Dans le Journal du Dimanche du 20 décembre, Bernard Tapie annonce son retour en politique. L'homme avance vouloir revenir sur le devant de la scène politique pour plusieurs raisons. Il se dit tout d'abord motivé par « le résultat des régionales » qu'il traduit comme « un signal d’alarme ». Ensuite, il souhaite « faire quelque chose » contre le FN, estimant faire partie de « ceux qui ont l’envie et la compétence d’apporter des réponses aux problèmes du pays ». Selon lui, les politiques font fausse route face au parti d'extrême droite. Il poursuit : « Personne ne peut contester mes succès passés face au FN notamment aux européennes de 1994, quand je l’avais ramené, comme je l’avais promis, à 10 % des voix. C’est toujours faisable à condition d’adopter les bonnes méthodes ».
Si cette annonce - assortie d'un « plan Tapie 2016 » - suscite nombre de commentaires, il pourrait être nécessaire de revenir sur un épisode historique... révélant une sorte d'accord entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie. Nous sommes dans le cadre des législatives de 1993. L'homme d'affaires est alors considéré comme une des figures de l’anti-lepénisme depuis qu’il a affronté, avec un certain succès, le président du FN lors d’un débat télévisé.
La "rencontre" Tapie-Le Pen
Mars 1993 : le FN recueille 12,4 % des voix aux législatives. Parmi ceux qui échouent de peu à la députation : Bruno Mégret, numéro 2 du FN. Un échec politique ? Pas complètement... son échec tient, avant tout, à la stratégie de second tour mise en place par Jean-Marie Le Pen. À ce moment, le Secrétaire général du FN prend de plus en plus de poids au sein du parti. Ce sont les premiers signes tangibles de l’affrontement entre le président du FN et son second.
Bruno Mégret se présente à Marignane, dans les Bouches-du-Rhône. Il obtient 49,53 % des voix au premier tour (21 mars). Pour le second, il peut espérer un duel FN-PS. Dans ce cas de figure, il récupérerait quelques voix du RPR et, pourquoi pas, pourrait remporter la députation. Mais le cours de l'histoire ne va pas aller dans son sens.
Dans la circonscription voisine, à Gardanne, le second tour laisse place à une triangulaire entre Bernard Tapie pour le PS, un candidat RPR et celui du FN : Damien Bariller, directeur de cabinet de Bruno Mégret. Une configuration qui ne tiendrait pas seulement à la décision de Jean-Marie Le Pen de maintenir ses candidats au second tour. Lors d’une rencontre avec le Président du FN à Montretout peu après les résultats du premier tour, Bernard Tapie aurait demandé à Jean-Marie Le Pen de maintenir son candidat « pour faire barrage » à celui de la droite. Jean-Marie Le Pen accepte. Il impose au Bureau politique – ceci contre l’avis de Bruno Mégret – le maintien de Damien Bariller.
Aux législatives de 1993, Jean-Marie Le Pen aurait donc favorisé la candidature de Bernard Tapie au dépend d'une éventuelle victoire de Bruno Mégret, en confirmant la présence d'un candidat FN. Il faut, certes, voir dans ce positionnement une stratégie politique interne, à savoir un avertissement cinglant pour Bruno Mégret qui, selon lui, n'obtient pas les quelques voix RPR nécessaires... son parti ayant poussé l’élection de Bernard Tapie.
Un an plus tard, le congrès de Port-Marly (4-6 février 1994) confirme l'ascension de Bruno Mégret au sein du FN. À ce moment-là, le Délégué général jouit d’une véritable influence au sein de son parti. La succession Mégret devient prévisible. Le passage de relais pourrait avoir lieu à la présidentielle de 2002.
Bernard Tapie, lui, est élu député de la dixième circonscription des Bouches-du-Rhône fin mars 1993. Il nie tout accord politique avec Jean-Marie Le Pen. Il avance qu'il ne voyait le Président du FN en raison, selon ses mots, d'une « grande amitié » .