Selon La Voix du Nord, certains élus FN du Nord expliquent avoir été « privés de régionales ». La raison qu'ils mettent en avant ? Avoir refusé d’acheter les kits de campagne aux dernières départementales – vendus aux candidats du FN par le micro-parti de Marine Le Pen, Jeanne –, dont ils jugent les prestations « surévaluées »… Ces « fameux » kits, proposés aux candidats FN lors de précédentes élections, constituent un des volets de l’enquête judiciaire en cours sur le financement du FN. Par leur intermédiaire, le parti de Marine Le Pen aurait-il mis en place un système d’enrichissement frauduleux ? C'est une des questions que se posent les juges Aude Bures et Renaud van Ruymbeke.
La présidente du FN a rapidement réagit. Selon elle, c'est une accusation « fantaisiste et diffamatoire ». Marine Le Pen dit, d'ailleurs, son intention de « déposer plainte en diffamation contre ces élus qui cherchent, en réalité, en pleine campagne électorale, à nuire au parti qui les a fait élire et ils iront s’expliquer devant le tribunal correctionnel ».
Il faudrait, pourquoi pas un jour, écrire une histoire du Front national et de ses imprimeurs. Une histoire qui commencerait avec les petits imprimeurs locaux - à qui les responsables FN venaient régler en personne leurs dettes, au début des années 1970 - et se prolongerait avec l’imprimerie de la Rue Sauval des Stirbois, dans le premier arrondissement de Paris. Juste au dessus des rotatives, au premier étage, étaient installés les premiers bureaux du Secrétariat général. Un des lieux emblématiques du FN, où se faisait le travail d’appareil. L’endroit où le FN du début des années 1980 a été créé.
Puis, évoquer quelques noms comme ceux de Jacques Tauran, Fernand Le Rachinel sans oublier un des derniers imprimeurs en date : Frédéric Chatillon et sa société Riwal. Plus de quarante années d'histoire qui mettraient en évidence quelques permanences : la présence (ou plutôt l'omniprésence) et l'activité politique des imprimeurs au sein du FN, leurs liens avec l'ancien président et l'actuelle présidente du FN. Des relations souvent chaotiques qui ne se limitent pas qu'à la politique. Elles peuvent intégrer un autre plan : celui de la finance.
Concevoir et imprimer les affiches et tracts de leur parti, en somme gérer la propagande du FN. Tout le monde en est conscient : dans un parti politique, la personne qui possède l’imprimerie détient une partie du pouvoir. Et justement, lors des tous premiers mois d’existence du FN, le parti d’extrême droite fait appel à un imprimeur un peu spécial. Il s'agit du parti fasciste italien, le MSI, le Movimento sociale italiano (Mouvement social italien).
Le MSI, l'imprimeur particulier du FN
Roger Holeindre l’affirme : c’est le MSI qui a « fourni les tonnes d’affiches avec la flamme », utilisées pour les premières campagnes du FN. Jean-Marie Le Pen confirme le financement italien : le MSI a imprimé « les premières affiches gratuitement ». L'ancien président du FN ajoute que les animateurs du FN étaient « extrêmement pauvres et démunis et cet apport que faisait Ordre nouveau (sic) à la campagne Front national a été accueilli avec beaucoup de plaisir ». Jean-Marie Le Pen croit se souvenir que la première affiche du FN a été tirée en Italie. Il n’y avait d'ailleurs que les couleurs à changer, ajoute-t-il.
Ce sont François Brigneau et François Duprat qui concluent un accord avec le MSI pour qu’il fournisse gratuitement la propagande papier, pour les législatives de 1973. Transportés dans des voitures particulières de militants italiens, ces documents imprimés en Italie seront remis au-delà de la frontière à des responsables locaux d’Ordre nouveau, chargés de les acheminer vers Paris. Des documents datés du 27 juin 1973, provenant des Archives nationales, détaillent l’aide matérielle du MSI. Celle-ci doit porter sur la fourniture, à titre gratuit, de travaux d’impression pour un montant global évalué à 1 300 000 francs [plus de 198 000 euros, nda], ainsi réparti :
- 100 000 affiches dites « d’entretien » (1 000 par candidat) (novembre décembre 1972)
- 500 000 affiches dites « géantes » (5 000 par candidat) (janvier et février 1973)
- 500 000 journaux (5 000 par candidat) (début 1973)
- 1 000 000 (10 000 par candidats) de papillons autocollants.
Il semble que, pour l’essentiel, cette aide ait été fournie.
Pour les élections à venir, le FN va disposer d’une réserve d’affiches importante. Des milliers d’affiches « flammes », imprimées par le MSI, restent entassés au siège du FN ; un stock d’affiches à plat d’environ 1 m 30 de hauteur, placé dans la cuisine rue de Surène, approvisionne pendant plusieurs années les fédérations. Le FN n’a donc aucune dépense immédiate sur ce plan ; Dominique Chaboche et un de ses amis imprimeur s’occupent de l’impression des brochures FN.
Le MSI ne s'impose pas seulement dans l'histoire du FN sur cet aspect. Le logo du parti lepéniste, la flamme bleu-blanc-rouge, s'inspire directement de celui du parti italien. Si le Front national l’adopte, c’est parce qu’il n'a ni les réserves financières, ni les moyens logistiques pour conceptualiser un logo. Mais c’est avant tout dans la filiation idéologique que s’explique l’histoire de la première flamme du FN. La formation politique italienne représente une organisation phare pour le parti français émergent qui ne cesse de suivre son ascension, de s’inspirer de l’exemple de leurs « camarades italiens » et de leur apporter un « soutien sans réserve ».
Il faut rajouter une dernière précision : la première flamme du MSI a un sens : « Mussolini Sempre immortale » (Mussolini toujours immortel). Le socle de la flamme représente la tombe de Mussolini renaissant éternellement. L’appropriation de la flamme italienne par le Front national symbolise, avant tout, une affiliation à une certaine mystique fasciste.