Entre juin 2017 et juin 2018, les ventes des livres portant sur l'angoisse ont augmenté de plus de 25 % chez Barnes & Noble. Photo : Pixabay

Les Américains apprennent à vaincre leurs angoisses dans les livres

Aux Etats-Unis, les adultes sont rongés par une anxiété qui ne cesse de s'amplifier. Pour soigner leurs angoisses, ils se ruent vers les rayons des librairies dédiés à la psychologie et au bien-être. Explications avec Lucie Greenblum, psychiatre dans le secteur de Washington D.C.

"Il semblerait que nous vivions au sein d'une nation anxieuse." Dans une étude récente, la chaîne de librairies Barnes & Noble indique que les ventes d'ouvrages portant sur l'angoisse et les moyens de la combattre ont augmenté de plus de 25 % en un an. Les Américains, stressés ? L'information n'est pas inédite. Selon l'Association de l'anxiété et de la dépression d'Amérique (ADAA), les troubles anxieux affectent 40 millions d'adultes. Ils forment ainsi la maladie mentale la plus répandue aux Etats-Unis.

Pour la psychiatre Lucie Greenblum, installée à côté de Washington D.C, la hausse des ventes reflète une insécurité croissante de la société. "Aux Etats-Unis, les conditions sont telles que, pour les jeunes et les plus âgés, rien n'est sûr, détaille-t-elle. Il y a le réchauffement climatique et les incendies, une confiance amoindrie envers la Cour suprême et le Président, le prix exhorbitant des frais de santé ou encore des universités... Ici, on doit tout acheter soi-même ou on a rien." La crise financière de 2008 aurait également laissé des séquelles. "Dans la classe moyenne, plus particulièrement, les parents ont compris que leurs enfants ne gagneraient pas plus qu'eux. Ce sera peut-être même le contraire", complète la psychiatre.

Des manuels pour s'en sortir soi-même

"La bonne nouvelle, c'est que les gens qui achètent des livres cherchent aussi des solutions à leur stress", réagit Liz Hardwell, directrice des ventes pour Barnes & Noble, dans un communiqué. En effet, parmi les titres à succès, la chaîne relève surtout des manuels pratiques tels que The anxiety & phobia worbook d'Edmun Bourne (non traduit en français). "Les gens veulent apprendre comment s'en sortir eux-mêmes, reconnaît la psychiatre Lucie Greenblum. Les thérapies cognitivo-comportementales (TTC) deviennent de plus en plus répandues." C'est sur ces dernières que les auteurs de ces guides s'appuient. Les TTC ne visent pas à modifier en profondeur une personnalité mais plutôt des émotions, des pensées ou des comportements qui gâchent le quotidien. Au fil des chapitres, les lecteurs tentent de guérir durablement leurs angoisses. Une solution bon marché pour ceux qui n'ont pas les moyens de consulter un spécialiste.

C.L

Aux Etats-Unis, la dépression ne cesse d'augmenter chez les 15-24 ans. ©Pixabay

Jacob Towery : « Les adolescents percoivent certaines épreuves comme la fin du monde »

Avec The Anti-depressant book, le psychiatre américain Jacob Towery s'adresse directement aux adolescents en souffrance. Son livre – à feuilleter tout en écoutant la version audio – regorge de conseils et d'exercices pour sortir de la dépression. Une problématique plus que jamais d'actualité aux Etats-Unis. Et pour cause, le suicide ne cesse d'augmenter chez les 15-24 ans.

Pourquoi le taux de suicide est-il si élevé chez les adolescents ?

Jacob Towery exerce à Palo Alto (Californie).

J.T : D'abord, les adolescents ont tendance à être plus impulsifs que les adultes. S'ils ont une idée en tête, ils peuvent agir rapidement, même si celle-ci est mortelle. J'aimerais que les Etats-Unis ne rendent pas l'accès si facile aux armes car les jeunes peuvent les utiliser en cas de crise. Les 15-24 ans ont moins d'expérience pour gérer leurs émotions et rebondir. Alors que les adultes ont du recul, les adolescents percoivent parfois certaines épreuves comme la « fin du monde ». En outre, trop peu d'entre eux ont accès aux thérapies notamment parce qu'il n'y a pas d'assurance maladie ici.

