La semaine dernière, Bruno Dayez, l’un des avocats de Marc Dutroux sortait un livre intitulé « Pourquoi libérer Dutroux ? ». Une parution polémique qui illustre bien la sensibilité du sujet toujours aussi présente, 20 ans après…
Par la publication de ce livre, Me Dayez entend rendre compte de la situation de son client, considéré comme un monstre aux yeux de tous, mais pose également la question de « l’humanisme pénal ». Selon lui, tout condamné devrait retrouver la liberté après 25 ans, car « une punition n’a de sens que si elle a une fin ». Dans une émission diffusée par la RTBF, l’avocat émet des critiques sur le fonctionnement de la justice pénale, et s’en prend aux peines excessives qu’il juge inutiles et qui compromettent toute perspective d’avenir pour les détenus. Selon lui, l’État est responsable des personnes qu’il incarcère, et doit permettre aux détenus de se réinsérer dans la société. Mais le cas de Marc Dutroux est plus délicat… Est-il réellement possible pour un tel détenu d’être un jour réinséré ? L’avocat estime que 20 ans plus tard, le temps de l’émotion doit prendre fin et que la raison doit prendre le dessus… Mais cela ne semble pas être l’avis des familles des victimes, ni celui de la majorité de la population belge…
20 ans après, toujours aussi sensible
Plus de 20 ans après l'enlèvement, la séquestration, le viol et l'assassinat de Julie, Melissa, An et Eefje, ces propos choquent encore et suscitent l’indignation de nombreuses personnes. Quelques jours après la parution du livre, un blogueur a été interpellé par la police après avoir diffusé une vidéo dans laquelle on le voit bruler le livre de Me Dayez. Dans cette vidéo, le blogueur fait valoir que des actes plus conséquents pourraient suivre, notamment à l’encontre de l’avocat. Il appelle également la population à se révolter au nom des victimes de ce « monstre », indéfendable selon lui. Suite à cet incident, Me Dayez a été placé sous protection policière, preuve de la sensibilité de l’affaire…
Jean-Denis Lejeune, le père de Julie, n’accepte pas non plus les propos de l’avocat et se dit être « prêt au combat ». Le fondateur de l’association Child Focus ne conçoit pas que Marc Dutroux, diagnostiqué comme étant psychopathe, puisse être réinséré dans la société. Il en va selon lui de la sécurité de tout citoyen. « Je vous rappelle que Dutroux est un récidiviste, un personnage dangereux, reconnu psychopathe non réinsérable dans notre société. Il ne devrait pas y avoir de débat. » déclare-t-il sur le plateau de la RTBF.
Une médiatisation outre-Atlantique
La médiatisation de l’affaire fut telle qu’elle en est arrivée à traverser l’Atlantique et à susciter l’intérêt des États-Unis. Elisabeth Yorke, avocate générale américaine et spécialiste mondiale des droits des enfants, apporte son soutien à Jean-Denis Lejeune dans une lettre, relayée par Sud Presse. "J’ai d’abord pensé à une mauvaise blague !", écrit-elle. "Son nouvel avocat estime donc que sa remise en liberté serait appropriée et légitime car, dit-il, on l’a laissé pourrir dans des conditions épouvantables, apocalyptiques. Maître Dayez, la prison de Nivelles (cfr.prison de Dutroux) n’a rien à voir avec le cachot suffocant, froid et humide dans lequel les petites Julie, Melissa, Sabine et Laëtitia ont subi les pires sévices."
Selon l’avocate, d’après le système de profilage utilisé par le FBI (la police fédérale américaine), Marc Dutroux serait considéré comme « un criminel à haut risque avec une probabilité extrêmement élevée de récidive ». Pour elle, il n’y a aucun doute, la libération du criminel mettrait en danger les « enfants des Belges ».
Marc Dutroux pourrait-il réellement être libéré ?
La parution du livre relance le débat sur la manière dont les délinquants sexuels sont « pris en charge » et accompagnés en prison. Avec cette interrogation: peuvent-ils être libérés un jour ? Dans le cas de Dutroux, condamné en 2004 par la cour d’Assises d’Arlon à la réclusion à perpétuité, la situation est quelque peu plus compliquée… Il a été condamné à la perpétuité, ce qui équivaut en Belgique à une peine de 30 ans. À cette peine, s’est ajoutée une sentence complémentaire et inédite décrétée par le juge : « une mise à disposition du gouvernement de dix ans ». Cette mise à disposition entre en application une fois la peine principale purgée, si la libération du condamné fait courir un risque important à la société.
Actuellement, Marc Dutroux, 61 ans, purge toujours sa peine initiale censée prendre fin en 2021. Mais cela ne l’a pas empêché d’introduire plusieurs demandes de libération conditionnelle depuis 2013, jamais été accordée jusqu’à présent. La « mise à disposition » en tant que telle, après la peine initiale n’a donc pas encore été officiellement enclenchée.
Q. Barrea et V. Lerouge