La fin du rêve américain

Mardi dernier, le gouvernement Trump a annoncé la fin du programme Daca, mis en place par Obama en 2012. Cette mesure permettait à des milliers de mineurs arrivés illégalement avec leurs parents sur le territoire américain, de vivre aux Etats-Unis sans risque d'expulsion.

Cette décision de l'administration Trump de fermer le programme Daca (Consideration of Deferred Action for Childhood Arrivals) menace l'avenir de quelques 800 000 jeunes, appelés Dreamers. Pour les prochains 6 mois, aucune nouvelle demande d'immigration de mineurs ne sera examinée par les services d'immigrations américains. Les Dreamers, eux, ne connaitront pas leur sort avant le 5 mars 2018, délai accordé par Donald Trump.

"Pour tous ceux (DACA) qui sont inquiets au sujet de leur condition pour les 6 mois à venir, vous n'avez pas de soucis à vous faire - Pas d'actions" a tweeté le président américain jeudi.

"Nous ne pouvons accepter tous ceux qui aimeraient venir ici, c’est aussi simple que cela. Les Dreamers prennent les emplois des Américains », a déclaré mardi Jeff Sessions, le ministre de la Justice, lors d’une conférence de presse. "Notre plus grande priorité est de réformer le système d’immigration, qui doit améliorer les emplois, les salaires et la sécurité des travailleurs américains et leurs familles" a-t-il ajouté.

Des appels au secours

Des grandes entreprises, telles que Microsoft ou Facebook, se sont liguées pour la défense du programme. Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, a publié un message sur le réseau social pour apporter son soutien aux Dreamers.

Mark Zuckerberg : "[...] Nous avons besoin d’un gouvernement qui protège les Dreamers. Aujourd’hui, je me joins aux leaders des entreprises de tout le pays pour appeler notre président à continuer d’appliquer le programme Daca."

De son côté, Barack Obama a également posté une tribune sur Facebook, dans laquelle il dénonce une "décision cruelle" contre la mesure qui a permis à des centaines de milliers de jeunes immigrés d'étudier et de travailler aux États-Unis.

Mercredi, le procureur général de l’État de Washington, Bob Ferguson, a annoncé dans une conférence de presse que 15 Etats américains – ainsi que la capitale fédérale de Washington –, porteront plainte contre Donald Trump. Il dénonce également une décision "cruelle et illégale". Parmi les États concernés, ceux du nord-est du pays (Connecticut, Massachussets et Pennsylvanie) mais aussi du sud (Virginie, Coroline du Nord) ou de l’ouest américain (Oregon, Hawaï). La Californie, qui compte le plus grand nombre de Dreamers, n’a pas porté plainte, mais son ministre de la Justice, Xavier Becerra, s’est dit « prêt à aller devant les tribunaux », pour les défendre.

La résistance s'organise 

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses associations se sont mobilisées après l'annonce de la fermeture du programme. Des manifestations ont été organisées à la Maison-Blanche, mais aussi devant l'hôtel international de Donald Trump à Washington.

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À Chicago, le maire, Rahm Emmanuel, a pour sa part refusé tout simplement d’appliquer la décision du président américain. Lors d’un discours devant les Dreamers, il a annoncé sa décision de faire de sa ville une zone "anti-Trump" : "Vous êtes les bienvenus dans la ville de Chicago, a-t-il déclaré. C’est votre maison et vous n’avez rien à craindre. Et je veux que vous le sachiez, et que vos familles le sachent. Soyez sûrs que je veux que vous veniez à l’école… et que vous poursuiviez vos rêves"

Emmanuelle Rouillon

De la ségrégation raciale à la mixité démographique, dans les rues de Washington D.C

Depuis les années 50, certains quartiers de Washington D.C subissent une transformation urbaine et démographique. La rue U, située dans le nord-ouest de la capitale, en est un exemple. 

Dans les années 1950, la ségrégation sévissait dans le pays, séparant les communautés blanche et noire. La capitale américaine était organisée de sorte que les Noirs habitaient en banlieue, notamment dans le nord-est de Washington D.C. U street était l'un des quartiers emblématiques de la communauté afro-américaine. Aujourd'hui, cette rue connaît une hétérogénéité démographique.