Que faire lorsqu'un adolescent sombre dans la dépression ?

J.T : Chacun peut décider s'il veut rester ou non en dépression. Mais, il est important de réagir rapidement. Pour certains, la lecture de mon livre peut suffir. Il permet de découvrir tout ce qui empêche de surmonter une dépression. J'explique ensuite comment changer sa façon de penser pour guérir et rester en bonne santé. Les adolescents, mais aussi les adultes, y apprennent des techniques pour s'en sortir rapidement. Pour les autres, ils auront sans doute besoin d'être évalués par un psychologue qualifié avant de s'engager dans une thérapie.

Quelles sont ces techniques qui permettent de guérir ?

J.T: Bien dormir, faire de l'exercice physique ou encore méditer quotidiennement. S'ils décident de faire un effort, les adolescents apprennent des habitudes saines. Ils acquièrent la capacité à gérer, de manière optimale, des situations difficiles.

Dans votre livre, vous évoquez aussi l'utilisation effrenée des smartphones. Quelles en sont les conséquences ?

J.T : A cause de cette utilisation constante, les adolescents ont une durée d'attention plus courte, dorment moins longtemps et ne supportent pas d'être moins stimulés. Ceux qui souffrent de dépression sont aussi plus vulnérables. Les plus petits événements peuvent déclencher des réactions émotionnelles intenses. [NDLR : dans son livre, le psychiatre explique combien il peut être douloureux pour un adolescent d'attendre la réponse à un SMS.]

Quels sont vos conseils pour bien utiliser les smartphones  ?

J.T : Utilisez-les moins souvent ! La nuit, il est important d'éteindre son téléphone, et tous les appareils électroniques en général. Vous pourrez alors dormir huit heures d'affilée. Il est aussi utile de faire une détox digitale. Personnellement, j'adore faire du camping pendant plusieurs jours, sans nouvelles technologies !

C.L

En bref

Comme dans une conversation, Jacob Towery s'adresse directement à son lecteur. Avec un vocabulaire simple, et quelques touches d'humour, le psychiatre pousse l'adolescent à transformer sa vie. Au fil des pages, il propose des tests, des conseils et des exercices pratiques. Ce guide se veut ainsi ludique, motivant et encourageant. Jacob Towery s'appuie sur les thérapies cognitivo-comportementales (TTC), fondées sur l'apprentissage de nouveaux comportements. Selon l'auteur, tout adolescent peut surmonter rapidement et efficacement sa dépression s'il apprend et met en place de nouvelles habitudes de vie. Le médecin s'adresse aussi aux parents, afin de les aider à gérer la dépression de leur enfant.

The Anti-depressant book (non traduit en français), Paperback, $9,95

Republican Presidential candidate Donald Trump reacts as he speaks at the 2015 FreedomFest in Las Vegas, Nevada July 11, 2015. REUTERS/L.E. Baskow/Las Vegas Sun - RTX1K10O

Le débat sur la santé mentale de Donald Trump repart de plus belle

Ils sont nombreux à être convaincus de l'instabilité psychique du président américain et à vouloir le démontrer. Mais tous les professionnels de santé sont tenus de garder leur avis sur ce sujet. D'autres, à l'inverse, pensent qu'il est leur devoir d'alerter l'opinion publique sur le danger que représente l'état de santé mentale de Donald Trump. 

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Le sénateur démocrate, Jack Reeds, et la sénatrice républicaine, Susan Collins

C'est une conversation privée entre deux sénateurs américains, dévoilée par le Washington Post mardi 25 juillet, qui remet le sujet sur la table. A l'issue d'une séance au Sénat américain, le Démocrate Jack Reeds et la Républicaine Susan Collins, évoquent leurs inquiétudes sur la santé mentale du président. Des propos cités dans le cadre d'une conversation privée, mais enregistrés par leur micro resté ouvert. "Je pense qu'il est fou, et je ne le dis pas à la légère, comme s'il était juste un peu cinglé", confie le sénateur démocrate à sa collègue. "Je suis inquiète", renchérit cette dernière.

