Simone Veil est décédée ce vendredi 30 juin à quatre-vingt-neuf ans. Déportée à Auschwitz en 1944 avec sa sœur et sa mère, elle devient la présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel direct en 1979. Antoinette Spaak, alors députée au Parlement européen, nous raconte ses débuts à Bruxelles.
Comment avez-vous connu Simone Veil ?
« C’était à Luxembourg en 1979, sur le trottoir en face de notre hôtel commun. Je venais d’être élue eurodéputée et j’étais persuadée qu’elle serait choisie pour présider le Parlement européen. Elle, paraissait moins confiante lors de notre premier échange. Mais j’ai vu dans ses yeux qu’elle l’espérait de tout cœur. Le jour de son élection, tout le Parlement s’est levé pour l’acclamer. On a crié de plaisir pendant dix minutes. Elle a incarné le Parlement européen pendant deux ans et demi de manière magistrale. »
Quelle femme politique était-elle ?
« En tant que parlementaire européenne, elle n’a jamais douté un instant du fait que l’Europe était un miracle. Elle était une européenne convaincue dès la sortie du camp de concentration et n’hésitait pas à le revendiquer. En tant que personne, elle possédait une joie de vivre incroyable. Je pense que cette personnalité l’a aidé à surmonter cette épreuve. Très à l’écoute, elle pouvait aussi être très autoritaire. Je garde comme souvenir de sa présidence qu’elle était unanimement respectée, par les femmes comme par les hommes. »
Quelle vision de l’Europe avait-elle ?
« Elle était pour une Europe forte, avec des institutions fortes, un Parlement qui fonctionne et une Cour de Justice efficace. Pour elle, la force de l’Union était de poursuivre l’intérêt général avant les intérêts particuliers des États. Elle s’agaçait des critiques grandissantes vis-vis de l’Europe au début des années 1990. Selon elle, on ne se rendait pas suffisamment compte de la chance historique que représentait la construction européenne.»
Nourrissait-elle des inquiétudes particulières à l’égard du projet européen ?
« Elle s’inquiétait de la lenteur du fonctionnement des institutions et de l’augmentation du nombre d’États-membres qui d’après elle, ne favorisait pas des prises de décision rapides. Elle craignait également qu’un affaiblissement de la Commission ne conduise à une reprise des nationalismes en Europe.»
Quel héritage laisse-t-elle à l’Union Européenne ?
« La grande contribution de Simone Veil est d’avoir réussi à asseoir le Parlement européens aux côtés des autres institutions déjà existantes. Elle a su lui donner sa taille. Elle reste ainsi admirée à Bruxelles pour avoir non seulement incarné son histoire douloureuse, mais aussi pour avoir œuvré à son renforcement. Elle n’a cessé de défendre les valeurs démocratiques de l’Europe et de porter son histoire à travers le monde.»