Ce n’est pas seulement une historique du Front national. Certes, Marie-Christine Arnautu a vécu des moments politiques clés de l'histoire du FN. Elle a commencé par l’affaire du « détail », en septembre 1987 pendant laquelle elle soutient Jean-Marie Le Pen jusqu'aux derniers rebondissements liés à l'exclusion de Jean-Marie Le Pen à l'été 2015.... en passant, aussi, par exemple, par la présidentielle de 2002 et l'accession au second tour du président du FN. En faisant la connaissance de Jean-Marie Le Pen, elle n’est pas seulement entrée en politique. Elle est devenue une intime des Le Pen. Marie-Christine Arnautu n’était jamais loin des filles Le Pen. Sur sa liste pour les régionales de mars 2010, un prénom apparaît en seconde position : celui de Marion.
Lundi 11 juillet, Marie-Christine Arnautu est convoquée devant le bureau exécutif de son parti, en formation disciplinaire. La raison ? Sa présence (avec quelques autres) au 1er mai de l’ancien président du FN. Le parti de Marine Le Pen considère cet acte comme une trahison… et comme un témoignage de fidélité pour Jean-Marie Le Pen. 32 voix pour, 3 contre et 4 abstentions : le communiqué du FN est tombé dès le lendemain, après la tenue du Bureau politique à Nanterre. Il fait état du : « caractère inacceptable de la participation de membres du Conseil d’Administration (Bureau Politique) du Front National à une manifestation politique réunissant un grand nombre d’organisations et de personnalités violemment hostiles au Front National et au cours de laquelle des critiques virulentes ont été formulées à l’égard du Front National, de sa ligne politique et de sa Présidente. En conséquence, le Bureau Politique demande à Monsieur Bruno Gollnisch et à Mme Marie-Christine Arnautu de renoncer aux fonctions qu’ils exercent au sein des instances dirigeantes du Front National (Bureau Exécutif pour M-C Arnautu, Bureau Politique pour M-C Arnautu et B. Gollnisch) ».
Une militante de la première heure
Elle est âgée d'une vingtaine d'années et est là, à coté de lui, au début des années 1970, au Bivouac du Grognard, le restaurant parisien de Roger Holeindre. D'autres s'agrègent à ce premier cercle de fidèles comme Christian Baeckeroot, André Dufraisse, Jean-Claude Varanne ou encore Bruno Gollnisch et Marie-France Charles. Un lieu de rencontre et d’échanges, certes, mais comme elle le définit aussi, un « refuge affectif ». Marie-Christine Arnautu se souvient de sa première rencontre avec celui qui allait devenir son patron : « l’homme, physiquement, avait une stature extrêmement impressionnante. » C’était « l’homme au bandeau avec toujours ce même trait de caractère qui revient en premier : la force ».
La jeune femme s’investit vite à ses côtés. Elle travaille à la Serp… et entre dans l’histoire du FN discrètement. Elle prend sa carte en juillet 1987. Proche de Jean-Pierre Stirbois, elle est son assistante parlementaire. En parallèle, elle est cadre commerciale à Air France et mère de trois enfants. Elle choisit, d'ailleurs, pour parrain de l'une de ses filles Jean-Marie Le Pen. Son ascension politique au sein du FN est continue et son soutien au co-fondateur du parti quasi-indéfectible. Conseillère municipale de Vitrolles de 1989 à1995, elle est plusieurs fois candidate aux législatives. Entre 1998 et 2010, Marie-Christine Arnautu siège au Conseil régional d’Ile-de-France. Aux lendemains du Congrès de Tours, Marine Le Pen lui attribue la vice-présidence (affaires sociales) du parti. Pendant la campagne de la présidentielle de 2012, elle est secrétaire générale du comité de soutien de Marine Le Pen.
Marie-Christine Arnautu est députée européenne. Au sein du Groupe Europe des Nations et Libertés (ENL), elle s'investit, notamment, sur le sort des Chrétiens d'Orient. Face aux « persécutions » qui les frappent, explique-t-elle ce 6 juillet au Parlement européen, « nous avons pensé que c'était un devoir pour nous, pays chrétien menacé par l'Islam, de lutter contre l'expansion meurtrière de son influence, de venir en aide à nos frères chrétiens du Proche-Orient avec lesquels nous partageons un héritage culturel extrêmement important ». Elle est, également, conseillère municipale à Nice et membre des instances du FN (commission nationale d’investiture, bureau politique, comité central et bureau exécutif). C'est une militante et une élue appréciée par la base de son parti. Elle est décorée de la flamme d’Honneur (argent) du Front National
« Marine Le Pen solde tout »
Certes, Marie-Christine Arnautu a voté la motion du bureau politique condamnant le xième « dérapage » de l'ancien président du FN, expliquant que Marine Le Pen « ne pouvait plus vivre dans l'angoisse dans ce qu'ils appellent des dérapages ». En même temps, elle reste la seule du bureau exécutif à avoir voté contre la suspension de Jean-Marie Le Pen. On ne jette pas le « président fondateur d'un revers de main. Moralement, c'est quelque chose qui n'est pas possible ».
