Chacun l'annonce à sa façon. Le bulletin d'inscription du parti de Marine Le Pen rapporte qu'« à l’occasion de la Journée d’hommage à Jeanne d’Arc et de la fête du travail, le Front national vous convie à un grand banquet patriote ». Le communiqué de Jean-Marie Le Pen est plus long : « La direction nationale a décide de supprimer le défilé traditionnel en l’honneur de Jeanne d’Arc et de la fête du Travail qui se déroulait chaque année, à Paris, depuis 1988. Le prétexte invoqué ; les menaces d’attentats lancées par les terroristes islamistes de Daech. Cette reculade est indigne et inacceptable pour les patriotes français : j’appelle ceux-ci à se rassembler le 1er mai à 10 heures, aux pieds de la statue de Jeanne d’Arc, place des Pyramides à Paris. Je demande à tous les dirigeants nationaux de partis politiques, de cercles, d’associations, journaux, radios, télévisions, sites internet, d’appeler eux aussi à ce grand rassemblement populaire et national sous l’égide de l’héroïne sainte de la Patrie Jeanne d’Arc ». Quelques lignes qui, pour certains, concrétisent un peu plus la fin d’une histoire et pour Jean-Marie Le Pen, pourquoi pas, le début d’une autre.
Une tradition lepéniste
Le 1er mai 1988, le FN défile pour la première fois seul et fixe un de ses rassemblements annuels le jour de la fête du travail. Plusieurs raisons expliquent la fin du défilé du 8 mai. Le parti de Jean-Marie Le Pen entend se distinguer de l’extrême droite française qui, jusqu’à ce jour, prenait part au défilé avec le FN. Le 1er mai sera dorénavant pour la formation lepéniste et le 8 mai, attribué, en quelque sorte, aux groupuscules radicaux… une manière de se désolidariser de ces manifestations qui, la plupart du temps, monopolisent une couverture médiatique mettant en avant les débordements et violences racistes et néo-nazis. Le Front national tient également à faire évoluer ses références historiques.
Ce défilé représente « la fête de la fierté française qui commémore Jeanne d’Arc, sainte et héroïne de la patrie » explique Jean-Marie Le Pen en 1988. Le FN a fait sienne la référence de cette femme, dite la Pucelle d'Orléans - figure héroïque d’une résistance et de la défense de l’identité française - neuf ans plus tôt. Le président du FN dit vouloir faire de cette journée du 1er mai une « immense manifestation nationale et populaire », une manifestation de « patriotisme et de solidarité nationale », d’unité française s’inspirant également de la « fête du travail » de la gauche.
En s’appropriant cette date, il s'agit de montrer un autre FN ayant, entre autres, une empreinte et un objectif social ; l'étape concomitante étant de s'afficher comme le représentant assumé des catégories ouvrières.
Une rupture historique
28 ans après le premier défilé, le Front national entend s'affranchir d'un des grands rendez-vous de l'histoire lepéniste. Il faut également prendre en compte, dans cette décision, la baisse de fréquentation des 1ers mai du FN depuis quelques années. Et puis le dernier reste un mauvais souvenir : moins de 4 000 sympathisants pour un parti revendiquant plus de 70 000 adhérents... un Jean-Marie Le Pen s'invitant sur la tribune Place de l'Opéra, des Femen embarrassantes et un Bruno Gollnisch ayant maille à partir avec des journalistes TV.
Les références perdurent, à savoir Jeanne d'Arc et les travailleurs français. Le FN a choisi de se renouveler sur la forme. À 11h30, Marine Le Pen rendra hommage à Jeanne d'Arc, place Saint-Augustin, en présence des membres du Bureau politique et des parlementaires du FN. La fête de Jeanne d'Arc se déroulera au Paris Event Center, avenue de la Porte de la Villette. Ouverture des portes à 12h30, discours de Marine Le Pen programmé deux heures plus tard. Entre temps, les 13 présidents de régions viendront s'exprimer quelques minutes. Autre nouveauté : chaque participant s'acquitte de la somme de 15 euros. Et depuis le 20 avril, le site du FN affiche complet : plus de 2000 inscriptions auraient été enregistrées !
Quant à Jean-Marie Le Pen, il poursuit la tradition. À 11 heures, il se rendra, comme à son habitude, devant la statue de Jeanne d'Arc dans le quartier du Palais Royal. Il y prononcera un discours d'une quarantaine de minutes. Son objectif ? Consolider la ligne qui a été la sienne pendant plus de 40 ans. Nous ne sommes pas la « France apaisée » mais une « France mobilisée » explique-t-il dans une conférence de presse le 22 mars dernier. L'ancien président du FN fixe ce rendez-vous en espérant qu'une « masse de Françaises et de Français témoigne par leur présence qu’elle refuse la menace de Daech ».
Qui attend-il ? L'ensemble des patriotes, quels qu'ils soient. Combien de personnes répondront à cet « appel à l'union » de Jean-Marie Le Pen ? Va-t-il parvenir à réunir autour de lui ses anciens amis politiques et, de ce fait, renouer avec l'histoire du FN des années 1970 en rassemblant une extrême droite française ? Verra-t-il des élus du FN ? Jean-Marie Le Pen considère ce 1er mai 2016 comme un « test en vrai grandeur ». Si son appel reçoit un « écho important dans l’opinion », il est possible que cela fasse évoluer à « l’intérieur du mouvement un certain nombre de forces » ; un FN sur lequel il entend continuer à peser se considérant toujours comme un « atout pour la victoire de 2017 ».
Cela fait un bon moment que Marine Le Pen estime que l'histoire entre son père et le FN s'est arrêtée. Jean-Marie Le Pen tente, lui, de la prolonger. Il considère que sa mission n'est pas terminée. Il veut continuer d'agir pour rassembler les nationaux dans et au-delà du FN. Cette histoire va-t-elle se clore définitivement ? Ou perdurer, sous une autre forme ? Réponse, pourquoi pas, le 1er mai.