La viande, encore au cœur d’un scandale sanitaire en Europe

Depuis une semaine, Veviba, géant de la viande belge, est au cœur d’un nouveau scandale sanitaire. En cause, des produits périmés, des dates de congélation falsifiées, et l’utilisation de déchets de viande interdite à la consommation humaine.

Les inspecteurs des services sanitaires n’ont pas dû être déçus par ce qu’ils ont trouvé, lors d’une perquisition, fin février sur le site de l’entreprise Veviba, à Bastogne. Il s’agit d’un des plus importants abattoirs wallons et d’une importante unité de commercialisation de viande bovine. Sur les 2000 palettes en circulation dans l’entreprise ce jour-là, 200 ont été inspectées. Et le résultat fut édifiant. Suite à l’inspection, 133 palettes ont été considérées comme non-conformes aux normes sanitaires de l’AFSCA (agence de sécurité alimentaire belge). La mesure eut un effet immédiat. Accusé de fraude, l’entreprise qui représente 30% du marché belge de la viande, a perdu son agrément. Delhaize et Colruyt, deux des principales entreprises de supermarchés en Belgique ont immédiatement retiré leurs produits issus de la firme Veviba.

Les infractions constatées sont relatives à des falsifications des renseignements sur la date de congélation de la viande, et à l’utilisation de déchets de viande de « catégorie 3 », interdits à la consommation humaine, retrouvés dans la viande hachée. En outre, la société aurait vendu de la viande classique pour de la viande bio. Selon des propos du ministre de la Justice Koen Geens, relayés par la RTBF, un procès verbal a été établi montrant « des soupçons de falsification de la traçabilité interne chez Veviba en vue d’introduire de la viande non-biologique dans la filière bio ». L’objectif de la manœuvre selon lui, faire plus de profits : « La viande biologique, considérablement plus chère, permettait à Veviba d’augmenter sa marge bénéficiaire ».

Première alerte en 2016
Le problème ne date pas d’hier. Le scandale actuel démarre d’une plainte déposée en 2016 par un commerçant de Prizren, ville située au sud du Kosovo, alertant les autorités qu’un des conteneurs qu’il a acheté renfermait de la viande avariée. Selon le journal flamand « Het Laatste Nieuws », un document judiciaire indique que le 19 septembre 2016, un camion de viande issue de Veviba à Bastogne est arrivé au Kosovo. La majorité des étiquettes étaient déchirées, mais sur les restes qui en étaient encore visibles, il apparaissait que la viande datait de …2004 !

Des propos aujourd’hui confirmés par un employé de l’usine à Bastogne, qui, sous couvert de l’anonymat, a reconnu avoir changé les étiquettes des emballages de viande destinée au Kosovo pour prolonger les dates. « J'enlevais les vieilles étiquettes et en remettais de nouvelles. Cela permettait de prolonger la date de péremption d'un an » déclare-t-il dans une interview accordée à la RTBF. Il ajoute : « la qualité de la viande et son aspect fait qu'elle ne devrait plus être vendue. Elle avait l'apparence d'une bouse de vache : verte. Tant qu'elle était congelée, ça allait. C'est quand elle était dégelée, je pense qu'on pouvait courir à cause de l'odeur ».

L’Afsca, responsable ?
Ce scandale soulève une autre question, celle de la responsabilité de l’AFSCA, l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire. En effet, l’agence est censée effectuer des contrôles réguliers, en s’invitant dans les cuisines de l’alimentation, en scrutant l’hygiène, ou encore en traquant les irrégularités… Alors pourquoi les contrôles n’ont pas pu relever que de la viande congelée depuis douze ans était encore en circulation ? La députée fédérale Muriel Gerkens se pose la question. « C'est incompréhensible que l'Afsca, avec tous les outils qu'elle a, ne mette pas plus de moyens dans le contrôle de ces grandes filières alimentaires, déclare-t-elle au micro de la RTBF. Ça nécessite des contrôles intensifs et fréquents. Manifestement, il n'y en a pas eu assez ou ils ont vraiment été mal faits. On a besoin d'informations et de transparence en la matière ».

Selon un ancien employé de Veviba, l’Afsca n’aurait contrôlé l’entreprise qu’une seule fois durant la période ou il y travaillait. Pire encore, les dirigeants étaient prévenus deux semaines avant la venue des contrôleurs. « Tout était nettoyé, tout ce qui devait être caché était caché », confie-t-il au micro de RTL.

Ce scandale met en lumière les limites de l’auto-contrôle et le problème de la traçabilité de certains produits dans la chaîne alimentaire. Selon Test-Achat, organisation de défense des consommateurs, chaque maillon de la chaîne n’est responsable que de ce qui se passe « juste avant lui et juste après lui ». Il n’y a donc aucune vue globale et uniforme de la traçabilité d’un produit, et ce, au profit des fraudeurs.

Quel risque pour le consommateur ?
Mais la question que tous les consommateurs se posent maintenant est de savoir quelles sont les origines et la qualité de la viande qu’ils continuent d’acheter en grande surface. Selon l’Afsca, tout ce qui se trouve en magasin est aujourd’hui sûr et peut être consommé. Delhaize et Colruyt ont immédiatement retiré leurs produits des rayons, et le groupe Carrefour quant à lui, se dit être fier de ne pas avoir été concerné. « Chez Carrefour, on achète un animal, pas de produits finis » a déclaré le porte-parole de la firme.

Si ce scandale n’est pas sans rappelé l’affaire ayant touché la France en 2013, liée à de la viande de cheval retrouvée dans de nombreux plats surgelés officiellement à base de bœuf, la France ne semble pas concernée par cette nouvelle affaire.

Q. Barrea et V. Lerouge

Publié par Julien Gasparutto / Catégories : Belgique