Pour l’instant, Jean-Marie Le Pen l’affirme : il désire créer une sorte d’association, une fondation, en aucun cas « concurrente » avec le FN. L’objectif, explique l’ancien président du Front national ce 11 mai sur les ondes de Radio Courtoisie, est de « rétablir la ligne politique qui est celle qui a été suivie depuis des décennies (…). Il faut essayer de corriger les erreurs qui ont été commises dans notre propre camp. (…) recueillir tous ceux qui sont actuellement indignés de la ligne politique suivie ».
Revenir à une sorte de FN originel, basé sur les fondamentaux lepénistes et porté essentiellement par des anciens du parti d’extrême-droite ? Il y a quelques jours encore, l’idée était difficilement concevable du fait, en partie, de la posture et de l’âge de Jean-Marie Le Pen. Aujourd’hui, ses propos rencontrent un écho. Reste à mesurer son ampleur et la réelle capacité de nuisance de l'ancien président du FN. Car si des permanences indéniables existent entre le FN du père et celui de la fille, la présidence de Marine Le Pen a évidemment entraîné un changement fondamental : ne lui en déplaise, Jean-Marie Le Pen n'est plus l'acteur principal de l'histoire du FN.
Un remake de 1972 ?
Le Front national est « né d’une analyse de la situation politique et de la rencontre de plusieurs volontés et bonnes volontés » peut-on lire dans une des premières publications du parti d’extrême droite (janvier 1973). Sa vocation première : le rassemblement de tous les nationaux, « sans exception ». Son ambition immédiate : présenter quelques candidats aux législatives du printemps 1973.
À l’automne 1972, un logo - une flamme tricolore calquée sur celle du parti fasciste italien le MSI -, un sigle - FN - et quelques hommes annoncent la constitution du FNUF (Front national pour l’unité française), présidé par Jean-Marie Le Pen. Ce qui n’est encore qu’un groupuscule se présente comme l’affirmation politique de la « droite nationale, populaire et sociale ».
Différentes sensibilités et individualités de l’extrême-droite française figurent à l’origine du mouvement, impulsé par le groupuscule néofasciste Ordre nouveau : anciens SS, anciens collaborateurs du régime de Vichy, anciens poujadistes et militants de l’Algérie française, nationalistes-révolutionnaires, royalistes, auxquels s’associent des personnalités diverses. Chacun s’adapte, en fonction de sa culture politique avec un principe phare : la « préférence nationale ».
Les « indignés » de la ligne Marine Le Pen
Une quarantaine d’années plus tard, une nouvelle formation, chapeautée par l’ancien président du FN, pourrait donc voir le jour. Dans quelle(s) perspective(s) ? Pourquoi pas la présidentielle de 2017 ? Un enjeu crucial pour le Front national de Marine Le Pen.
Existe-il un espace politique à combler, à la droite du FN ? Est-il possible de créer un parti d'extrême droite d'envergure à l'extérieur du Front national ? Quoiqu'il en soit, des anciens (cadres) du FN – exclus ou partis volontairement, opposés avant tout à Marine Le Pen, se font entendre : Roger Holeindre, Carl Lang… mais aussi des anciens adhérents / militants comme Yvan Benedetti ou encore Alexandre Gabriac. Ce n’est certainement que le début d’une liste qui devrait s’allonger. Car la plupart des dissidents du FN approuvent tout bas l’initiative de Jean-Marie Le Pen… et seraient prêts à participer à cet élan. L’ancien président du FN affiche, pour l'instant, un certain optimisme. Il dit attendre des « centaines », voire des « milliers d’adhérents ». On en est tout de même loin, très loin.
Le principe serait assez clair, même si le projet n’est pas encore défini : Jean-Marie Le Pen continuerait d’être, en quelque sorte, l’homme fédérateur, rassembleur et central de cette « formation » ; une sorte de pilier autour duquel s’agrègeraient et coopéreraient divers courants, sensibilités et individualités de l’extrême droite française. La réintroduction de marqueurs inhérents au capital idéologique du FN lepéniste sous-tend cette entreprise politique.
Nationalistes, patriotes, négationnistes, traditionnalistes, identitaires, etc… C’est peut-être une « nouvelle droite nationale française », dixit Carl Lang qui renouerait, « pourquoi pas, avec la vieille histoire »… une histoire chaotique, parsemée de coups d’éclats, de rivalités, de scissions entre les hommes forts du parti d’extrême droite. Cette structure - qui ne dit pas encore son nom - serait une sorte de passerelle entre le passé et l'avenir ; un « parachute contre le désastre », des mots de Jean-Marie Le Pen.
Pour l'instant, si l'idée fait son chemin, la route pourrait être longue. Les formations politiques à droite du FN restent groupusculaires. Si la majorité de leurs membres considèrent que Marine Le Pen a tué « l'opposition nationale », tous savent que leurs structures ne font guère le poids, à tous les sens du terme, face au Front national. Aussi, Jean-Marie Le Pen pourrait bien continuer à jouer un des rôles qu'il affectionne particulièrement : celui d'agitateur de la politique sachant qu'il possède quelques handicaps (dont son âge) mais aussi quelques atouts... dont un essentiel : l'argent.