Ce mercredi 11 octobre, les députés européens ont discuté des évaluations scientifiques menées sur la dangerosité potentielle du glyphosate, suite aux « Monsanto papers ». L’audition publique très attendue, s’est déroulée en présence d’experts scientifiques mais sans le géant américain, pourtant invité à s’expliquer.
L’audition, organisée par les commissions de l’Environnement et de l’Agriculture, intervient suite à la fuite dans la presse de documents internes à Monsanto. Ces documents accusent le géant américain d’avoir influencé les études concluant au caractère non-cancérigène du glyphosate, la substance active présente dans des pesticides, dont le Roundup de Monsanto, largement utilisé par les agriculteurs.
Alors que l’autorisation de l’usage du glyphosate dans l’UE expire à la fin de l’année, la Commission européenne avait proposé de la renouveler pour dix ans après avoir reçu le rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Un rapport soupçonné d’avoir été influencé par le géant de l’agrochimie. Le renouvellement de la licence du glyphosate sera soumis au vote des experts désignés par les États de l’UE le 25 octobre prochain.
Lors de cette audition publique, scientifiques, agences de contrôle, ainsi que des représentants de Monsanto étaient invités à s’exprimer. Le géant américain a néanmoins refusé l’invitation, estimant que le Parlement européen n’était pas le lieu pour tenir ce débat. « Je suis indigné que personne de l’industrie ne soit là » a regretté l’eurodéputé CD&V Tom Vandenkendelaere (Belgique). En réponse, les dirigeants des groupes politiques au Parlement ont interdit aux lobbyistes de Monsanto, l’accès à l’institution.
Une audition sous tension
L’audition a notamment été marquée par l’intervention du parlementaire socialiste Marc Tarabella (Belgique), accusant un représentant de l’Efsa d’avoir touché « dix-huit mille euros » de Monsanto, pour réaliser des évaluations favorables sur son produit, sous les applaudissements de l’audience. Les représentants de l’Agence européenne de la sécurité des aliments (Efsa) et des produits chimiques (ECHA), ont quant à eux réaffirmé leurs conclusions sur le caractère non-cancérigène du glyphosate.
Selon l’eurodéputé CD&V Tom Vandenkendelaere (Belgique), les différentes interventions de scientifiques ont permis de « mieux comprendre les divergences d’opinions » entre les différentes institutions, certaines soulignant des risques pour la santé et d’autres concluant au caractère non-cancérigène du glyphosate. L’eurodéputée libérale belge Frédérique Ries a quant à elle qualifié l’audition de « dialogue de sourd ».
Des eurodéputés demandent une commission d’enquête sur Monsanto
Dans un document commun publié suite à l’audition, les eurodéputés socialistes Eric Andrieu (France) et Marc Tarabella (Belgique) ont demandé la création d’une commission d’enquête. « Avec un pouvoir d’investigation plus vaste », cette commission aura pour but de « lever les nombreuses zones d’ombre qui subsistent encore sur les responsabilités de l’entreprise Monsanto, des agences de contrôle ou encore de certaines institutions » indique le communiqué, ajoutant que « la confiance aveugle de la Commission européenne et de son président dans l’EFSA et l’ECHA a de quoi interroger ». La députée des Verts Michèle Rivasi (France) avait déjà fait une proposition similaire.
De son côté, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) travaille sur un nouveau rapport, qu’elle devrait publier à la fin de l’année. L’institution y précisera ses recommandations pour l’usage du glyphosate, qu’elle considère comme étant non-cancérigène mais toxique.
Pascal Verdeau et Pauline Coiffard