Marine Le Pen : mégrétiste ou lepéniste ?

Affiche du MNR (archives personnelles)

Marine Le Pen comparaît à Lyon aujourd’hui devant le Tribunal correctionnel de Lyon pour « provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion ». Ses propos datent de 2010. Elle les a réitérés, par la suite.

Rappel

Le 10 décembre, celle qui « candidate » à la présidence du FN se trouve à une réunion publique à Lyon, c'est-à-dire sur les terres de Bruno Gollnisch, en lice pour la présidence du parti d'extrême droite. Elle dit ceci : « Maintenant il y a dix ou quinze endroits où, de manière régulière, un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire. C’est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s’applique, c’est une occupation. Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants ».

En condamnant les prières de rue des musulmans qu’elle compare à une « occupation », elle adresse non seulement des signes aux partisans du lepéniste Bruno Gollnisch. Elle expose également sa ligne politique, fondée sur le rejet de l’islam, assimilé en tant que culture et religion à un danger… comme aux temps du père et d’un des idéologues du FN : Bruno Mégret. Le délégué général du FN (1988-1999) a fait de la dédiabolisation la base de sa stratégie pour rompre avec une « certaine » représentation du parti et en acquérir une autre, « moins péjorative et plus nationaliste ».

Marine Le Pen fait du megrétisme

Avec l'islamophobie, Marine Le Pen marche donc sur les plates-bandes d’un de ses ennemis politiques : Bruno Mégret. Le mouvement de Bruno Mégret, le MNR, apparu peu après la scission de 1998, assume cette évolution idéologique centrale, dès les lendemains du 11 Septembre : l’alliance avec les « sionistes » est inhérente à la lutte contre l’islam. Bruno Mégret tente de surfer sur les attentats en s’appuyant sur des slogans du type : « Islam, islamistes hors de France, de l’ordre avec Mégret ». Le MNR aborde la question de l’immigration sous l’angle le plus simple : sa visibilité. Sur ce point, la démonstration de Jean-Yves Le Gallou est limpide : l’islam n’est pas seulement une religion, c’est aussi un « ensemble de pratiques sociales qui tendent de s’imposer à l’ensemble de la société et [...] à remettre en cause une partie de l’identité française ». Pour l’idéologue de la « préférence nationale », l’islam rend « visibles » les immigrés et, de ce fait, rend visible l’immigration.

« Les prières de rue, ça n’est pas une race, une ethnie ou une religion, c’est un comportement. (Elles) ne sont pas liées à un manque de place mais sont utilisées par des imams radicaux comme une provocation vers la République ». Lors de son procès cet après-midi, Marine Le Pen insiste sur ce dernier point et sur un autre : l'incompatibilité entre l'Islam et la République. Son message est clair : par ses marques distinctives, l’islam affiche sa volonté de ne pas vouloir s’assimiler. Le danger islamiste s’oppose aux valeurs laïques véhiculées par la démocratie, fondements de la République française. La définition de la laïcité donnée par Marine Le Pen se résumant à l’« interdiction pour l’État de se constituer en pouvoir religieux et pour le pouvoir religieux de se constituer en pouvoir politique. Or de plus en plus de musulmans – et de religieux musulmans – sont en train de se constituer en pouvoir politique (Marine Le Pen : « L’État se mêle d’un impôt religieux ! », Minute, 5 octobre 2005) ».