Le sénateur de l'Arizona s'est éteint à l'âge de 81 ans. Photo : AFP

John McCain : les cinq combats de sa vie

Décédé aujourd’hui, John McCain était atteint d’un cancer du cerveau depuis 2017. Ancien pilote de l’armée américaine, sénateur de l’Arizona puis candidat à la Maison-Blanche en 2008 face à Barack Obama, l’homme s’est peu à peu imposé comme une grande figure de la politique américaine. Retour sur un parcours patriotique.

1Le héros de guerre

Tout comme son père et son grand-père avant lui, John McCain a d’abord rejoint les rangs de l’armée américaine. Réquisitionné pour la guerre au Vietnam, il opère en tant que pilote d’avion de chasse. En 1967, au cours de l’une de ses missions de bombardement, John McCain perd son avion et est capturé par les forces armées nord-vietnamiennes.

En 1968, le journaliste français François Chalais interviewe le pilote à l’occasion du reportage sur le conflit vietnamien. Au détour d’une cigarette, John McCain détaille ses conditions de détention. Ému, il adresse alors un message à son épouse et à sa famille.

Pendant plus de cinq ans, le détenu américain subit des tortures. Il est libéré en 1973 mais gardera des séquelles à vie. Il est décoré à son retour par le président Richard Nixon. Il quitte la Navy en 1981, sans avoir atteint le grade d’amiral.

2Un électron libre au sein du parti républicain

Peu après son départ de l’armée, sa carrière prend un autre tournant. Il accède à la Chambre des représentants du fait notamment de sa popularité. Bien que membre du parti républicain, il n’hésite pas à s’opposer publiquement au président Ronald Reagan sur certaines questions militaires. Il officie à la chambre basse du Parlement fédéral jusqu’en 1987 où il est élu Sénateur en Arizona.

Un nouveau poste qui ne l’empêche pas de se soustraire à la ligne de son parti. Il milite dans les années 1990 aux côtés du sénateur démocrate John Kerry. Tous deux vétérans de la guerre du Vietnam, ils militent pour le rétablissement des relations diplomatiques entre les Américains et les Vietnamiens. Il en est de même sur les questions environnementales : à l’instar des démocrates, John McCain souhaite réduire les émissions de gaz à effet de serre et promeut les énergies renouvelables.

Bien qu’il soit considéré parfois comme porteur d’idées nouvelles, John McCain reste cependant fidèle à plusieurs valeurs conservatrices du parti républicain. Il soutient le mouvement pro-vie, milite pour la fin de l’avortement et s’oppose au mariage homosexuel. De plus, il se présente comme un fervent défenseur du budget des armées et soutient l’intervention américaine en Irak.

En 2000, il tente de se présenter à la campagne présidentielle, il est cependant battu par George W. Bush qui remporte l’investiture républicaine et devient le 43e président des États-Unis.

3La campagne présidentielle de 2008

Investi par le parti républicain pour être candidat à l’élection présidentielle en 2008, il fait de Sarah Palin, la gouverneure républicaine de l’Alaska, sa colistière. Un choix stratégique qui rassure l’aile droite du parti républicain. Il fait face au sénateur démocrate de l’Illinois, Barack Obama, encore inconnu il y a quelques mois et qui suscite de vifs espoirs au sein des minorités. La campagne se fait sans affront, John McCain n’hésitant pas à défendre son adversaire face à son propre électorat.

Mais le candidat républicain ne parvient pas à endiguer la vague Obama. Le 5 novembre 2008, Barack Obama remporte le vote populaire et le vote des grands électeurs et John McCain concède sa défaite.

4Un opposant à Donald Trump

Les relations entre John McCain et Donald Trump ont toujours été compliquées. En 1999, Donald Trump s’interrogeait déjà sur le statut de "héros" accordé au sénateur pour ses services au Vietnam. Durant la campagne présidentielle, le milliardaire s’attaquera de nouveau au vétéran. John McCain retire son soutien au candidat républicain après la publication d'une vidéo où le milliardaire tient des propos obscènes envers les femmes.

"Ce n’est pas un héros de guerre. C’est un héros de guerre parce qu’il a été capturé. J’aime les gens qui n’ont pas été capturés."

En juillet 2017, à la surprise générale, John McCain vote contre l’abrogation partielle de l’Obamacare, le système de santé instauré par l’ancien président américain. S’attirant les foudres de l’administration Trump, il prouve une nouvelle fois qu’il est un électron libre préférant rester fidèle à ses convictions plutôt qu’à la ligne de son propre camp.

