Régulièrement, Marine Le Pen envoie des signes à son électorat de gauche. Son soutien récent apporté à la formation de gauche radicale grecque Syriza s'intègre dans sa stratégie de dédiabolisation : revendiquer des marqueurs de gauche et mettre en avant des nouvelles têtes qui annoncent la "gauchisation" du FN. Parmi elles, d'anciens militants de gauche ou d'extrême gauche, comme le maire d'Hayange Fabien Engelmann ou encore Valérie Laupies, directrice, professeur des écoles et, entre autres, conseillère municipale de Tarascon. Ce sont les nouveaux visages du FN. Une des dernières recrues : Aurélien Legrand.
Depuis septembre 2014, il est le nouveau chargé de communication du FN de Paris. Il est, peut-on lire sur son compte Twitter, "responsable des actions catégorielles de la Fédération FN-RBM de Paris", c'est-à-dire qu'il rédige les communiqués. Aurélien Legrand semble avoir plusieurs qualités pouvant susciter l'intérêt d'un parti comme le FN : il est jeune, souriant, cultivé et ex-militant de formations d'extrême gauche. Aussi, ce trentenaire, diplômé en histoire et en anthropologie, ancien membre de la LCR et du NPA, explique tranquillement, devant les caméras et micros des chaînes et radios nationales, avoir trouvé au sein du FN la défense des "sans-voix, des petits, des sans-grade, de ceux auxquels personne ne s’intéresse et que le système broie"... Des propos qui seraient, sans aucun doute, approuvés par ses anciens camarades politiques.
Mais alors comment justifie-t-il son adhésion récente au FN ? Son discours est formaté et, en même temps, fédérateur : originaire de Cambray, il voit sa ville natale dépérir ; la base militaire fermée, etc. La France se paupérise, c'est un pays qu'on oublie ; un pays où le problème est avant tout social. L'urgence se fait sentir et la réponse s'impose. Car ni "l'UMPS", ni l'extrême gauche ne sont capables d'améliorer ce tableau. Seul le FN propose aujourd'hui des solutions viables et efficaces, avance Aurélien Legrand... qui se dit séduit par les propositions économiques et le discours "patriotique et anti-libéral" de Marine Le Pen. L'homme apporte une dernière précision : le plus petit dénominateur commun du socle idéologique du FN, à savoir la lutte contre l'immigration, n'est pas ce que l'on croit. Aurélien Legrand parle d'une position frontiste, sur ce thème, "plus sensée et plus humaniste de ce que l'on peut entendre le plus souvent". Bref, il rejette le vieux socle xénophobe du FN paternel que Marine Le Pen s'emploie à gommer de l'histoire frontiste.
Le FN n'est pas le "mal"
Aurélien Legrand explique n'avoir eu aucune hésitation intellectuelle ni morale pour intégrer le parti. On "fait trop souvent une caricature du FN" qui, en réalité, est "plus ouvert, plus tolérant". Le FN n'est pas le "mal. C'est un parti différent qui propose autre chose. Il n'y existe aucun discours racialisé. Il y a une communauté nationale qui accueille tout le monde quelque soit son origine des gens honnêtes et sincères". Marine Le Pen ne pose que des "questions de bon sens" et représente, selon lui, la ligne et l'avenir du parti. Aurélien Legrand poursuit sa démonstration : le lepénisme n'existe plus. Le discours de Jean-Marie Le Pen est "daté". Sa fille affiche un discours de rupture avec son père et se démarque ouvertement des thématiques du FN historique.
Plus que jamais, le FN ne veut plus qu'on lui accole l'étiquette d'extrême droite, incompatible avec les ambitions politiques affichées de ses idéologues. Aussi, le parti accueille à bras ouverts ces hommes et femmes passés d'un extrême à l'autre. Leur itinéraire sert évidemment de caution. Leur médiatisation reste également un aspect central. TV, radios, etc : Aurélien Legrand est invité un peu partout... Il s'exprime et défend ses idées posément, avec conviction. Et comme le dit son supérieur à la Fédération de Paris, Wallerand de Saint-Just, "physiquement, il a une tête normale". Aurélien Legrand ne parle pas seulement bien du FN. Il donne au parti de Marine Le Pen, une énième occasion de répercuter une nouvelle image et de trouver un écho dans les médias.
Un dernier aspect : le FN reste actuellement le seul parti français au sein duquel l'ascension politique peut être fulgurante. N'y rentre-on pas, motivé par un certain opportunisme ? "Non", affirme Aurélien Legrand... "Ce n'est pas une question de carrière mais d'idées !"
Valérie Igounet