États-Unis : les ravages de la dépendance aux antidouleurs

Aux États-Unis, les opioïdes, puissants antidouleurs, ont rendu dépendants des milliers de patients. Le pays prend enfin conscience de leur danger, mais ils ont déjà causé d'importants dégâts.

Elles dansent après être sorties de l'enfer. Ces femmes ont pris, pendant des années, des opioïdes, médicaments contre la douleur ou, plus précisément, une drogue prescrite sur ordonnance. Ces antidouleurs très puissants sont très contrôlés en France, réservés au traitement des cancers. Aux États-Unis, ils sont très faciles d'accès. L'alerte est venue d'un policier qui a pris et diffusé la photo d'un couple en overdose dans leur voiture avec un enfant sur la banquette arrière. Ils seront sauvés mais l'Amérique comprend alors que les médicaments empoisonnent la population.

Des cliniques antidouleur

Toutes ces femmes ont obtenu leurs antidouleurs sur ordonnance. Pourquoi les médecins en prescrivent-ils autant ? Le docteur Beckett a été témoin de "la crise des opioïdes". Selon lui, l'addiction peut se produire après seulement quelques prises. Il n'a prescrit que très peu de ces médicaments. Il explique qu'en 1999, le traitement de la douleur est devenu la norme. Des dizaines de cliniques antidouleurs ouvrent alors leurs portes. Les patients prenaient une ordonnance, payaient en liquide et partaient. L'épidémie touche des hommes, des femmes, plutôt blancs et issus de la classe moyenne. Un journaliste américain s'est infiltré dans une clinique ; les ordonnances sont dictées par les patients à une secrétaire. De 2011 à 2016, les morts par overdose ont augmenté de 33% aux USA. C'est la police antidrogue qui finira par fermer des dizaines d'établissements. Les grands laboratoires pharmaceutiques ont également mené des campagnes agressives pour vendre leurs médicaments. Certains sont aujourd'hui poursuivis pour avoir minimisé les risques de dépendance. Mais il aura fallu 20 ans pour que les États-Unis déclarent la guerre aux médicaments qui tuent.

Reportage d'Agnès Vahramian, Régis Massini, Thomas Donzel, Arielle Monange et Andreane Williams

De la ségrégation raciale à la mixité démographique, dans les rues de Washington D.C

Depuis les années 50, certains quartiers de Washington D.C subissent une transformation urbaine et démographique. La rue U, située dans le nord-ouest de la capitale, en est un exemple. 

Dans les années 1950, la ségrégation sévissait dans le pays, séparant les communautés blanche et noire. La capitale américaine était organisée de sorte que les Noirs habitaient en banlieue, notamment dans le nord-est de Washington D.C. U street était l'un des quartiers emblématiques de la communauté afro-américaine. Aujourd'hui, cette rue connaît une hétérogénéité démographique.

Un quartier mondain pour la communauté noire  

La famille Lee en est un des visages. Depuis 1945, quatre générations se sont succédées dans l'unique boutique de fleurs de la rue. Elle a connu les grands moments de l'Histoire pour l'égalité des droits des personnes noires, depuis la fin de la ségrégation en 1964 à l'élection du premier président noir des États-Unis en 2009, en passant par l'assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 1968.

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De gauche à droite : Kristie Lee, Chase Tyler, le neveu, et Stacie Lee Banks. Les deux soeurs sont les propriétaires du Lee's FlowerShop depuis 2012

"U street était une frontière. Les personnes noires n'avaient pas le droit de se rendre en centre-ville, habité par les Blancs, raconte Stacie Lee, 54 ans, petite-fille du premier propriétaire de la boutique 'Flower Shop'. Dans les années 1950, il y avait une sorte d'effervescence qui animait le quartier, où la classe moyenne fréquentait les restaurants, les clubs de jazz et les trois cinémas du quartier." U street était alors surnommé le Black Broadway.

En 1945, ses grands-parents, William P. Lee et Winnifred Lee, achètent le bâtiment où ils y établissent leur boutique de fleurs. Leur affaire prospère jusqu'en avril 1968, date de l'assassinat de Martin Luther King. Durant trois nuits, plusieurs magasins sont brûlés suite aux affrontements entre des policiers blancs et les activistes des droits des Noirs. "On a dû mettre un panneau sur la porte pour dire que c'était un magasin tenu par des Noirs...", se souvient Stacie, alors âgée de 5 ans. Après cet épisode, les activités commerciales de la rue ont été abandonnées sous les cendres.

1968, l'année du basculement 

À partir de cette date, les classes moyennes et riches s'exilent, laissant le quartier entre les mains des vendeurs de drogue et des prostituées. Jusqu'à la fin des années 1980, la violence règne sur le quartier, faisant de Washington D.C l'une des villes les plus dangereuses du pays.

