Dans une société américaine ravagée pas les opioïdes, Nick fête aujourd'hui ses 10 ans d'abstinence

Selon le Centre de contrôle et de préventions des maladies (CDC), plus d'un demi-million de personnes sont mortes d'overdose aux États-Unis entre 2000 et 2015. La dernière statistique officielle, menée en 2015, a chiffré à 52 404 overdoses fatales, dont 20 101 dues à des produits prescrits sur ordonnance, et 12 990 à des injections d'héroïne.

Du 17 au 23 septembre 2017, Donald Trump proclamait la semaine de sensibilisation aux opioïdes et à l'héroïne, dans le but de dénoncer ce qu'il décrit comme une "crise épidémique" sans précédent. Car ce phénomène est double. Il concerne à la fois les toxicomanes usagers de drogues dures dérivées du pavot (opium, héroïne, ou encore morphine), mais également les patients souffrant de sévères dépendances après avoir pris de façon répétée des médicaments à base d’opioïdes de synthèse, tels que des antidouleurs. Bien que l’épidémie est mondiale, elle touche sévèrement les États-Unis depuis plusieurs années, se hissant sur la première marche des causes de mortalité, devant les armes à feu et les accidents de la route.

Ancien consommateur régulier, Nick Yacoub célèbre aujourd'hui ses 10 ans d'abstinence. A travers son histoire, il se bat pour que la société prenne conscience de ce problème social, mais surtout qu'elle reconnaisse la dépendance aux drogues opioïdes comme une maladie et non comme une faiblesse honteuse.

Témoignage 

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Nick Yacoub n'a pas oublié son premier contact avec la drogue. C'était de la marijuana. Son premier joint, il l'a fumé à 10 ans, en cachette, avec son voisin de l'époque, dans la banlieue aisée de Washington. Victime d'harcèlement scolaire, le jeune garçon peine à trouver sa place. Alors, quand son camarade lui propose de sceller leur amitié autour d'un joint, Nick accepte. L'amitié et l'herbe. "Je me sentais mal et je voulais me sentir mieux. Comment pouvai-je identifier mes émotions et mon comportement à 10 ans ? Quand j'étais défoncé, je me sentais mieux. C'est tout ce qui m'importait à cet âge" se remémore Nick qui s'apprête à souffler ses trente-deux bougies dans un mois.

Au lycée, l'adolescent bascule vers une consommation quotidienne à base d'antidouleurs et de somnifères obtenus grâce à son entourage. Codéine, hydrogène, oxycodone ou bien opium. Nick ne fait pas la différence. "Mes amis avaient des prescriptions médicales pour lutter contre l'insomnie ou les douleurs. Ils me donnaient les gélules qu'ils ne voulaient pas prendre ou qu'ils avaient en trop. On s'échangeait des comprimés, c'était une sorte de petit commerce, confesse-t-il. Certains élèves volaient aussi les médicaments de leurs parents. A la fin, la substance n'avait plus aucune importance. Je voulais juste faire la fête et planer". 

Descente vers l'alcool et l'héroïne 

Nick devient populaire et se lance dans la vente de stupéfiants. Il tombe progressivement dans l'usage d'alcool et d'héroïne, classée dans la catégorie des opiacés car elle est produite à partir de l'opium. L'héroïne est l'opiacé le plus recherché car elle se procure sans ordonnance, et peut être injectée par intraveineuse, snifée ou fumée. Une fois absorbée, elle provoque de façon croissante une sensation d'apaisement, d'euphorie et enfin d'extase.

Nick est arrêté une première fois par la police à l'âge de 17 ans pour possession de drogues. Puis à une seconde reprise à 19 ans, pour vente de stupéfiants à un policier sous couverture. Et de nouveau à 21 ans. Il écope de 12 jours d'emprisonnement, où il rencontre un certain Mike, l'élément déclencheur de sa reconstruction. "Il m'a dit les mêmes choses que beaucoup de personnes auparavant, mais c'était la première fois que j'étais prêt à les entendre" reconnaît le trentenaire.

"L'addiction est une maladie"

Sous le joug d'une libération conditionnelle, Nick participe à un programme de 21 jours de traitement, adhère à un groupe de soutien et change ses fréquentations. "Durant les quatre premiers mois d'abstinence, j'ai dû lutter contre onze années de consommation de drogues, et faire le deuil de plusieurs amis qui se sont suicidés ou sont morts d'overdose. C'était une période très difficile de ma vie".

Depuis dix ans, le 22 novembre 2007 précisément, Nick a trouvé le chemin de la guérison. Il a repris ses études et a obtenu fin 2013 une licence en psychologie à l'université de Georges Mason en Virginie. Il est aujourd'hui spécialiste dans le rétablissement des troubles addictifs et vient en aide aux personnes dépendantes aux stupéfiants. "J'ai décidé de parler de ma guérison publiquement afin que la société comprenne que l'addiction est une maladie, qui peut toucher toutes les classes sociales. Cette maladie n'ira nul part tant qu'elle ne sera pas prise en change et acceptée par la société. Tout le monde peut guérir de cette accoutumance. Avec un peu d'aide, tout est possible".

Yelen Bonhomme-Allard