A Saint-Pétersbourg les hivers sont froids et interminables. La « Capitale du Nord » est réputée pour son climat capricieux. Alors dès l’arrivée du printemps, la vie change complètement de rythme. Tout se passe dehors. Et si les moscovites sont pressés quelque soit la période de l’année, les pétersbourgeois prennent le temps. Le temps de flâner au hasard des canaux, des ruelles, ou… des toits !
Loin des circuits touristiques classiques, quelques initiés partent en quête des lieux les plus insolites et les plus secrets de Saint-Pétersbourg en passant par les greniers et autres escaliers inaccessibles à tout un chacun.
Roman Vezenin est né à Saint-Pétersbourg. Cet amoureux d’histoire et d’architecture est un guide touristique peu banal. Son domaine : le tourisme alternatif. Roman connaît mieux que quiconque les entrées cachées, les échelles, les trappes, les escaliers, et bien sûr, les concierges d’une multitude d’immeubles. Ni les « cours-puits » du quartier de Dostoïevski ni les hôtels particuliers et appartements de l’aristocratie russe déchue n'ont de secret pour Roman. Il partage sa passion avec les locaux et les touristes qui souhaitent découvrir Saint-Pétersbourg autrement.
Pour les plus téméraires, Roman revêt sa casquette de "roofer" et organise des balades sur les toits. Il faut être prêt à grimper, à braver les toiles d’araignées et se plier en deux dans les greniers aux plafonds trop bas. En contrepartie, c’est la possibilité de voir Saint-Pétersbourg comme on ne l’a jamais vue. De là-haut, les quais de la Fontanka, les palais et autres merveilleuses façades de la ville acquièrent une dimension encore plus féérique.
Interview
France 2 Moscou : Tu te souviens de ta première balade sur les toits ?
Roman Vezenin : Bien sûr. J’ai commencé en 2010. Un jour, des amis m’ont proposé de les suivre pour aller voir la Cathédrale Saint Isaac de là-haut. Je m’en souviens comme d’un moment très émouvant.
On y accède facilement ?
RV : Oui et non. Il faut avoir les clés des serrures et cadenas et connaître les codes des portes d’entrée. Et au fil des années, il y a de moins en moins de greniers accessibles. Il faut avant tout entretenir de bonnes relations avec les habitants des immeubles. On décide ensemble des portions de toits auxquelles on aura accès.
Qui participe à tes balades ?
RV : Tous ceux qui en ont envie ! Récemment, on m’a demandé d’organiser une fête d’anniversaire sur les toits pour cinq enfants de 10 à 13 ans. Plus généralement, je monte avec des touristes qui souhaitent découvrir une autre facette de Saint-Pétersbourg. Quelque soit le visiteur, la règle est toujours la même : être accompagné d’un guide expérimenté et au courant de tous les secrets de l’accès aux escaliers fermés et aux greniers qui mènent aux toits. D’ailleurs, on peut parfois faire des rencontres inattendues.
Quel genre de rencontre ?
RV : Je m’en souviendrai toute ma vie. C’était un soir d’automne, il faisait déjà sombre. Nous sommes montés avec un ami jusqu’au grenier d’un immeuble qui nous intriguait. Dans un coin du grenier, on tombe né à né avec un grand-père assis dans un vieux fauteuil, derrière une petite table de bois. Une tasse de thé à la main, le grand-père vêtu d'une marinière, lit un livre. Une petite lampe se balance doucement au dessus de la table et jette des ombres mystérieuses sur un mur de briques décrépit. En nous voyant arriver, le grand-père se contente de nous sourire sans bouger de son fauteuil. Nous faisons connaissance avec Andrey Ivanovitch et discutons une bonne heure avant de lui serrer la main pour sortir sur le toit, prendre quelques photos et redescendre par le grenier d’un immeuble voisin.
Vous avez revu Andrey Ivanovitch ?
RV : Justement, deux semaines plus tard, au hasard des rues, nous nous retrouvons en bas de l’immeuble du grand-père et décidons de lui rendre visite. En arrivant au grenier… plus personne. C’était comme s’il n’y avait jamais eu aucune trace de vie dans le coin de grenier d’Andrey Ivanovitch. Nous sommes redescendus dans la rue avec le sentiment d’avoir rencontré l’Esprit de Saint-Pétersbourg !
Par Alexandra Dalsbaek
Photographies : Roman Vezenin (plus de photos ici : vezenin.livejournal.com et instagram.com/r.vezenin)