Au Canada, une route est devenue célèbre pour ses nombreux meurtres et disparitions non élucidés. La majorité des victimes sont des femmes indigènes dont la disparition souffre d'un manque de considération dans la région et dans le pays.
Le long d'une route sans fin des plaines du Canada, des femmes disparaissent mystérieusement. En 2001, Jennifer Catcheway a 18 ans et marche sur le bas côté en sortant d'une fête. Elle n'est jamais rentrée chez elle, son corps n'a jamais été retrouvé. La police croit à une fugue et tarde à lancer les recherches. Ses parents sont des indigènes. Ils sont choqués par l'indifférence générale qu'a suscité la disparition de leur fille, notamment en comparaison des femmes non indigènes disparues.
1182 indigènes assassinées ou disparues en trente ans
En trente ans, 1182 femmes indigènes ont été assassinées ou sont portées disparues. Les femmes de la réserve Dakota Tipi, par exemple, sont conscientes des dangers qui guettent les femmes indigènes notamment quand elles quittent ce territoire réservé aux Indiens, sans ressources et sans soutien. Dans l'environnement des jeunes femmes disparues, on trouve beaucoup de drogue, d'alcool et de prostitution. Le quartier de Northend, à Winnipeg, est habité à majorité par des indigènes. En 30 minutes, les volontaires d'une brigade de sécurité ramassent une quarantaine de seringues usagées. Ici, les femmes indigènes sont deux fois plus exposées à la violence que les autres Canadiennes. "Tant qu'elles souffrent en silence, tout le monde s'en fout, c'est ça le problème", explique l'un des bénévoles de la brigade.
Pendant des années, le pays est resté indifférent aux meurtres des femmes indigènes. Jusqu'à ce jour de 2014 où une adolescente est retrouvée morte après avoir été violée : des milliers de Canadiens descendent dans les rues, des blessures de 150 ans se réveillent. Pour la députée Nahanni Fontaine, les femmes indigènes ont été déconsidérées pendant la colonisation. "Les femmes indigènes étaient l'égal des hommes auparavant, elles donnaient la vie. Les colons venus d'Europe les ont considérées comme des prostituées à leur disposition", explique-t-elle. Le Canada s'est excusé pour la colonisation, la police a promis que chaque meurtre serait élucidé. Dans les réserves indiennes, de nombreuses familles attendent encore de connaître la destinée d'une mère, d'une femme, d'une fille ou d'une soeur.
Reportage d'Agnès Vahramian, Thomas Donzel, Courtney Vinopal et Arielle Monange