Le social, c’est le FN ?

Il s’agit d’ « affirmer le rôle d’opposition de l’élu FN qui a été choisi par les électeurs » pour, entre autres, « défendre la priorité nationale (ex. : dans l’attribution des logements sociaux...) ». Ces quelques lignes sont inscrites dans le Petit Guide pratique de l’élu municipal Front national ; un fascicule imprimé à l’occasion des municipales du printemps 2014 et distribué aux futurs élus du FN.

Un juge d’instruction de Nanterre a été saisi d’une enquête pour « provocation à la discrimination » dans l’attribution de logements sociaux. En mai 2014 et mars 2015, La Maison des potes - un réseau d’associations spécialisées dans la lutte contre les discriminations – a déposé plainte contre X, mettant en cause « les personnes qui ont publié » le fascicule estimant qu’il « incite » les élus FN à « mettre en place la discrimination dans l’accès au logement social en réservant la priorité » aux Français. Cette mesure date. Cela fait plus de vingt ans que le FN se prononce pour la « préférence nationale » (aujourd'hui « priorité nationale » ) en matière d’habitation. Petit rappel :

Alors que Bruno Mégret est Délégué général du FN, il établit ce qu’il nomme le « troisième pilier de crédibilité » du programme du FN : après l’ « insécurité » et la « lutte contre l’immigration », celui du « combat social ». Le numéro 2 du FN veut « développer un programme social » dont un des points forts serait, justement, l’accès à la propriété, « facteur d’enracinement et de sécurité ». Pour cela, il faut permettre « aux habitants français des HLM d’acquérir leur logement ».

1991 : Mesure 32 des « 50 mesures concrètes » du FN de ce que B. Mégret nomme une « politique de l’immigration efficace et humaine » :

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1996 : création du FNL (FN des locataires), association de « Défense des Locataires Français ». Pour avoir le « droit à la tranquilité », le syndicat FN réclame d'« instaurer une priorité d'attribution de logements aux Français pour empêcher la formation de ghettos ». 

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2002 : La France et les Français d’abord, le programme présidentiel prévoit la création de caisses de sécurité sociale réservées aux étrangers et l’attribution des allocations familiales aux « nationaux », la priorité des logements sociaux et des emplois aux Français.

2012 : Notre projet. Programme politique du FN : « La priorité nationale s’appliquera également en matière de logement social où, à situation égale, le logement sera d’abord proposé aux personnes ayant la nationalité française. (…) La pénurie de logements étudiants est l’un des plus gros problèmes actuels de l’enseignement supérieur français. L’Etat y remédiera en engageant une politique volontariste de construction et en accordant une priorité d’accès à ces logements aux étudiants français et en faisant un effort particulier pour nos étudiants français issus de la France ultra-marine. (…) Cette immigration a un impact fort sur la gestion difficile du logement social, d’autant qu’on assiste parfois à une véritable "préférence étrangère" dans l’attribution des logements sociaux... Le principe de priorité nationale doit donc être posé concernant l’accès au logement social. Nos compatriotes doivent être les premiers à profiter de la solidarité nationale ».

La dénonciation de la « préférence étrangère » dans l’attribution des logements sociaux prend ses fondements dans la politique frontiste des années Mégret. Le social « n’est pas une carte à jouer, mais l’essence même du Front national » lance Jean-Marie Le Pen lors d’un « Discours de politique social » prononcé à la Mutualité le 20 février 1997. Cette orientation « sociale » du FN vient, entre autres, après l’analyse des résultats de la présidentielle de 1995. Un sondage CSA « sortie des urnes », réalisé le 23 avril auprès de 4 200 personnes, a montré que 7 % des sympathisants de la CGT, 6 % de ceux de la CFDT, 5 % ceux de la CFTC, 24 % de ceux de la CGC et 16 % de ceux de FO, tout comme 24 % des ouvriers ont voté Le Pen. La création de plusieurs syndicats frontistes dans les années 1990 répond à une carence – le parti est absent dans les corporations – et à une réalité électorale… tout comme la création des Cercles FN dans les années quatre-vingt et des collectifs du RBM aujourd’hui. Elle est consubstantielle à un élargissement du discours frontiste. En même temps, ces structures assoient le parti d’extrême droite sur diverses thématiques sociétales et évite à ses adhérents de s’encarter systématiquement au FN.