Il faut dire que l'attitude du président américain suscite des questions, notamment ses tweets matinaux - souvent incompréhensibles, parfois même illustrés d'insultes - la façon systématique avec laquelle il résume chaque information en fake news et enfin son attitude décalée. Un comportement loin de l'image mesurée d'un chef d'Etat.

"Un narcissisme malveillant" 

Ce débat autour de la stabilité psychique de Donald Trump reste présent depuis les débuts de la campagne présidentielle. En décembre dernier, dans une lettre rendue publique par le Huffington Post, trois éminents universitaires en psychiatrie avaient décidé de prendre les devants pour alerter Barack Obama. Les Dr. Judith Herman, Nanette Gartrell et Dee Mosbacher se sont accordées pour dénoncer les symptômes du président : "la grandiloquence, l'impulsion, l'hypersensibilité aux affronts et aux critiques, et une apparente incapacité à distinguer fantasme et réalité".

Petit à petit, les spécialistes sortent de leur réserve. Ainsi, en avril dernier, des universitaires ont organisé à Yale une conférence avec pour sujet l'état mental du président des Etats-Unis. Ils en sont arrivés à la conclusion que le milliardaire serait atteint d'un "narcissisme malveillant", de troubles de la personnalité avec des tendances asociales et paranoïaques. "Je pense que c'est notre devoir d'alerter", confiait le psychiatre Jerrold Post, basé à Bethesda dans le Maryland, dans un article du New Yorker publié en mai dernier.  

La fameuse règle du "Goldwater" 

Au sein du milieu de la psychanalyse américaine, émettre des avis quant à la santé mentale du président suscite une controverse. Car, depuis 53 ans, les professionnels de la santé sont priés d'observer une règle informelle, dite "Goldwater". Celle-ci leur interdit de s'exprimer sur la santé mentale d'une personne publique, sans son consentement.

Il faut remonter à 1964 pour comprendre l'origine de cette règle. Le magazine Fact avait publié un numéro spécial intitulé "L'inconscient du candidat républicain" en référence à Barry Goldwater. Des centaines de psychanalystes avaient alors répondu à un sondage sur les aptitudes du candidat à l'élection présidentielle et ont déclaré qu'il n'était "psychologiquement pas apte" à assumer la fonction présidentielle. Un procès a été intenté contre le magazine, condamné pour diffamation. Conséquence : l'Association de psychiatrie américaine (A.P.A) élabore la règle de Goldwater en 1973 instaurant le respect du secret médical, et interdit ainsi à tous ses membres de réaliser le diagnostic d'une personne non examinée. Cette association américaine comprend plus de 37 000 membres depuis le XIXème siècle.

Vers la suppression du tabou ?

Pourtant, ces derniers mois, plusieurs professionnels de santé n'ont pas hésité à s'affranchir de cette règle informelle, pour étudier le sujet à titre personnel ou en petit comité. Au début du mois de juillet, l'association l'American Psychoanalytic Association a décidé qu'il était temps de trancher sur le sujet de la santé mentale de Donald Trump. L'organisation donne ainsi la parole à ses 3 500 membres, qui peuvent désormais commenter la santé mentale de personnalités politiques et apporter diverses analyses.

Toutefois, sur Twitter, l'Association de psychiatrie américaine a fait savoir que la "règle de Goldwater" reste maintenue.

Une pétition lancée en ligne pour la destitution de Trump 

Sur Change.org le psychothérapeute John Gartner, de l'université John Hopkins, dans l'Etat du Maryland, a lancé une pétition avec l'association 'Duty to Warn' pour en appeler à la destitution du président américain. En quatre mois, la requête accumule déjà plus de 58 000 signatures.

Aliénor Vinçotte