La critique du Monde

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Le livre du jour

 

L’engrenage du Hamas

 

CHARLES ENDERLIN écrit comme il fait son métier de correspondant Permanent de France 2 à Jérusalem, depuis 1981: en énumérant les faits, sans adjectifs ni commentaires superflus. Il sait que les mots peuvent devenir des armes.

Son propos est de décrire la responsabilité d’Israël dans la montée de l’islamisme radical, c’est-à-dire dans l’émergence du Hamas. Sa méthode est celle d’un journaliste : les événements s’enchaînent, comme une en grenage, parsemés des erreurs des gouvernements israéliens successifs. On mesure à quel point l’impasse actuelle du processus de paix, et aussi la division des Palestiniens entre le Fatah et le Hamas, est la résultante d’un «grand aveuglement», du dogmatisme religieux et du sang versé. Charles Enderlin explique, documents souvent inédits à l’appui, que la Shabak, le service israélien de sécurité intérieure, s’est persuadée qu’en favorisant le renforcement de la Moujamma (organisation issue des Frères musulmans, qui a donné naissance au Hamas) et de son chef, Cheikh Ahmed Yassine, elle détenait «l’antidote à l’OLP», l’Organisation de libération de la Palestine. Il établit un parallèle saisissant avec l’attitude des Etats-Unis en Afghanistan, qui ont longtemps soutenu les groupes moudjahidines les plus radicaux,

Comme le Hezb-I-Islami de Gulbuddin Hekmatyar, aujourd’hui l’un des chefs les plus extrémistes du mouvement taliban.

Loin de limiter son sujet à «la prise de contrôle d’un territoire» (Gaza) par le Hamas, Charles Enderlin se fait le biographe minutieux de l’histoire des relations entre Israël et les administrations américaines successives: il souligne à quel point les appels répétés de Washington en faveur de l’arrêt de la colonisation juive dans les territoires palestiniens occupés, cet «acte délibéré visant à saboter la paix», disait l’ancien secrétaire d’Etat James Baker, sont restés, jusqu’à aujourd’hui, lettre morte. Il décrit «l’entreprise systématique de délégitimation de l’Autorité palestinienne», et rappelle que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, alors chef du Likoud, avait comparé les accords d’Oslo (1993) – sans doute la meilleure chance de paix au Proche-Orient –, aux accords de Munich, et Itzhak Rabin à Chamberlain.

Cette chronique des relations israélo-palestiniennes livre quelques clés pour comprendre l’incapacité des acteurs du processus de paix à se tolérer.

Laurent Zecchini

Dimanche 8 Lundi 9 novembre