Dans ses mémoires intitulées The Restless Wave (La Vague agitée), sorties en mai dernier, John McCain n’épargne pas le président américain. Il critique ses propos virulents et l’accuse de complaisance avec Vladimir Poutine. Fervent opposant au président russe, le sénateur américain est listé parmi les personnes interdites de séjour en Russie dans le cadre de la crise ukrainienne. Selon plusieurs médias américains citant des proches du sénateur, John McCain ne souhaiterait pas que Donald Trump assiste à ses obsèques.

5Son combat contre le cancer

En juillet 2017, le sénateur républicain annonce être atteint d’une tumeur au cerveau. Il reste au Sénat encore quelques mois avant de retourner chez lui en Arizona pour y être soigné. Il reçoit là-bas la visite de nombreuses personnalités politiques comme l’ancien vice-président Joe Biden qui a perdu son fils des suites d’un cancer du cerveau. Décédé peu de temps après l’arrêt de son traitement, John McCain laisse derrière lui le souvenir d’un homme politique atypique, tantôt conservateur, tantôt progressiste. Un certain visage de l’Amérique.

H.G

John McCain, un électron libre au sein du parti des Républicains

Entré au Congrès américain en 1982, fils et petit-fils d'amiraux, John McCain, 80 ans, est devenu au fil des années un visage incontournable dans le paysage politique américain. En 2008, cet ancien pilote, prisonnier de guerre pendant 5 ans et demi au Vietnam, où il a été torturé, s'était même porté candidat à la Maison-Blanche face à Barack Obama. Ce sénateur de l'Arizona - aux 2,3 millions de followers sur Twitter - est décrit comme inclassable politiquement. Portrait.

"Nous ne sommes pas les subordonnés du Président. Nous sommes ses égaux." Le retour du sénateur républicain dans le monde politique, le visage marqué par une cicatrice au-dessus de l'arcade sourcillière due à une opération du cerveau, n'est pas passé inaperçu. Mardi 25 juillet, dans un discours prononcé devant le Sénat, John McCain a adressé un message sévère à ses collègues parlementaires, leur rappelant les textes fondateurs de la démocratie. Dénonçant l'attitude de certains sénateurs, pour lesquels "le fait de gagner" en politique est devenu plus important que l'esprit de coopération, il a invité les membres du Congrès à revenir au respect de chacun.

https://youtu.be/upVdr34TWZQ

Un républicain appartenant à l'aile gauche du parti

Contrairement aux membres de son propre camp, John McCain est plus modéré, soucieux d'entretenir de bonnes relations avec le parti inverse. Dans le camp des Démocrates, le sénateur républicain suscite le respect. "Il n'y a personne au Sénat comme John McCain", a confié à l'AFP, Chris Murphy, le sénateur démocrate du Connecticut.

"L'un des éléments-clés nécessaires pour bâtir la confiance avec mes collègues a été de tenir ma parole, déclarait le vieux sénateur à l'AFP en 2013. Dans la tradition de Ronald Reagan et Tip O'Neil (ancien président démocrate de la Chambre des représentants, ndlr), je suis prêt à faire des compromis sans trahir mes principes". Ce républicain se présente ainsi comme un "conservateur reaganien", à l'image de cette icône de la droite qui avait su conquérir une partie d'indépendants.

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Pilote de la Marine pendant 22 ans, ce républicain est devenu sénateur par accident. Il aurait dû être amiral, comme l'a été son père et son grand-père avant lui. Possédant son propre siège depuis plus de 30 ans, ce franc-tireur de la politique "a su se bâtir une réputation qui va bien au-delà des couloirs du Capitole", comme le souligne le site Quartz. Au Congrès, il a même été surnommé "la tornade blanche", en allusion à son habitude de défier la Maison-Blanche sur les sujets les plus sensibles. Comme la question de la torture ou celle du réchauffement climatique.

Bien que Républicain, il milite activement pour que les Etats-Unis prennent conscience de la nécessité de changer d'attitude à l'égard de l'environnement et limitent les émissions de gaz à effet de serre. Les années passées dans un camp de prisonnier au Vietnam lui ont appris les erreurs que les Américains ne devaient pas faire : "John McCain a écrit sur les tortures qu'il a subies dans les geôles vietnamiennes, ainsi que sur l'isolement et la dépression qu'il a vécus", rappelle Quartz. De cette expérience découle en 2005 un projet de loi bannissant tout recours à la torture.

L'anti-conformiste républicain (maverick, en anglais), aliéné par une partie de l'électorat conservateur

Pourtant, il n'a rien d'un gauchiste. John McCain s'est prononcé contre l'avortement et le mariage des couples homosexuels. Mais, pour beaucoup de ses amis conservateurs, il n'est Républicain que de nom seulement. Leur collègue n'est qu'un original à leurs yeux. Son indépendance d'esprit lui vaut des critiques sévères de la part des membres de son propre camp.