Seuls trois établissements ont survécu au déclin : l'Industrial Bank, la banque de la communauté noire, installée en 1938, le Lee's FlowerShop et le Ben's Chili Bowl crée en 1958. Ce célèbre restaurant de hot-dogs, reconnaissable à sa devanture jaune, est un lieu prisé par les personnalités de la communauté afro-américaine. De Martin Luther King à Barack Obama en passant par Usher, ils ont tous goûté au fameux hot-dog à la sauce piquante.

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Virginia Ali est propriétaire du restaurant avec son mari (décédé en 2009) depuis sa création en 1958. Aujourd'hui âgée de 83 ans, elle raconte avec précision la fin de la ségrégation et le début de l'intégration des Noirs dans la société américaine. Un souvenir en particulier lui revient en mémoire : "Pendant les trois jours d'altercations entre les autorités et le peuple noir, nous étions le seul restaurant à rester ouvert jusqu'à 3 heures du matin, malgré le couvre-feu imposé (de 21h à 7h du matin). À l'époque, nous étions déjà très populaires."

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A droite, Virginia Ali, propriétaire du Ben's Chili Bowl depuis 1958

La période des années 1968 à 1988 ont été particulièrement difficiles pour le restaurant. La population du quartier ayant changée, les clients respectables ont laissé place aux délinquants. "Après la mort de Martin Luther King, le quartier est devenu un ghetto, un couloir pour la drogue. C'était très effrayant", décrit-elle.

L'arrivée du métro, un nouveau souffle pour le quartier

Stacie est formelle, ce qui a sauvé le voisinage c'est l'arrivée du transport en commun souterrain : "Avec l'installation du métro, les prix immobiliers se sont envolés, de nouvelles personnes issues de diverses communautés culturelles sont arrivées." Une information confirmée par Virginia : "En 1958, on ne voyait pas d'étrangers ici." Les nouveaux habitants ont permis une re-dynamisation des rues autour du U street en lançant de nouveaux commerces.

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Julian Everett, coiffeur-barbier pour hommes de la rue U street

Quelques mètres plus loin sur le même trottoir, Julian Everett est l'un de ces nouveaux visages. Il a ouvert son commerce en tant que coiffeur-barbier pour hommes, il y a un an. Lui-même remarque un changement démographique, encore perceptible aujourd'hui. "De plus de plus de personnes aisées, de tous horizons, investissent dans le quartier, ce qui est bon pour mon business. Je voulais, moi aussi, faire partie de cette nouvelle croissance économique."

Yelen Bonhomme-Allard & Aliénor Vinçotte

 

[Revue de presse] Et si un hallucinogène devenait un nouveau remède contre la dépression?

Le New York Times et le Washington Post du jeudi 1er Décembre 2016 parlent de deux études scientifiques  qui pourraient révolutionner les traitements pour les patients atteints de cancers, souffrant également de dépression et de crises d'angoisse.

"Une étude sur les hallucinogènes joue un nouveau rôle pour les drogues illégales," titre le New York Times.

Le Washington Post à l'inverse fait les gros titres sur un remède pour les crises d'angoisse, sans mentionner qu'il s'agit d'un remède concernant uniquement pour les patients atteints de cancers: "des psychédéliques ont été découvert pour réduire les crises d'angoisses," explique le quotidien.

Ce médicament en question est le psilocybin, un ingredient trouvé dans les champignons hallucinogènes, il a un effet immédiat sur la dépression et l'angoisse chez les patients atteints de cancers. "Le psilocybin était illégal aux Etats-Unis pendant plus de quarante ans," explique le New York Times, parce qu'il fait parti des drogues dites 'dures'.

Cette situation fait encore polémique aux Etats-Unis, certains chercheurs sont pour l'utilisation de cette drogue thérapeutique, "Il est temps de prendre les traitements psychédéliques en psychiatrie et oncology sérieusement," explique David Nutt, un psychiatre à Imperial College à Londres, lors d'une interview au Washington Post.

Bertha Madras, psychologue à l'école de médecine de Harvard explique au journal qu'il y a déjà une épidémie d'overdose dû à l'opioïde, un analgésique morphinique. Laurie McGinley, du Washington Post va encore plus loin, et a interviewé un autre chercheur qui se positionne contre l'utilisation du psilocybin.

Joshua Gordon, directeur de l'Institut National  pour la Santé Mentale  explique que ce genre de substances peuvent avoir des effets dramatiques sur le corps, "certaines personnes vont essayer de prendre ces médicaments sans l'avis d'un médecin pour voir si ça marche, et c'est vraiment quelque chose qu'il faut qu'on évite".

Le New York Times se positionne en faveur du psilocybin comme traitement médical. Le journaliste auteur de l'article a majoritairement reçu des témoignages de chercheurs voulant mettre ces méthodes en avant.

Le journal explique que 80% des patients atteints de cancers ont montré des signes d'encouragement, ils se sentaient moins déprimés et les crises d'angoisse avaient nettement diminuées.

