Souvent les journalistes se disent qu'une information qui passe inaperçue aurait peut être fait un bon début pour un scénario de fiction. Ici, c'est autre chose. L'affaire Snowden pourrait quasiment telle quelle être mise en image ; à chaque jour son rebondissement, ses mystères, ses manipulations. Alors suivez nous dans ce petit récit des derniers évènements ...
Jour 1 : dimanche 23 juin.
Annoncé comme le Messie, Edouard Snowden se pose en fin d'après-midi à Chérémetievo avec le vol d'Aéroflot en provenance de Hong-Kong, plusieurs centaines de caméras, d'objectifs, de micros se pressent dans le hall F. La Mercedès de l'ambassadeur d'Equateur joue les vedettes sud-américaines. On voit le diplomate entrer, sortir, ré-entrer, ressortir de la zone de transit ; il a l'air important de l'homme qui est monté sur le Mont Sinaï et Lui a parlé... Il ne dira rien à la presse mais le fera avec le sourire, c'est déjà ça... A ce moment encore Snowden est comme le Messie (pas le joueur de foot, le vrai), personne ne le voit mais tout le monde croit en lui. C'est le premier soir.
Jour 2 : lundi 24 juin : Une bonne cinquantaine de collègue a passé la nuit sur la rampe de l'aéroport ; le directeur se dit que vraiment il faudrait repeindre la façade. Pour faire diversion, le FSB a demandé à l'un de ses chauffeurs de quitter précipitement l'aéroport en faisant crisser les pneus de sa berline noire. Objectif atteint : deux bonnes grappes de caméras suivent le véhicule aux plaques sombres. Puis se font distancer. Démarre alors la rumeur, Snowden n'est plus à l'aéroport ; il est sous le contrôle du FSB. D'autant que Barack Obama a durci le ton et ordonné que soit annulé le passeport de Snowden. Du coup, il ne prend pas le vol de 14 h 05 vers la Havane sur lequel il avait réservé le siège 17A. En catastrophe, 32 journalistes avaient acheté plein tarif des billets pour Cuba. Ils embarquent. Pour rien... Le seul qui se marre est le trésorier d'Aéroflot, son avion affiche un taux de remplissage parfait. Snowden n'est plus le messie, il est l'otage d'un jeu diplomatique compliqué entre Moscou et Washington
Jour 3 : mardi 25 juin : Vladimir Poutine fait dans la métaphore animalière pour justifier le fait qu'il n'extradera pas Snowden : "ce serait comme tondre un cochon, beaucoup de cris pour peu de fourrure" . Mes confrères russes me soufflent qu'il s'agit d'un proverbe ukrainien du 15° siècle. Des confrères malins ont loué des chambres dans l'hôtel de la zone internationale de transit en espérant voir Snowden. C'est raté. La seule chose qu'ils apprennent c'est qu'il faut rayer l'hotel "Capsule" - c'est son nom - de tous les guides touristiques. John Kerry se dit déçu par la réponse du Kremlin. En langage diplomatique, cela veut dire que l'on est à deux doigts de se balancer des missiles à la gueule... Finalement rien ne se passe. Snowden n'est plus le Messie, c'est Sidonie, le sympathique cochon de mon enfance.
Jour 4 : mercredi 26 juin : Aucune trace de vie de Snowden aujourd'hui. Pas d'intervention marquante des grands de ce monde. On entre dans un temps différent. La seule information qui compte vient du département d'état américain. Son passeport annulé, Snowden ne peut théoriquement plus prendre aucun avion. Il est condamné à errer sans fin dans la zone de transit de Cheremetievo. Ses avocats cherchent la sortie de secours. Snowden c'est Tom Hanks dans "Le Terminal" le film de Steven Spielberg.