Schengen : le vrai du faux

Aprés les déclarations de Nicolas Sarkozy hier à Villepinte, quelques points sur l'espace Schengen et sa gestion.

1/Sortir de Schengen permettrait il de régler le problème de l'immigration clandestine ?
FAUX : il y a à peu près 5 millions de clandestins en Europe, donc c'est un vrai phénomène mais une grande partie d'entre eux est arrivée légalement sur notre continent. Ils avaient un visa en règle mais lorsque celui-ci a expiré, ils ne sont pas repartis. Le problème est donc autant la gestion des étrangers arrivés en Europe que la fermeture hermétique des frontières extérieures de l'UE.

2/Un espace "sans frontières" de 500 millions d'habitants pose-t-il des problèmes ?
VRAI : puisqu'une personne entrée par exemple dans le Sud de l'Espagne peut ensuite voyager facilement jusque dans le Nord de l'Europe.

Mais il est FAUX de laisser entendre qu'il n'y a aucun contrôle, puisque tous les pays européens, à l'instar de la France, ont des "douanes volantes" qui peuvent intervenir n'importe où sur le territoire national.

3/ Les frontières extérieures de l'Europe sont elles des "passoires" ?
FAUX : les frontières extérieures sont globalement bien gardées. D'ailleurs, la Roumanie et la Bulgarie qui voudraient entrer dans Schengen mais qui n'apportent pas toutes les garanties de sécurité (en particulier à cause de la corruption des autorités) ne peuvent pas intégrer Schengen au moins jusqu'en septembre prochain.

Mais il est VRAI que certaines frontières sont problématiques, comme la frontière greco-turque où on estime que 200 clandestins entrent chaque jour en Europe. La Grèce est d'ailleurs vivement critiquée par ses partenaires européens sur la gestion de ses frontières. Athènes veut (ou a ?) construire une barrière de 10 kms sur sa frontière avec la Turquie pour enrayer ce flux. L'Europe a refusé de participer à son financement.
Le problème est que l'agence FRONTEX - les garde frontières européens - manque cruellement de moyens : lorsqu'elle veut mener une mission sur les frontières extérieures de l'Europe, elle doit aller mendier des avions et des navires auprés des capitales européennes, qui bien souvent les lui refusent.

4/Un pays peut-il aujourd'hui décider unilatéralement de sortir de Schengen ?
VRAI : cela s'est d'ailleurs déjà produit à plusieurs reprises, lors d'attaques terroristes ou de grandes compétitions sportives. Mais cela a toujours été limité dans le temps. Une fois l'événement passé, les contrôles aux frontières ont de nouveau été levés.

5/Le traité de Schengen fait il débat en Europe ?
VRAI : il est d'ailleurs en train d'être réformé depuis le printemps arabe et la peur d'arrivée massive de migrants sur les côtes sud de l'Europe. C'est même la France qui -avec d'autres- est à la base de cette réforme en cours.

Il est donc FAUX de laisser penser que rien n'est fait pour réformer cet espace.

6/Y a til déjà eu des coups de canif dans Schengen ?

OUI : il y a moins d'un an, le Danemark sous la pression de l'extrême-droite a recréé quelques postes frontières pendant quelques semaines. Aprés un changement de majorité, Copenhague a fait machine arrière. Il sera interéssant de voir quelle sera la réaction de ce pays qui est aujourd'hui ...à la tête de l'UE pour 6 mois !

7/L'espace Schengen est il actuellement géré "par des technocrates et des tribunaux" ?

FAUX : Bruxelles a son mot à dire mais globalement le principe même de Schengen est que ce sont les Etats qui coopérent entre eux. La critique le plus souvent formulée est justement que Schengen n'est pas géré (et c'est d'ailleurs également un argument de Nicolas Sarkozy, totalement contradictoire avec le précédent). A noter que c'est d'ailleurs le traité de Schengen qui a été pris comme modèle pour bâtir le pacte européen de stabilité budgétaire. Pacte que Nicolas Sarkozy défend becs et ongles et que François Hollande veut réécrire....

8/Est-il techniquement possible de recréer des frontières nationales ?

Trés difficile. Ce serait trés onéreux pour la France et étant donné la position géographique centrale de notre pays, Schengen n'aurait plus de raison d'être.

9/Les déclarations de Nicolas Sarkozy sont elles une surprise ?

En décembre dernier à Toulon, Nicolas Sarkozy avait déjà critiqué Schengen. Ce qui est plus surprenant vu de Bruxelles, c'est l'ultimatum qu'il a lancé, alors même que la France est autour de la table de négociations. Mais ces propos sont plus pris ici comme ceux d'un candidat que comme ceux d'un chef d'Etat en exercice.