Vers l'effondrement du processsus de paix

Inexorablement, l’agonie du processus d’Oslo approche rapidement de sa fin. Les dernières péripéties de la médiation de John Kerry en sont une preuve supplémentaire.

La crise

C’est en juillet 2013 que le secrétaire d’état a obtenu l’accord de Benjamin Netanyahu et de Mahmoud Abbas de reprendre les négociations pendant neuf mois. La direction palestinienne s’était engagée à suspendre l’adhésion de la Palestine à 63 agences et organisations onusiennes et surtout à ne pas porter le problème de l’occupation des territoires devant la Cour internationale de La Haye. Toutes choses qui auraient considérablement durci la crise au Proche Orient. En contrepartie, le gouvernement israélien avait plusieurs choix : geler la colonisation, accepter la ligne d’armistice de 1967 comme base de référence des pourparlers, ou libérer des détenus Palestiniens. Netanyahu a choisi la troisième formule : Relâcher, en quatre phases, 104 Palestiniens emprisonnés avant la signature des accords d’Oslo. Les trois premiers groupes ont été libérés aux dates prévues, pas le quatrième qui devait l’être le 29 mars dernier. Le Premier ministre israélien a en effet décidé d’y surseoir, en proclamant qu’il « ne libérera pas un seul prisonnier palestinien, si l’Autorité autonome ne s’engage pas à poursuivre les négociations et reconnaisse la nature juive de l’État d’Israël ».

L’espion américain

Pour tenter de trouver une solution, John Kerry a mis sur pied, une formule de compromis a été mise sur la table. Israël libérerait, en plus de la trentaine de détenus prévus – parmi lesquels 14 de nationalité israélienne - 400 purgeant des peines légères, et gèlerait partiellement la colonisation en Cisjordanie – pas à Jérusalem Est. Pour que la droite israélienne avale la pilule, Barack Obama gracierait Jonathan Pollard, l’américain qui espionnait pour Israël et purge une peine de prison à vie. C’est le cadeau ultime que réclament les gouvernements israéliens depuis deux décennies et surtout, Pollard est un héros pour la droite israélienne qui le considère comme « un prisonnier de Sion ». Et c’est à ce moment que Ouri Ariel, le ministre de l’Habitat, un des dirigeants de « La maison juive », le parti des colons, a lancé un appel d’offres pour la construction de 708 unités de logements à Gilo, la grande colonie urbaine dans le sud de Jérusalem.
Pour les Palestiniens, qui, déjà, faisaient grise mine, c’était de trop. Mahmoud Abbas a dit non. Ses proches ont expliqué : « D’abord, les Israéliens n’ont pas tenu leurs engagements et ont annulé la libération du quatrième groupe de détenus. Et puis, l’accord proposé par Kerry était insuffisant. Le gel des colonies ne sera que partiel, et nous avons déjà connu un scénario de ce genre. Jérusalem Est n’est pas concernée. Enfin, les 400 prisonniers, ainsi relâchés, sont soit des petits délinquants – des voleurs de bicyclettes a dit un commentateur politique israélien ! – ou sur le point de finir de purger leur peine. Et il y a eu la relance de la colonisation. ». Le Président palestinien a donc marqué son mécontentement en apposant la signature de la Palestine ( l’état reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies !) au bas d’une quinzaine de conventions et traités internationaux. Il n’a pas demandé l’adhésion à des organisations onusiennes ce qui aurait provoqué une crise gravissime avec les États Unis. Israël a réagi à cette initiative en retenant une partie des taxes qu’il collecte pour le compte de l’Autorité autonome. Revenant sur le déroulement de ces semaines, devant une commission du Sénat, John Kerry a conclu : « Et Pouf ! Voilà où on en est »

Rendre les clés à Netanyahu?