Les raisons ? Le sénateur avait soutenu un projet de légalisation des immigrés clandestins, un comble pour le Parti républicain. Il avait également voté deux fois contre les réductions fiscales offertes par l'ancien président George W. Bush, avant d'accepter de les titulariser. Un geste qui avait été peu apprécié chez les conservateurs "fiscaux". Et, sur les questions morales, les conservateurs lui en ont voulu d'avoir refusé d'amender la Constitution pour interdire les mariages homosexuels et d'avoir apporté son soutien à la recherche sur les cellules souches d'embryon.

Pendant la campagne républicaine de 2008, en course vers la Maison-Blanche, John McCain avait été déclaré vainqueur dans la moitié des Etats américains, dont New-York et la Californie. Une victoire qui n'avait pas fait l'unanimité chez les Républicains. Rush Limbaugh, animateur de radio connu pour ses positions conservatrices, très écouté par la frange la plus conservatrice de l'opinion, avait mis en garde les auditeurs : "S'il est choisi, il détruira le Parti républicain, ce sera la fin."

La bête noire de Donald Trump 

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John McCain et Donald Trump. © Politico.

Le blog FiveThirtyEight, hébergé par le New York Times, décrit John McCain "comme une épine dans le pied du locataire de la Maison-Blanche." De fait, le sénateur d'Arizona s'est distingué pendant la campagne électorale de 2016 par ses critiques contre Donald Trump. Notamment lors de la polémique sur les parents musulmans d'un soldat américain, tué en Irak en 2004. "Il est temps pour Donald Trump de donner l'exemple à notre pays et au Parti républicain. Bien que le parti l'ait nommé, cela ne lui donne pas le droit de diffamer les meilleurs d'entre nous", avait alors déclaré le sénateur républicain. Des critiques qui ont continué, même après l'accession du candidat républicain au poste de chef d'Etat. Le New York Times a même titré un de ses articles en février 2017, en le nommant "critique en chef de l'administration Trump".

Depuis l'élection du milliardaire comme président, John McCain joue le rôle de "secrétaire d'Etat de l'ombre", comme le qualifie Quartz. En siégeant à la commission des forces armées du Sénat, il a acquis une position qui lui a permis d'être au fait sur les questions de défense et de politique étrangère. Depuis l'arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, les relations entre les Etats-Unis et ses principaux alliés se sont quelques peu dégradées. Le vieux sénateur fait figure de diplomate sur la scène internationale en tentant de limiter le plus possible les dégâts laissés par le nouveau président américain et son secrétaire d'Etat, Rex Tillerson.

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John McCain, sénateur républicain de l'Etat d'Arizona. © Politico

Un exemple. En février 2017, McCain a dû rassurer le premier ministre australien, malmené par Trump lors d'un entretien téléphonique officiel, l'assurant de la solidité de l'alliance américano-australienne. Une autre fois, alors que le président américain remettait en question l'OTAN, il avait "rassuré les partenaires européens sur les 'valeurs universelles' de l'alliance Atlantique".

"McCain ne se contente pas de diverger avec Trump sur les questions de politiques étrangères, il a aussi appelé à la création d'une commission spéciale du Congrès pour enquêter sur les liens entre Trump et la Russie et a exhorté les journalistes à poursuivre leurs investigations sur le sujet", souligne le blog FiveThirthyEight.

Décrit comme un iconoclaste ou homme aigri, il a même été récemment qualifié de "bourru" par le locataire de la Maison-Blanche. Mais John McCain semble s'en moquer. Les relations entre les deux hommes n'ont jamais été au bon point. En 2014 déjà, Trump avait lancé au sujet du sénateur : "C'est parce qu'il a été capturé que c'est un héros de guerre. Moi j'aime les gens qui n'ont pas été capturés."

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Capture d'écran d'une vidéo montrant John McCain au Sénat en train de voter "non" pour l'abrogation partielle de l'Obamacare, vendredi 28 juillet.

Vendredi 28 juillet, il a une fois de plus attiré l'attention sur sa personne et attiré les foudres de son propre camp. Il a en effet voté contre l'abrogation partielle de l'Obamacare, le fameux système de santé, portant ainsi un coup dur au président américain. En apportant sa voix aux côtés des Démocrates, il a montré une fois de plus son indépendance d'esprit et sa fidélité envers ses convictions.

 

Aliénor Vinçotte