La fabrique des slogans

Affiche "Le Pen vite !" (archives personnelles)

Comment prend forme un slogan dans un parti politique ? À l'Atelier de propagande du Front national (APFN), la genèse de certains slogans est significative. Le plus souvent récupérés à la base, ils sont discutés lors de réunions de cadres... et soumis, en dernier lieu, à Jean-Marie Le Pen.

Bruno Mégret, alors Délégué général du FN, crée l'APFN à la fin des années quatre-vingt. C'est une sorte d'agence de publicité interne qui prend en charge la réalisation, la conception et la diffusion de la production graphique du parti. Le numéro deux du FN veut également laisser son empreinte dans ce domaine. Aidé de son équipe, il propose donc une nouvelle iconographie rompant avec la période antérieure.

Le personnel de l'atelier de propagande n’a pas beaucoup de moyen et aucune formation dans la communication politique. Militant du FN depuis 1979, Jacques Olivier en est le responsable. Il sait que les premiers clients de l’atelier sont les militants des fédérations. L’enjeu est aussi là : concevoir des affiches qui reflètent leur culture politique et qu’ils aient envie de coller sur les murs.

« Le Pen, vite ! » est un des slogans phares du FN pendant les années quatre-vingt-dix, un des plus réussis. Comment a-t-il été conçu ? Un jour, Jacques Olivier voit un tag dans le métro. Il le propose au FN. « Le Pen, vite ! » est immédiatement repris par les hommes de la structure de propagande frontiste. Il est affiché sur des centaines de panneaux commerciaux loués dans des grandes villes de France, en teasing ; une technique publicitaire qui décline un message en plusieurs temps, suscitant ainsi la curiosité du consommateur. En politique, un « slogan est bon quand il est dit au café » et c’est « typiquement le genre de slogans qu’on y entend », rajoute le responsable de l’APFN.

 

 tete-haute

 

« Tête haute, mains propres » est né ainsi : un militant parle de l’opération « mains propres » en Italie (au début des années quatre-vingt-dix, des enquêtes judiciaires révèlent un système de corruption et de financement illicite de partis politiques italiens au cours d’une opération appelée « mains propres »). L’APFN tient le concept. La discussion s'engage avec le président du FN. Jean-Marie Le Pen considère que « mains propres » n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin... et rajouter « tête haute ». Les « choses sont très simples et, la plupart du temps, ne coûtent rien », explique Jacques Olivier. « Sans moyen, nous parvenons à faire des trucs qui rivalisent avec des partis possédant des moyens hors norme. Notre force repose sur les militants qui nous apprennent beaucoup ».