Le 2 mai, Marie Christine Arnautu découvre la motion réclamant son départ des instances du FN. Elle affirme, immédiatement, qu’elle ne « démissionnera pas ». Elle n’est pas la seule à avoir dérogé aux instructions du parti. D’autres cadres, parmi lesquels son époux Philippe Chevrier (Yvelines), ont, aux aussi, affiché leur présence au 1er mai de Jean-Marie Le Pen... et ont été sanctionnés. La députée européenne refuse, également, tout « accord » avec le FN, faisant allusion à un autre historique du FN, Bruno Gollnisch. Le 12 mai, un communiqué du FN annonce que Marine Le Pen refuse la démission de l’eurodéputé du bureau politique ; Marine Le Pen expliquant avoir pris cette décision dans un « souci d’apaisement ».
Marie-Christine Arnautu veut s'expliquer. Elle estime, non seulement, « n'avoir fait aucune faute politique » mais surtout, ne pas avoir « fait preuve de déloyauté envers Marine Le Pen ». Le 11 juillet, elle est donc convoquée par la plus haute instance disciplinaire du FN. L'issue du vote est-il prévisible ? Le bureau exécutif est composé de 8 membres (dont Marie-Christine Arnautu) : Marine Le Pen, Nicolas Bay, Steeve Briois, Wallerand de Saint Just, Louis Aliot, Florian Philippot, Jean-François Jalkh... tous acquis à la présidente du FN. Le maire d'Hénin-Beaumont s'est récemment exprimé sur cette histoire. Steeve Briois considère l'attitude de Bruno Gollnisch et de Marie-Christine Arnautu comme une trahison et affirme qu'« ils n’ont plus rien à faire à la direction du FN. (…) Il faut purger le mouvement. (…) Il faut qu'on aille jusqu'au bout maintenant ».
L'eurodéputée désire, justement, aller jusqu'au bout et s'exprimer sur « le fond politique ». Et puis, précise-t-elle, « le bureau politique n'est pas un comité de salut public. Je n'ai rien à me reprocher ». Et, elle n'entend pas se laisser faire. « Il va falloir qu'ils m'excluent (des instances), ça va être toute une procédure disciplinaire à la Jean-Marie Le Pen. On risque d'arriver à des extrémités que je ne souhaite pas », explique-t-elle à l'AFP.
Marie-Christine Arnautu ne fait pas que rester sur sa position. Elle continue d'afficher sa fidélité à son ami Jean-Marie Le Pen. Cela faisait quatre ans que l'ancien président du FN n’avait pas investit Montretout de cette manière. Ce samedi 2 juillet, entouré de quelques 300 personnes, il célèbre ses 88 ans. « Vous m’apportez un témoignage d’amitié et d’affection dans des circonstances un peu difficiles, je dois le dire, et qui me va droit au cœur (...) Il y a beaucoup de monde… mais pas beaucoup du Front national (...) quelques héros qui prennent des risques ». Des mots destinés à Bruno Gollnisch et à Marie-Christine Arnautu présents ce soir là. Cette dernière est familière de ce lieu. Elle est un peu chez elle là-bas, sur les hauteurs de Saint-Cloud. Elle partage son bureau avec le secrétaire particulier de Jean-Marie Le Pen, Gérald Gérin. Elle fait partie des personnes qui ont mis en mots les mémoires que l'ancien Président du FN est en train d'achever.
Au moment de la scission de 1998, Marie Christine Arnautu insistait sur un aspect. Une des caractéristiques du fonctionnement de Jean-Marie Le Pen et non des moindres, m'expliquait-elle dans un entretien (octobre 2013), est sa relation particulière avec les militants. Beaucoup mettent en avant sa « chaleur humaine » qui contraste avec l’attitude distante de Bruno Mégret. Marie-Christine Arnautu se disait « bluffée (...) de la capacité de Le Pen à se souvenir de l’histoire de chacun ». Elle pointait un facteur, selon elle, déterminant quant à la suite de l'histoire du FN. Le parti de Jean-Marie Le Pen, disait-elle, est un « mouvement fondé sur l’affectif. (...) Ce lien a été essentiel au Front. Bruno Mégret s’est cassé les dents là-dessus avec sa froideur de serpent ». Il paraît peu probable que le 11 juillet, les membres du bureau exécutif prennent leur décision en intégrant ce facteur, sans rapport pour beaucoup, avec le domaine politique. Le communiqué de presse du FN est tombé dans la journée du 11. Le Bureau exécutif suspend Marie-Christine Arnautu de « sa fonction de membre du Bureau exécutif pour une durée de 15 mois ».