Aretha Franklin a vécu à Détroit à partir de l'âge de 7 ans. Photo : AP

Détroit rend hommage à la reine de la soul

Aretha Franklin s'est éteinte le 16 août, à l'âge de 76 ans. Si la chanteuse est née à Memphis, c'est dans une autre ville du Michigan qu'elle a grandi : Détroit. Depuis l'annonce de son décès, les habitants pleurent leur reine. L'équipe de France 2 Washington s'est rendue sur place.

C'est toute une ville qui est en deuil. A l'âge de 7 ans, Aretha Franklin s'est installée à Détroit avec sa famille. Elle y est toujours restée attachée. Jeudi 16 août, la chanteuse y a rendu son dernier souffle. Les réactions n'ont pas tardé à affluer, à commencer par un tweet du maire, Mike Duggan. Ce dernier a également a indiqué que de nombreux événements seraient organisés, sans plus de précisions.

"Aretha Franklin et son père, le révérend Franklin, ont tant compté pour notre ville, et ce pour des générations de Détroitiens. Alors qu'elle vient de s'éteindre, Aretha Franklin aura toujours la clé de nos cœurs."

Les institutions culturelles, elles aussi, rendent hommage à la chanteuse. Fox Theatre, la plus grande salle de spectacles de Détroit, a affiché un immense "R.E.S.P.E.C.T" sur sa devanture.

Au club de jazz Bert's, il y avait beaucoup de tristesse mais aussi de joie à célébrer la reine de la soul.

Mais l'endroit le plus emblématique de la ville reste sans doute New Bethel Baptist Church. C'est dans cette église que le père d'Aretha Franklin, révérend, officiait. C'est ici aussi que la diva a commencé à faire ses gammes, enfant, en chantant du gospel. Elle s'y rendait encore occasionnellement. L'église s'est tout naturellement transformée en lieu de recueillement. Des admirateurs ont déposé de nombreux présents - ballons, fleurs, peluches - devant l'entrée.

Une paroissienne raconte qu'elle a eu la chance de croiser la chanteuse dans le passé. Elle la décrit comme une "membre de l'église" et une "personne simple" qui s'impliquait beaucoup pour la communauté : "A Thanksgiving, elle nourrissait tout le monde dans le quartier. Elle faisait aussi des concerts gratuits." Si la reine de la soul s'en est allée, elle laisse une empreinte durable dans les rues de son enfance.

Agnès Vahramian avec Constance Longobardi

Au cours de sa carrière, Aretha Franklin a remporté 18 Grammy Awards. Photo : AFP/Archives

Aretha Franklin en cinq dates

Elle était la reine du soul. La chanteuse afro-américaine Aretha Franklin, 76 ans, est décédée le 16 août des suites d'un cancer du pancréas. Avec 18 Grammy Awards et plus de 75 millions de disques vendus, elle s'impose comme une légende de la musique. Retour sur cinq années qui ont marqué sa carrière.

2017 : Aretha Franklin arrête sa carrière

A Brand New Me sort dans les bacs en novembre. C'est le quarante-deuxième et dernier album d'Aretha Franklin. Il reprend les plus célèbres enregistrements de la chanteuse pour la maison de disques Atlantic Records – Respect, Think ou encore I Say A Little Prayer – avec de nouveaux arrangements de l'Orchestre philarmonique royal. Le même mois, le public aperçoit la reine du soul sur scène, pour la dernière fois, lors d'un gala de lutte contre le sida organisé par Elton John.

2009 : la reine du soul émeut Obama lors de son investiture

A l'occasion de l'investiture de Barack Obama, en janvier, Aretha Franklin fait sensation en interprétant My Country', Tis of TheeElle chante sur les marches du Capitole, devant 1,8 million de personnes. Tout au long de sa carrière, la diva a croisé la route de plusieurs présidents : elle a participé aux investitures de Jimmy Carter et Bill Clinton, avant de recevoir en 2005 la médaille de la Liberté, plus haute distinction américaine pour un civil, des mains de Georges W Bush.

1980 : la diva est au sommet de sa gloire

Aretha Franklin change une nouvelle fois de maison de disques. Elle rejoint Arista et enchaîne les albums à succès tels que Jump To It (1982) et Get It Right (1983). L'année 1985 marque une évolution musicale : la chanteuse interprète Sisters Are Doin'It for Themselves, un titre à la fois pop rock et soul, en duo avec Eurythmics.

1968 : la France acclame la chanteuse afro-américaine

Think fait son entrée dans les hit parades des radios françaises en juin. C'est la première fois qu'une chanson d'Aretha Franklin se hisse dans le classement. Quelques semaines avant, "Lady Soul" enregistre son premier album live, Aretha in Paris, dans la capitale française.

1956 : Aretha passe de la chorale de l'église au studio d'enregistrement

Le producteur John Hammond découvre Aretha Franklin alors qu'elle n'a que 14 ans. Jusqu'ici, la jeune fille chantait principalement dans la chorale de son père, révérend. La même année, Aretha signe son premier contrat avec Columbia Records. Si la chanteuse connaît quelques petits succès, son ascension commence véritablement à la fin des années 1960, avec le label Atlantic.