Un quartier mondain pour la communauté noire  

La famille Lee en est un des visages. Depuis 1945, quatre générations se sont succédées dans l'unique boutique de fleurs de la rue. Elle a connu les grands moments de l'Histoire pour l'égalité des droits des personnes noires, depuis la fin de la ségrégation en 1964 à l'élection du premier président noir des États-Unis en 2009, en passant par l'assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 1968.

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De gauche à droite : Kristie Lee, Chase Tyler, le neveu, et Stacie Lee Banks. Les deux soeurs sont les propriétaires du Lee's FlowerShop depuis 2012

"U street était une frontière. Les personnes noires n'avaient pas le droit de se rendre en centre-ville, habité par les Blancs, raconte Stacie Lee, 54 ans, petite-fille du premier propriétaire de la boutique 'Flower Shop'. Dans les années 1950, il y avait une sorte d'effervescence qui animait le quartier, où la classe moyenne fréquentait les restaurants, les clubs de jazz et les trois cinémas du quartier." U street était alors surnommé le Black Broadway.

En 1945, ses grands-parents, William P. Lee et Winnifred Lee, achètent le bâtiment où ils y établissent leur boutique de fleurs. Leur affaire prospère jusqu'en avril 1968, date de l'assassinat de Martin Luther King. Durant trois nuits, plusieurs magasins sont brûlés suite aux affrontements entre des policiers blancs et les activistes des droits des Noirs. "On a dû mettre un panneau sur la porte pour dire que c'était un magasin tenu par des Noirs...", se souvient Stacie, alors âgée de 5 ans. Après cet épisode, les activités commerciales de la rue ont été abandonnées sous les cendres.

1968, l'année du basculement 

À partir de cette date, les classes moyennes et riches s'exilent, laissant le quartier entre les mains des vendeurs de drogue et des prostituées. Jusqu'à la fin des années 1980, la violence règne sur le quartier, faisant de Washington D.C l'une des villes les plus dangereuses du pays.

Seuls trois établissements ont survécu au déclin : l'Industrial Bank, la banque de la communauté noire, installée en 1938, le Lee's FlowerShop et le Ben's Chili Bowl crée en 1958. Ce célèbre restaurant de hot-dogs, reconnaissable à sa devanture jaune, est un lieu prisé par les personnalités de la communauté afro-américaine. De Martin Luther King à Barack Obama en passant par Usher, ils ont tous goûté au fameux hot-dog à la sauce piquante.

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Virginia Ali est propriétaire du restaurant avec son mari (décédé en 2009) depuis sa création en 1958. Aujourd'hui âgée de 83 ans, elle raconte avec précision la fin de la ségrégation et le début de l'intégration des Noirs dans la société américaine. Un souvenir en particulier lui revient en mémoire : "Pendant les trois jours d'altercations entre les autorités et le peuple noir, nous étions le seul restaurant à rester ouvert jusqu'à 3 heures du matin, malgré le couvre-feu imposé (de 21h à 7h du matin). À l'époque, nous étions déjà très populaires."

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A droite, Virginia Ali, propriétaire du Ben's Chili Bowl depuis 1958

La période des années 1968 à 1988 ont été particulièrement difficiles pour le restaurant. La population du quartier ayant changée, les clients respectables ont laissé place aux délinquants. "Après la mort de Martin Luther King, le quartier est devenu un ghetto, un couloir pour la drogue. C'était très effrayant", décrit-elle.

L'arrivée du métro, un nouveau souffle pour le quartier

Stacie est formelle, ce qui a sauvé le voisinage c'est l'arrivée du transport en commun souterrain : "Avec l'installation du métro, les prix immobiliers se sont envolés, de nouvelles personnes issues de diverses communautés culturelles sont arrivées." Une information confirmée par Virginia : "En 1958, on ne voyait pas d'étrangers ici." Les nouveaux habitants ont permis une re-dynamisation des rues autour du U street en lançant de nouveaux commerces.

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Julian Everett, coiffeur-barbier pour hommes de la rue U street

Quelques mètres plus loin sur le même trottoir, Julian Everett est l'un de ces nouveaux visages. Il a ouvert son commerce en tant que coiffeur-barbier pour hommes, il y a un an. Lui-même remarque un changement démographique, encore perceptible aujourd'hui. "De plus de plus de personnes aisées, de tous horizons, investissent dans le quartier, ce qui est bon pour mon business. Je voulais, moi aussi, faire partie de cette nouvelle croissance économique."

Yelen Bonhomme-Allard & Aliénor Vinçotte