Le blocage est total. Sous la houlette de Martin Indyk, le représentant du secrétaire d’État, les négociateurs se rencontrent régulièrement, mais sans avancer d’un millimètre. Il faut dire, que les dirigeants israéliens et palestiniens savent que la probabilité pour qu’un état palestinien viable voie le jour est très faible. D’abord parce qu’il sera quasi impossible d’évacuer, ne serait-ce qu’une partie des 360 000 colons qui habitent la Cisjordanie. Selon toutes les cartes établies par les experts, même en créant des « blocs d’implantations » dans le cadre d’un échange de territoires entre Israël et une hypothétique Palestine, plusieurs dizaines de milliers d’Israéliens resteront dans des localités au cœur de ce qu’ils appellent la Judée Samarie. Ce sont les plus idéologiquement motivés. Et, cela sans même évoquer le problème de Jérusalem Est auquel les uns et les autres ne sont pas prêts à renoncer.
Alors, à nouveau, Mahmoud Abbas déclare qu’il envisage de « rendre les clés à Netanyahu » afin qu’il rétablisse l’occupation. Récemment, en recevant des députés et des journalistes israéliens : http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/.premium-1.585919 Cette menace, qu’il répète régulièrement depuis quelques années, doit être prise au sérieux. En effet, ayant fêté son 79e anniversaire, le 26 mars dernier, celui qui fut l’adjoint de Yasser Arafat ne veut pas entrer dans l’Histoire comme un traître à son peuple. Ses adversaires accusent l’Autorité autonome d’être le collabo d’Israël, d’accepter la poursuite de la colonisation, les arrestations de militants, les destructions de maisons etc.

Plus d’Autorité autonome?

La dissolution de l’autorité autonome pourrait d’ailleurs intervenir assez rapidement, et cela sans qu’Abbas en prenne la décision. À la suite d’un effondrement économique après des sanctions israéliennes ou à un arrêt de l’aide internationale. Cela pourrait être aussi provoqué par une crise politique interne. 115 experts palestiniens, ont examiné les scénarios possibles sous la direction du politologue Khalil Shikaki. Leur rapport se trouve à cette adresse : http://www.pcpsr.org/strategic/papers/2013/finalreport.pdf
Pour l’heure, en tout cas, Mahmoud Abbas est prêt, sous certaines conditions, à continuer les contacts afin d’arriver à un accord… sur la poursuite des négociations. Il est sous la pression, non seulement des Américains, mais aussi des dirigeants égyptiens et du roi Abdallah de Jordanie qui ne veulent pas d’une nouvelle crise majeure au Proche-Orient. Tous pensent que des discussions même complètement stériles valent mieux qu’un saut dans l’inconnu.
Côté israélien, la situation est plus compliquée. Benjamin Netanyahu voudrait, lui aussi, maintenir la situation actuelle, sinon le plus longtemps possible, au moins jusqu’à l’arrivée à la Maison Blanche d’un président républicain. L’autonomie palestinienne - même quelque peu élargie si nécessaire est, de son point de vue, idéale. Israël ne dépense pas un shekel pour les Palestiniens. Ce sont les États Unis et les Européens qui mettent la main au portefeuille. L’armée israélienne intervient là où elle veut.. Et les quelques actes de violence ou de terrorisme qui secouent le calme relatif, qui règne en Cisjordanie, sont supportables. Le problème concerne sa coalition gouvernementale. Naftali Bennet, le chef du parti des colons « La maison juive », et ministre de l’économie, menace de faire tomber le gouvernement si, dans le cadre de l’accord proposé par John Kerry, des Arabes israéliens sont libérés. Netanyahu tente de le convaincre de ne pas prendre de décision précipitée.. De toute manière, il n’y a pas au sein du gouvernement – et de la coalition parlementaire – de majorité en faveur de la création d’un état palestinien indépendant. Ce terme n’apparaît pas dans les statuts ou la plate-forme électorale du Likoud et de « La maison juive».
Les semaines à venir s’annoncent intéressantes.