que l’immigration constitue une menace pour l’identité nationale. Que ce soit pour la campagne de la présidentielle de 2012 ou à quelques jours du second tour des départementales, Nicolas Sarkozy prolonge sa stratégie. Il peut reprendre, parfois, mots pour mots, la phraséologie de Marine Le Pen et/ou s’inscrire en vrai avec certaines thématiques frontistes.
Au premier tour de la présidentielle de 2012, Marine Le Pen affiche un résultat inédit dans l'histoire de son parti : 17,9 % des voix. Le FN accuse une dynamique électorale sans précédent depuis le Congrès de Tours… et depuis les européennes de 2014, il décroche la première place aux premiers tours. Au second tour des régionales, il comptabilise 6,8 millions de voix... 200 000 voix de plus qu'à la présidentielle de 2012. Il fait alors état de plus de 51 000 adhérents à jour de cotisation (en 2008, environ 10 000). Il n'a jamais compté autant d'élus.
Par rapport à la campagne de 2007, le parti de Marine Le Pen a surtout repris la maîtrise du terrain politique sur ses fondamentaux. À partir de son socle idéologique intemporel – « l’identité nationale » –, le FN porte plus que jamais sa thématique phare - la « priorité nationale » - , accompagnée d'autres orientations : le combat contre l’immigration, lié à l’insécurité et à la « question centrale de l’absence de frontières nationales » : priorité accordée aux Français, suspension des demandes d'asile en cours d'examen, reconduite des clandestins aux frontières, etc… réforme du code de la nationalité avec suppression du droit du sol.
La thématique du droit du sol est devenue un « vrai débat » dans le camp des droites françaises. Si pour Alain Juppé, la « suppression pure et simple du droit du sol serait (...) une erreur manifeste », le député UMP Éric Ciotti avait proposé de rétablir le « droit du sang » et de réserver le droit du sol aux enfants de ressortissants de l’Union Européenne. À l'été 2015, le président des Républicains disait, lui, à ce propos : « Faut-il remettre en cause le droit du sol ? Cette question, incontestablement, peut se poser ». En août dernier, l’ancien Président de la République s'exprimait, comme il l'avait fait un an avant, dans Valeurs Actuelles. Il revenait, entre autres, sur le droit du sol. Il expliquait vouloir le garder « mais pas de manière automatique » en évoquant une « présomption de nationalité, permettant de ne pas attribuer la nationalité à quelqu’un qui aurait un casier judiciaire à sa majorité, ou dont on pourrait prouver que ses parents étaient en situation irrégulière au moment de la naissance ». En 2003, Nicolas Sarkozy déclarait face à Jean-Marie Le Pen : le « droit du sol fait partie de nos traditions ».
Les thématiques de sa campagne sont annoncées depuis quelque temps et reprises dans son ouvrage. Parmi elles, les frontières, l'islam et « l’identité de la France », son « premier combat ». Le 24 août, jour de parution de Tout pour la France, Gilbert Collard estime sur France Info que Nicolas Sarkozy est un « vilain copieur ». Le député du Gard RBM dit ceci : « La plupart des propositions que nous avions faites, dont certaines sont actées par des propositions de loi que j'ai déposées, sont maintenant reprises par Nicolas Sarkozy ».
Il pourrait donc ne pas y avoir que ces quatre lettres - TOUT - qui font la différence entre les deux titres des livres édités à plus de 30 ans d'intervalle. Aujourd'hui, la stratégie et l'objectif de Nicolas Sarkozy perdurent : « droitiser » son discours et attirer les électeurs du FN. L'homme politique n'en a pas la primeur. Rappelons-nous. Au début des années 1990, le Rassemblement pour la République (RPR) et l'Union pour la démocratie française (UDF) radicalisaient leurs discours sur l’immigration en reprenant, à leur compte, la forme et le fond du discours lepéniste. Jean-Marie Le Pen « n’ayant pas le monopole de ces thèmes », expliquait alors Jacques Chirac (alors président du RPR et maire de Paris), il « faut se les approprier ».