« Pour la première fois, il est clair que nous pouvons arriver en tête au premier tour, et l'emporter au second. Ce n'était pas le cas en 2010 », affirme le secrétaire général du FN, Nicolas Bay. Marine Le Pen est une des favorites pour décrocher une présidence de région, celle du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Diverses raisons expliquent l’optimisme du FN.
C’est un peu comme si Marine Le Pen était chez elle dans cette région du nord. Son « installation » y a été progressive. En mars 1998, élue sur la liste de Carl Lang, elle décroche son premier mandat de conseillère régionale du Nord-Pas-de-Calais. Son travail d’implantation se confirme peu à peu. Aux législatives de juin 2002, la candidate de la treizième circonscription du Pas-de-Calais (Lens) obtient 24,2 % des voix. C'est une surprise. Ses 41,06 % de voix à Hénin-Beaumont, au second tour des législatives de juin 2007, la confortent sur, au moins, deux aspects inhérents : sa légitimité politique - en train de s'affirmer - et son avenir de présidente du FN. Cinq ans plus tard, elle vise, de nouveau, la députation. Elle n’est battue par le candidat socialiste que d’une centaine de voix aux législatives de juin 2012.
Les régionales de 2010 : une référence pour le FN
Les régionales de 2010 servent de plate-forme programmatique au discours mariniste sur les thématiques économiques et sociales, propagées dans cette France des « invisibles, des oubliés ». Marine Le Pen est sur le terrain. Chaque matin, elle arpente un marché. L’après-midi, elle est en conférence de presse. Entre-temps, elle se trouve aux sorties d’usine et s’adresse à un électorat populaire. Elle n'oublie pas, non plus, de diffuser la thématique phare du FN. C'est à ce moment, par exemple, qu'elle dénonce les menus halal mis en vente dans certains restaurants d’une chaîne de restauration rapide. Pour elle, « ceux qui ne veulent pas manger halal n’auront même pas le choix ».
Le FN affiche un résultat de 11,42 % au premier tour et se maintient dans douze régions. Il compte bien y jouer le rôle d’arbitre et faire rentrer des élus frontistes dans les assemblées : c’est une question de survie financière, liée aux indemnités mensuelles des conseillers régionaux. Le FN ne donne aucune consigne de vote dans les régions où il n’est pas présent au second tour. Sa stratégie est claire : « occuper l’espace médiatique plutôt que d’organiser des meetings qui coûtent cher et rapportent peu de voix ».
Les résultats du second tour traduisent une progression que « nul n’attendait », selon le FN : 118 conseillers régionaux FN sont élus. Il y en avait 85 sous la précédente mandature. Des hommes, de « toute condition sociale » vont défendre les idées du FN. Parmi eux, la moitié a été élue pour la première fois. Celle qui n’est pas encore présidente du FN déclare que le « courant national est revenu comme un acteur majeur, et il sera un acteur majeur de la prochaine grande échéance nationale que sera l’élection présidentielle ». Pour sa première présidentielle (22 avril 2012), Marine Le Pen rassemblera sur son nom 17,9 % des suffrages.
Les meilleurs chiffres se situent dans le nord-est et le sud-est, des régions représentées par Jean-Marie et Marine Le Pen qui se suivent de près dans les résultats. Elle s’impose comme le « leader naturel du parti » et le symbole de la reconquête frontiste. Sa liste est la seule à avoir améliorée son score. Ce qui est possible à Hénin-Beaumont « doit l’être dans chaque commune de France », explique-t-elle :
« Il suffit de s’en donner la peine. Ce résultat veut dire que nous sommes capables d’élargir notre électorat, bien plus loin que notre famille naturelle, et j’espère qu’en terme de positionnement ce résultat sera le point de départ de l’avenir de la construction du Front. Le résultat que j’ai pu obtenir ici démontre que, loin de se radicaliser, il faut défendre bien entendu nos idées sans excès, et bien sûr sans faiblesse ».
Une précision d'importance tout de même : le FN réalise en 2010 son plus mauvais score à une élection régionale. Par rapport à la précédente, il perd 1,2 million de voix. Pour la première fois à ce type d’élections, le nombre des abstentionnistes (53,7 % des inscrits) dépasse celui des votants. Mais, pour Marine Le Pen, ces résultats traduisent l’« affirmation d’un vote d’adhésion. Le FN a su démontrer qu’il pouvait gouverner sur des idées radicalement nouvelles ».
Les régionales de 2015 : un tournant de l'histoire du FN ?
Le marqueur central du FN, la thématique de l'immigration, est au cœur de sa campagne. Il est, depuis quelques semaines, réactivé par la crise des migrants. La sémantique utilisée n'est pas anodine : « explosion », « submersion », « immigration massive », « villes assiégées », etc.
Samedi soir, en Picardie, la fièvre des sympathisants FN pour « Marine » se ressent dans la petite salle municipale - comble - de Ressons-sur-Matz. La présidente du FN martèle que le « gouvernement veut disséminer les migrants dans nos campagnes ». Quelques heures plus tard, lors de l'émission C politique sur France 5, elle affirme, une nouvelle fois, que lorsqu'elle sera « à la tête de la région NPDCP », elle ne donnera « pas un sou pour l’accueil des migrants ».
Ces élections régionales se situent à un moment charnière pour le FN. Marine Le Pen préside le parti depuis plus de quatre ans et engrange quasiment, à chaque élection, des résultats inédits dans l'histoire du FN. Les départementales de mars 2015 ont vu, pour la première fois dans la Somme, l'élection du binôme FN Patricia Wybo et Alex Gaffez à Corbie. Les différents sondages sont favorables à Marine Le Pen... sachant que la crise politico-familiale entre le père et la fille s'apparente, semble-il aujourd'hui, à une histoire passée ou, du moins, digérée. Comme avec la gestion de ses municipalités, le parti de Marine Le Pen espère - avec au moins une présidence de région - proposer des territoires laboratoires du FN ; ceci à seize mois de la présidentielle de 2017.