Alors que la saison des ouragans bat son plein, deux interrogations surgissent : qui baptise ces dépressions climatiques et pourquoi ? Retour sur une tradition très codifiée, datant de la moitié du XXe siècle.
Tout d'abord, les dépressions climatiques accompagnées de vents d'au moins 118 km/h sont désignées par le terme "ouragan", uniquement si elles se forment dans l'Atlantique-nord et le Pacifique nord-est. Si elles se créent dans le Pacifique nord-ouest, elles prennent alors le nom de "typhon", ou bien "cyclone tropical" dans l'Océan Indien. Concernant le bassin Atlantique nord, les ouragans portent des noms anglais, espagnols ou français en référence aux pays qui bordent l'océan.
L'intensité des vents est mesuré de 1 à 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson. En dessous de 118km/h, les dépressions climatiques sont catégorisées en tant que tempêtes tropicales.
Une tradition du XXe siècle
Les météorologues ont commencé à baptiser les ouragans en 1953. Avant cette date, ces catastrophes climatiques étaient nommées selon le Saint du jour où elles dévastées un pays. Par exemple, si un ouragan frappait le jour de la Saint Nicolas, il était par conséquent appelé l'ouragan Nicolas. Mais ce processus se heurtait à une limite : dans le cas - bien que très rare - où deux ouragans se formaient le même jour, sur deux années différentes, il était alors difficile de les distinguer.
Des patronymes recyclés tous les 6 ans
Depuis 1953, l'attribution des prénoms des ouragans est dirigée par l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Les appellations sont assignées par ordre alphabétique, suivant une rotation de six listes, chacune composée de 21 prénoms. La première tempête de l'année en cours hérite d'un patronyme commençant par la lettre A, la seconde par un nom en B, et ainsi de suite. Ainsi, en suivant cette logique, la liste de 2017 sera de nouveau utilisée en 2023.
Après Harvey, Irma, Jose et Katia, les prochaines dépressions s'appellent donc Lee et Maria. Née samedi, Lee ne représente aucune menace pour les Antilles. Cependant, Maria classée en catégorie 5, a frappé hier la Dominique et la Martinique - cette deuxième île a été relativement épargnée - avant de s'abattre aujourd'hui sur la Guadeloupe, privant 80 000 foyers d'électricité.
Liste des noms d’ouragans de 2017 à 2023 dans l’océan Atlantique.
Quelques exceptions
Entre 1954 et 2016, 84 noms ont été bannis de ce tableau. Lorsque la catastrophe naturelle a été particulièrement dévastatrice et/ou meurtrière, l'appellation n'est jamais réemployée afin d'éviter tout traumatisme supplémentaire. C'est notamment le cas de l'ouragan Katrina qui a ravagé la Nouvelle-Orléans (Louisiane) en 2005, tuant 1833 personnes. Harvey et Irma, survenus respectivement au Texas le 25 août et en Floride le 10 septembre, pourraient connaître le même sort.
En revanche, les lettres Q, U, X, Y et Z, trop pauvres en choix d'appellations, ont été exclues du catalogue des propositions.
Rare irrégularité
Dans l'éventualité d'une saison record qui comptabiliserait plus de 21 tempêtes - un fait exceptionnel - celles-ci seront alors nommées selon l'alphabet grec : Alpha, Bêta, Gamma, Delta etc.
La parité des prénoms...
Pendant 26 années, seuls des prénoms féminins étaient utilisés. Mais en 1979, les mouvements féministes se sont opposés à cette tradition, jugeant néfaste l'association des prénoms féminins à des éléments climatiques souvent meurtriers. Depuis cette date, les prénoms masculins ont donc été introduits, favorisant une alternance genrée des patronymes. Il faut également préciser que les années paires débutent par un prénom masculin, tandis que les années impaires commencent par un prénom féminin. Le 20 avril 2017, la tempête tropicale Arlene a lancé la valse des vents.
... source de préjugés
Selon une étude menée en 2014 par des chercheurs de l'université de l'Illinois, les ouragans portant un prénom féminin seraient plus mortels que ceux portant un prénom masculin. Les scientifiques ont répertorié tous les ouragans qui ont secoué les États-Unis entre 1950 et 2012, soit 94 événements climatiques, en excluant Katrina (1833 morts en 2005) et Audrey (416 morts en 1957). Après avoir additionné le nombre de victimes, ils ont comptabilisé 1473 morts lorsque le cyclone portait un nom féminin, alors que ceux portant un prénom masculin comptent 427 décès.
En conclusion de leur enquête, les chercheurs présument qu'à l'approche d'un ouragan portant le nom d'une femme, les habitants prendraient moins de mesures pour se protéger, le jugeant moins dangereux. Les préjugés homme/femme seraient donc la source d'un taux de mortalité plus ou moins important.
Yelen Bonhomme-Allard