C.L

De la ségrégation raciale à la mixité démographique, dans les rues de Washington D.C

Depuis les années 50, certains quartiers de Washington D.C subissent une transformation urbaine et démographique. La rue U, située dans le nord-ouest de la capitale, en est un exemple. 

Dans les années 1950, la ségrégation sévissait dans le pays, séparant les communautés blanche et noire. La capitale américaine était organisée de sorte que les Noirs habitaient en banlieue, notamment dans le nord-est de Washington D.C. U street était l'un des quartiers emblématiques de la communauté afro-américaine. Aujourd'hui, cette rue connaît une hétérogénéité démographique.

Un quartier mondain pour la communauté noire  

La famille Lee en est un des visages. Depuis 1945, quatre générations se sont succédées dans l'unique boutique de fleurs de la rue. Elle a connu les grands moments de l'Histoire pour l'égalité des droits des personnes noires, depuis la fin de la ségrégation en 1964 à l'élection du premier président noir des États-Unis en 2009, en passant par l'assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 1968.

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De gauche à droite : Kristie Lee, Chase Tyler, le neveu, et Stacie Lee Banks. Les deux soeurs sont les propriétaires du Lee's FlowerShop depuis 2012

"U street était une frontière. Les personnes noires n'avaient pas le droit de se rendre en centre-ville, habité par les Blancs, raconte Stacie Lee, 54 ans, petite-fille du premier propriétaire de la boutique 'Flower Shop'. Dans les années 1950, il y avait une sorte d'effervescence qui animait le quartier, où la classe moyenne fréquentait les restaurants, les clubs de jazz et les trois cinémas du quartier." U street était alors surnommé le Black Broadway.

En 1945, ses grands-parents, William P. Lee et Winnifred Lee, achètent le bâtiment où ils y établissent leur boutique de fleurs. Leur affaire prospère jusqu'en avril 1968, date de l'assassinat de Martin Luther King. Durant trois nuits, plusieurs magasins sont brûlés suite aux affrontements entre des policiers blancs et les activistes des droits des Noirs. "On a dû mettre un panneau sur la porte pour dire que c'était un magasin tenu par des Noirs...", se souvient Stacie, alors âgée de 5 ans. Après cet épisode, les activités commerciales de la rue ont été abandonnées sous les cendres.

1968, l'année du basculement 

À partir de cette date, les classes moyennes et riches s'exilent, laissant le quartier entre les mains des vendeurs de drogue et des prostituées. Jusqu'à la fin des années 1980, la violence règne sur le quartier, faisant de Washington D.C l'une des villes les plus dangereuses du pays.

Seuls trois établissements ont survécu au déclin : l'Industrial Bank, la banque de la communauté noire, installée en 1938, le Lee's FlowerShop et le Ben's Chili Bowl crée en 1958. Ce célèbre restaurant de hot-dogs, reconnaissable à sa devanture jaune, est un lieu prisé par les personnalités de la communauté afro-américaine. De Martin Luther King à Barack Obama en passant par Usher, ils ont tous goûté au fameux hot-dog à la sauce piquante.

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Virginia Ali est propriétaire du restaurant avec son mari (décédé en 2009) depuis sa création en 1958. Aujourd'hui âgée de 83 ans, elle raconte avec précision la fin de la ségrégation et le début de l'intégration des Noirs dans la société américaine. Un souvenir en particulier lui revient en mémoire : "Pendant les trois jours d'altercations entre les autorités et le peuple noir, nous étions le seul restaurant à rester ouvert jusqu'à 3 heures du matin, malgré le couvre-feu imposé (de 21h à 7h du matin). À l'époque, nous étions déjà très populaires."

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A droite, Virginia Ali, propriétaire du Ben's Chili Bowl depuis 1958

La période des années 1968 à 1988 ont été particulièrement difficiles pour le restaurant. La population du quartier ayant changée, les clients respectables ont laissé place aux délinquants. "Après la mort de Martin Luther King, le quartier est devenu un ghetto, un couloir pour la drogue. C'était très effrayant", décrit-elle.

L'arrivée du métro, un nouveau souffle pour le quartier

Stacie est formelle, ce qui a sauvé le voisinage c'est l'arrivée du transport en commun souterrain : "Avec l'installation du métro, les prix immobiliers se sont envolés, de nouvelles personnes issues de diverses communautés culturelles sont arrivées." Une information confirmée par Virginia : "En 1958, on ne voyait pas d'étrangers ici." Les nouveaux habitants ont permis une re-dynamisation des rues autour du U street en lançant de nouveaux commerces.

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Julian Everett, coiffeur-barbier pour hommes de la rue U street

Quelques mètres plus loin sur le même trottoir, Julian Everett est l'un de ces nouveaux visages. Il a ouvert son commerce en tant que coiffeur-barbier pour hommes, il y a un an. Lui-même remarque un changement démographique, encore perceptible aujourd'hui. "De plus de plus de personnes aisées, de tous horizons, investissent dans le quartier, ce qui est bon pour mon business. Je voulais, moi aussi, faire partie de cette nouvelle croissance économique."

Yelen Bonhomme-Allard & Aliénor Vinçotte