Jan Hoffman, journaliste pour le New York Times présente le cas d'Octavian Mihai, 25 qui est en rémission du lymphome de Hodgkin, un cancer qui touche le système immunitaire. Lorsqu'il a commencé à être en rémission, il est devenu paranoique, pensant que son cancer allait revenir, il est tombé dans un dépression sévère et a essayé de régler ses problèmes avec l'alcool. Lorsqu'il a commencé le psilocybin, l'effet a été immédiat. Mihai dit que ce médicament lui a changé la vie "j'ai eu une épiphanie!" dit-il au journaliste. 

Des chercheurs aux Etats-Unis mais également en Europe font des recherches pour que le psilocybin ait également des effects positifs sur l'alcoolisme et l'addiction au tabac. Dr. Stephen Ross, le chef du service addiction et psychiatrie à New York University explique au New York Times, que les personnes atteintes de cancer, suivi par de sévères depressions et qui nécessitent de l'aide immédiatement, trouvent en le psilocybin le médicament idéal. "Encore plus pour ceux qui sont à haut risque de commettre un suicide".

 

Clémentine Boyer Duroselle

 

Le business du cannabis dans le Colorado par son premier avocat. Entretien.

Un homme s'est beaucoup battu pour l'adoption de l'amendement 64, il s'agit de Brian Vicente, avocat à Denver (Colorado). Nous nous sommes entretenus avec lui. Entretien de Brian Vicente réalisé avec Laurent Desbois.

Voici son interview :

 Jacques Cardoze: Qu'est ce qui est autorisé dans le Colorado et qu'est ce qu'il ne l'est pas ?

Brian Vicente: "De la même façon qu'il est interdit de boire de l'alcool dans la rue, il est interdit de consommer de la marijuana dans la rue ou au volant de sa voiture. Mais vous pouvez l'utiliser de façon privée chez vous ou lors de réception entre amis. Et je crois que c'est comme cela que cela doit être.

JC: Quel a été l'élément déterminant pour la mise en place de cette légalisation ?

Brian Vicente: "Pendant des années la consommation du cannabis a été interdite et des milliers de gens sont allés en prison pour en avoir consommé. Mais nous savons bien que tout cela ne fonctionne pas. La prohibition ne fonctionne pas ; tout comme cela n'avait pas fonctionné avec l'alcool il y a des dizaines d'années. Cela ne permet pas de réduire sa consommation. Nous avons travaillé avec les instances légales et nous avons convaincu l'état du Colorado de dire : "très bien nous allons devenir leader en matière de production de marijuana mais nous allons aussi la taxer" (autour de 25%) et utiliser cet argent pour soulager les dépenses publiques. Sans aucun doute, l'économie a été le facteur déterminant. Essayons de prendre l'argent des cartels de drogue, de ceux qui profitent de cette manne de façon illégale en inondant le marché noir et légalisons son achat à partir de 21 ans. Bien sûr l'effet immédiat est que tout cela va produire des millions de dollars de revenus pour l'Etat du Colorado.

JC : C'est la meilleure façon de lutter contre les cartels ?

Brian Vicente: "Bien sûr et les cartels ne voient pas cette évolution de façon positive."

J.C: Pensez-vous que d'autres Etats américains vont imiter le Colorado ?

Brian Vicente: "Oui je le pense vraiment. Le Colorado va servir d'exemple et de modèle pour le monde entier. Je pense que d'ici peu on devrait voir cinq ou six états aux USA aller en ce sens dans les prochaines années et même peut-être qu'il y aura une décision au niveau fédéral. (l'état de Washington s'est déjà prononcé en faveur d'une légalisation ) Nous pouvons produire et créer des emplois bien sur, mais comme je le disais précédemment c'est surtout la meilleure façon de lutter contre le trafic de drogue. D'autres pays font ce choix en nous observant : l'Uruguay et le Mexique par exemple.

 

Cannabis: le business de l'or vert au Colorado

Il y a un marché à prendre : celui de l'or vert ! Le Cannabis est légalisé dans le Colorado et beaucoup veulent en profiter. A partir du 1er Janvier 2014, n'importe quel touriste qui passera par cet état pourra se rendre dans un "dispensaire" et acheter du cannabis ou des produits à base de cannabis.

Reportage dans le Colorado, Jacques Cardoze, Laurent Desbois et Fabien Ortiz.

 

Selon l'amendement 64, voté et approuvé en 2011 par 55% des électeurs de cet état, le visiteur pourra consommer la marijuana sous toutes ses formes : cookies, boissons pétillantes, pommade pour rhumatismes, bonbons. Il pourra aussi acheter du cannabis au poids, l'avoir en sa possession. Il n'aura cependant pas l'autorisation de le fumer dans la rue. C'est à ce jour la seule restriction.