Lancé en 2007, le label bio de l’Union européenne, est en cours de révision par les institutions européennes. La Commission a proposé un texte plutôt encourageant pour réglementer de manière plus précise la certification bio. Mais étonnement, le texte est actuellement détricoté et vidé de sa substance par le Parlement Européen et sa Commission Agriculture. Et c’est l’ensemble de la filière bio, du producteur au consommateur, qui est en danger.
La « décertification », épée de Damoclès du bio
Premièrement, le règlement de la Commission européenne prévoyait jusqu’à présent un dispositif de « décertification » pour un produit qui serait contaminé. Par exemple, si on y trouvait des pesticides ou des produits chimiques, le produit pouvait perdre son label. Pour objectiver cela, des seuils (et donc des contrôles) existaient. Or, le Parlement européen propose actuellement de supprimer ces seuils ce qui reviendrait à autoriser les pesticides ou les substances chimiques dans les produits et cela, sans risque de perdre la certification biologique « AB ». Pour Marc Tarabella, député belge du groupe parlementaire socialiste et démocrate au Parlement européen et membre de cette Commission Agriculture, ce risque de décertification est fondamental, car la menace pour les agriculteurs de perdre le label lui donne de la crédibilité.
L’heure du « presque bio »
Le deuxième volet de la révision par le Parlement concerne les « installations mixtes » c’est-à-dire que les installations qui font côte-à-côte de la production biologique et de la production usant, par exemple, de pesticides. On appelle aussi « installation mixte » les parcelles qui voudraient passer de l’exploitation traitée chimiquement à l’exploitation biologique. La transition entre les deux procédés ne se fait du jour au lendemain pour éviter la contamination d’où la mixité des installations. Or, la période de transition proposée par la Commission du Parlement est totalement floue et large. On parle de plusieurs dizaines d’années pour passer de l’une à l’autre ce qui pourrait rendre le passage vers le 100 % bio complètement inutile (qui sait si le bio en vaudra toujours la peine dans 20 ans ?) tout en attribuant le label ! Dans quel but ? Celui de permettre aux grandes entreprises agricoles qui ne sont pas bio « mais presque » de pouvoir continuer à produire avec un label bio.
Le bio coûte cher… et rapporte gros
Et c’est là que les intérêts nationaux des députés ressortent. Certains pays de l’Est qui abritent beaucoup de ces grandes entreprises agricoles profiteraient de ces largesses pour vendre du « presque bio » labellisé. Le « presque bio », ce serait une parcelle produisant 50 % de bio et 50 % d’agriculture avec ajout chimique, mais qui parviendrait à labelliser sa production biologique malgré les contaminations évidentes selon les pourfendeurs du nouveau texte! La question est donc de savoir si les deux styles d’agriculture (bio et traditionnelle) peuvent cohabiter ou non, que ce soit dans le temps ou au niveau géographique. Pour Marc Tarabella, « soit on fait du bio, soit on n’en fait pas, mais il n’y a pas de mixité possible » disait-il sur la RTBF. Pour le Parlement Européen, les intérêts nationaux sont plus importants et les gros producteurs mixtes gagnent tellement d’argent… qu’il serait trop couteux de légiférer trop durement sur le bio.
Le Parlement Européen à l’encontre de sa réputation
C’est donc un vrai problème alimentaire, voire sanitaire, que le Parlement Européen est en train de couvrir dans le secret et le flou. L’institution qui, historiquement, défend le consommateur s’est positionnée du côté des agriculteurs en leur offrant toutes les largesses nécessaires pour coller le label bio sur leur production « presque bio ».
Pour autant, les dés ne sont pas encore jetés. Le processus législatif européen est encore assez long pour que le texte soit modifié. La Commission européenne pourrait revenir forcer sa position offensive du texte (peu d’espoir selon nos sources) et la séance plénière du Parlement européen pourrait également revenir sur ce que sa Commission Agriculture a décidé.
G. Woelfle & V. Lerouge