À la frontière USA/Mexique, des milices se forment pour arrêter les migrants.

A la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, des milices prêtes à en découdre avec les migrants

Une nouvelle caravane de 200 migrants est partie, dimanche, du Honduras, en direction de la frontière mexicaine. En renfort de 8 000 soldats déjà sur place, des civils Américains ont prévu de constituer des milices.

De son promontoire, il observe la vallée mexicaine en contrebas. Robert Crooks dit être là tous les jours à surveiller ce mur qui marque la frontière entre les États-Unis et le Mexique. La ville de Tijuana (Mexique), où est arrivée la caravane de migrants, est à 50 km d'ici. Il est armé, porte un gilet pare-balles, possède des lunettes de vision nocturne et sa voiture pourrait faire croire à un véhicule de police. Pourtant, Robert Crooks n'est qu'un volontaire, un retraité qui patrouille de son propre chef. Cet ancien commercial dans l'industrie de pêche n'a aucun pouvoir légal mais s'il voit un migrant passer la frontière, il alerte la police et tente de dissuader le clandestin.

Des volontaires aux allures de militaires

En chemin, il croise le véhicule de la Border Patrol, la police aux frontières. L'officier ne peut pas empêcher le retraité de patrouiller ni d'être armé, car c'est son droit. En revanche, les autorités américaines ont publiquement dit que les volontaires les gênaient dans leur travail. Plus loin, Robert Crooks retrouve un autre "patriote", comme ils s'appellent entre eux. Pour lui, les familles et les hommes en quête de travail de la caravane de Tijuana sont à mettre dans le même sac que les narcotrafiquants.

La frontière entre les États-Unis et le Mexique court sur plus de 3 000 km. Sur certains tronçons, il y a bien un mur mais ce n'est pas le cas partout, comme à certains endroits au Texas ou en Arizona. Là-bas aussi, des citoyens surveillent assidûment la frontière. Cette milice répond au garde à vous et se donnent des grades. Ces volontaires ressemblent à des militaires. Les autorités locales du shérif voient leurs activités d'un très mauvais œil mais les chefs de la milice rétorquent qu'ils n'enfreignent pas la loi. Les miliciens font d'intenses entraînements au tir, même s'ils n'ont aucun mandat pour arrêter des clandestins, et encore moins tirer sur eux.

Un reportage de Loïc de la Mornais, Thomas Donzel et Charlotte Mattout. 

Une caravane de migrants à la frontière des États-Unis

Plusieurs centaines de migrants centraméricains sont arrivés ce week-end à Tijuana au Mexique, à la frontière avec les États-Unis. Leur entrée ou non sur le sol américain s’annonce comme un test inédit pour la politique anti-immigration du président Trump.

Au mois de mars, plus de 1200 migrants originaires d’Amérique centrale sont partis vers le nord depuis la frontière du Mexique avec le Guatemala. Ce weekend, au moins 150 d’entre eux (les organisations ont des difficultés à établir des chiffres précis) se sont rassemblés à Tijuana, près de la frontière américaine, afin de demander aux autorités américaines chargées de l'immigration.

Mario Quintanillo, 30 ans, et Cecilia Sarai Carillo, 23 ans, originaire du Salvador, étaient parmi les quatre couples qui se sont mariés à la plage de Tijuana dimanche matin, en compagnie de leur fille de 2 ans, Daryeline Ariana. Ils sont décidés à demander l'asile à la frontière américaine, mais sont conscients qu'ils risquent d’être séparés pendant le processus, peut-être pendant plusieurs mois. "J'y vais avec le sentiment que cela en vaudra la peine", a déclaré M. Quintanillo. "Au nom de Dieu, tout est possible".

"Nous ne sommes pas des terroristes"

L’ONG Peuple Sans Frontières, qui organise ce type de caravane depuis 2010, permet notamment aux migrants de rester groupés afin de se prémunir de tous les dangers qui jalonnent leur chemin, des cartels de drogue qui les kidnappent ou les tuent ou de certaines autorités publiques qui les rançonnent.

"Nous voulons dire au président des États-Unis que nous ne sommes pas des criminels, nous ne sommes pas des terroristes, qu'il nous donne la chance de vivre sans peur ", a déclaré l'une des organisatrices de la caravane, Irineo Mujica.

Heather Cronk, co-directrice de la campagne "Showing Up for Racial Justice", l'un des groupes de défense américains qui ont aidé la caravane et ses participants, s'est rendue à Tijuana pour soutenir les migrants dans cette dernière ligne droite. "Pour nous, tout cela concerne notre identité nationale", a-t-elle expliqué, soulignant que les États-Unis se sont construits par l’immigration et l’accueil.

Un enjeu politique pour Donald Trump

L’arrivée de cette caravane de migrants s’inscrit dans un contexte politique tendu pour Donald Trump, qui a fait de la lutte contre l’immigration massive un élément central de sa campagne électorale et de sa politique d’immigration depuis son entrée à la Maison blanche.

En effet, après plusieurs défaites lors d’élections intermédiaires à l’automne dernier où des candidats démocrates ont vaincu des élus républicains, le socle électoral de Donald Trump est fragilisé. Pour les cadres du parti républicain, dont la majorité au Congrès est fortement menacée, il s’agit désormais mobiliser la base du parti.

Le président américain cherche donc à garder l'immigration au cœur du débat des élections de mi-mandat de novembre prochain. Dans un tweet la semaine dernière, Donald Trump a d’ailleurs juré "de ne pas laisser ces grandes caravanes de personnes dans notre pays". Il est également revenu à plusieurs reprises sur les questions d'immigration lors d'un rassemblement dans le Michigan samedi soir. "Si nous n'obtenons pas de sécurité frontalière, nous ferons fermer le pays", a-t-il déclaré.

Pour avoir droit à l'asile, les demandeurs comme Mario et Cecilia devront faire face à une procédure complexe. Ils doivent notamment prouver qu'ils ont été persécutés ou craignent d'être persécutés en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe particulier.

Lundi soir, quatre enfants, trois femmes – les mères des enfants – et un jeune homme de 18 ans ont été autorisés à franchir la frontière et commencer les procédures de demande d’asile.

"D’un côté je suis très heureuse que cela commence enfin, que peut-être ils commenceront à nous faire entrer petit à petit", a déclaré Orfa Marin, une Hondurienne qui a pris la route avec ses trois enfants et son mari et qui espère pouvoir entrer aux États-Unis. "Mais de l’autre côté, nous devons attendre ici jusqu’à ce que ce soit notre tour. Cela pourra prendre des jours."

Jules Béraud