C'est une affiche emblématique du FN. Elle est imprimée et placardée sur les murs de France à l'occasion des régionales de 1992. Son slogan met en avant un objectif politique pérenne du FN : sortir les socialistes ! Un slogan dont le message peut être interprété de différentes façons.

Évoquer cette affiche permet de revenir, à quelques jours du second tour des régionales, sur la stratégie du FN une vingtaine d'années plus tôt et de mettre en évidence quelques similitudes entre hier et aujourd'hui. Pendant les années 1990, le FN s'impose dans le paysage politique. La « dédiabolisation » - la base de la stratégie mégrétiste - entend rompre avec une « certaine » représentation du parti et en acquérir une autre, « moins péjorative et plus nationaliste ». La crédibilité du FN doit être travaillée par la banalisation de son image et par un discours puisant ses thèmes dans le patrimoine de droite. C’est l’unique solution pour acquérir la carrure d’un parti de gouvernement. Ce chemin parcouru, le FN apparaîtra comme un « mouvement capable de gouverner ».

"Ils" : les socialistes

Objectif principal pour les régionales de 1992 : s'imposer comme l'adversaire des socialistes. Le FN veut transformer le débat en une confrontation directe PS-FN, « plaçant la droite institutionnelle en position secondaire ». Il s’agit d’entamer la phase de « dédiabolisation » pour « mener des attaques » et changer le discours sur les thématiques phares du parti d'extrême droite. Le FN doit « adoucir » et changer son image.

Il lui faut donc « changer les mots ». Parce que l’argumentaire de ses adversaires fait de lui un parti antisémite, raciste et antisocial, il lui faut inverser le phénomène : attaquer le Parti socialiste, présenté au début des années 1990, comme le « parti des voleurs et des transfusés » (allusion à l’affaire dite du sang contaminé). Il est nécessaire de prendre davantage en compte la défense des Français, les préoccupations des milieux populaires pour lesquels il faut valoriser un programme social. Le FN confirme l’élargissement de ses thèmes jusqu’à aborder ceux qui semblaient réservés à ses opposants politiques. Il est temps de « récupérer le mythe de la justice sociale que s’est approprié la gauche ».

"Ils" : les immigrés

Le slogan est moins agressif... « dédiabolisation » oblige. La quatrième flamme du FN (1990-2011) figure sur l'affiche. Elle symbolise l'entrée dans la période mégrétiste... sachant que le FN l'utilise jusqu'au Congrès de Tours.

L'affiche montre également une évolution iconographique, arrivée à maturité au début des années 1990 alors qu'apparaît l'Atelier de Propagande du FN. Les trois couleurs bleu-blanc-rouge restent la base de l'identité visuelle du FN. La typographie est stabilisée, les caractères espacés. Dans une analyse classique des couleurs, le bleu se réfère à l’action du FN, le blanc annonce la fracture et le rouge évoque... les immigrés.

Aux élections régionales de 1992, le Front national obtient 13,6% des voix. 239 conseillers FN sont élus.