Au nom de la raison

 

C’est de nouveau un livre de mise en garde que vient de signer Charles Enderlin. Trois décennies de reportages pour France 2 à Jérusalem, d’enquêtes et de réflexions. En 2002, son Rêve brisé, deux ans après l’échec retentissant des accords de Camp David entre Ehoud Barak et Yasser Arafat, avait envoyé un premier message : la responsabilité du naufrage de la négociation n’était pas due uniquement au recul d’Arafat mais aussi à la partie israélienne qui n’était pas prête à la paix.

En 2006, dans Les Années perdues, son récit de la deuxième Intifada illustrait la volonté d’Ariel Sharon d’enfoncer le clou, de casser ce qui restait de l’Autorité palestinienne. Mais le fond de l’affaire est, selon lui, ailleurs. Dans la montée inexorable de l’extrême droite religieuse en Israël et sa volonté de moins en moins cachée de reprendre le mont du Temple. Pour démontrer sa thèse d’un messianisme continuel, Enderlin reprend l’histoire presque de zéro dans Au nom du Temple. Depuis 1967 et la guerre des Six-Jours, il raconte, documents à l’appui, comment l’alliance des colons et des religieux nationalistes a puissamment fait pression sur les gouvernements successifs de l’État hébreu pour annexer toujours davantage de terres arabes dans le seul but de reconquérir Jérusalem, tout Jérusalem, y compris ce Haram Al-Sharif, esplanade des mosquées qui domine le Mur des lamentations.

Défilent dans ces pages des portraits de rabbins enflammés, de colons armés, de dirigeants politiques pris au piège et, en creux, les contours d’une population israélienne otage de ses extrémismes. Dans cette chronologie, l’assassinat d’Yitzhak Rabin en novembre 1995 se lit d’un regard plus instruit. Depuis la percée aux élections de janvier du parti du Foyer juif, son leader Naftali Bennett est devenu un poids lourd du cabinet Netanyahou, lequel a toujours pensé et affirmé que "la Bible est le cadastre d’Israël". De quoi s’interroger sur les chances du secrétaire d’État américain John Kerry de remettre le processus de paix sur les rails.

François Clemenceau - Le Journal du Dimanche

dimanche 14 avril