Avortement au Salvador : les dérives de la loi

C'est un pays qui ne tolère pas l'avortement et le punit de 20 à 30 ans de prison: le Salvador est sans doute l'État le plus sévère au monde en la matière.

Le Salvador est un pays où l'avortement est un crime, un pays qui enferme les femmes qui y ont recours. Nous sommes à la prison de San Salvador, où nous sommes autorisés à filmer un groupe de 17 femmes. Elles ont été condamnées par la justice pour avoir tué leur enfant. Elles racontent une autre histoire. Kenia Hernandez purge une peine de 30 ans. À 18 ans, elle est enceinte de huit mois quand elle ressent de vives douleurs.

"Si quelqu'un était venu m'aider, il ne serait pas mort"

Il est 23 heures, elle est seule à la maison, elle se lève pour chercher de l'aide, sans parvenir à ouvrir la porte de chez elle, à cause de la douleur. Par téléphone, elle appelle les secours, qui n'arrivent pas. "J'ai senti que le bébé arrivait, j'ai eu peur, le bébé ne réagissait pas. Je ne savais pas quoi faire. Je me suis levée avec lui, et j'ai coupé le cordon ombilical avec un couteau".  Transportée à l'hôpital, Kenia Hernandez perd connaissance. A son réveil, elle est accusée d'avoir tué l'enfant. "Si quelqu'un était venu m'aider, il ne serait pas mort", plaide-t-elle, les larmes aux yeux. À 18 ans aussi, cette jeune femme était enceinte de quatre mois, quand elle a commencé à saigner abondamment. Elle perd l'enfant à l'hôpital. "Un médecin légiste est venu et m'a dit que j'étais accusée d'homicide aggravé, raconte Glenda Xiomara Cruz Cardoza, on m'a expliqué que j'étais arrêtée pour avoir avorté, que c'est moi qui avais provoqué l'avortement, alors que ce n'était pas vrai." La justice conclut à un avortement, pas à une fausse couche. Au procès, elle a un avocat commis d'office. Verdict : 30 ans de prison.


Reportage d'Agnès Vahramian, Clément Voyer, Andreane Williams et Arielle Monange

Salvador : les pesticides hors la loi

Cette semaine, nous vous emmenons, au Salvador où depuis quatre ans le pays interdit l'utilisation du glyphosate, ainsi que 53 autres produits chimiques jugés dangereux pour l'homme.

Le Salvador, le plus petit État d'Amérique centrale, révolutionne son agriculture et défie les géants de l'agroalimentaire. Il a chassé les pesticides et supprimé les semences des multinationales telles que Monsanto. L'objectif du pays est de nourrir la population seulement avec du bio. Le riz, les haricots, les lentilles et le maïs sont donc cultivés sans produits chimiques.

Les anciens guérilleros apprennent alors aux paysans à se passer de pesticides. Aujourd'hui au pouvoir, ils ont interdit 70 pesticides, dont ceux de Monsanto. Manuel Abalinga, maraîcher, reconnait que sa production est moins rentable depuis qu'il cultive ses fruits avec des fertilisants naturels. Mais il espère qu'un jour, la qualité de sa production sera reconnue au détriment de sa quantité.

Le rêve d'une agriculture saine 

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Le gouvernement salvadorien aimerait que les agriculteurs bannissent définitivement les pesticides. C'est pourquoi, il leurs envoie gratuitement des sacs de graines de maïs, protégées des insectes grâce à une teinture rose. Pourtant, plusieurs paysans continuent d'utiliser les semences de Monsanto, qui rapporteraient deux fois plus d'argent et augmenteraient la taille des épis de maïs.

Aucun chiffre fiable n'existe sur le nombre d'exploitations converties au bio. Monsanto n'a pas souhaité s'exprimer sur l'interdiction de ces pesticides. Les guérilleros entament donc un long travail de conviction auprès des paysans, avant de parvenir, un jour peut-être, à une agriculture saine et autosuffisante.

Reportage d'Agnès Vahramian, Régis Massini, Andréane Williams et Niel Brandvold.