Idée reçue n°13 : l’Europe est ultra-libérale et anti-sociale

Cette perception est en tout cas très forte en France et s’est d’ailleurs transformée en véritable slogan pour certains lors du rejet de la constitution : l´Europe que l´on construit se ferait au détriment des personnes. Beaucoup des plus fervents partisans du traité de Maastricht (adopté par référendum et instituant l'euro) se sont sentis trahis par cette Europe qu´ils perçoivent comme ultralibérale, fondée sur l´ouverture des marchés, la libéralisation des services et le « sacro-saint » principe de concurrence libre et non faussée. Ils l´ont fait d'ailleurs savoir lors du référendum sur la constitution en 2005.
 
Si l’intégration économique de l’Europe a, historiquement, joué un rôle central dans la construction européenne, le projet européen va pourtant bien au delà. L´Europe des Monnet et Schuman reposait tout d’abord sur l’idée que la mise en commun des ressources et la création d´un marché commun seraient les garants de la paix et agiraient comme les éléments initiateurs d’une intégration s’étendant à d’autres champs. L’idée est simple : les Etats membres s´intégrant économiquement seraient bien alors obligés dans une étape ultérieure de s´entendre sur d´autres aspects plus politiques. Alors l´Europe, un projet d´abord économique ? Oui, sans aucun doute. Mais, accroître la quantité des produits disponibles pour les citoyens européens est-elle le seul mérite de cette Europe ? A –t-elle favorisé les droits des consommateurs  au détriment des droits des travailleurs européens ? L’intégration économique n’engendre pas ncésserairement une construction européenne anti-sociale. Mais qu'en est-il de la marge de manœuvre des institutions à ce sujet ? Les députés européens par exemple peuvent-ils réellement influer en faveur d´une « Europe Sociale » ?
 
La réponse dépend de ce qu´on entend exactement par « Europe sociale ». Le terme est, en effet, devenu générique. Il est souvent utilisé à tord et à travers pour des raisons souvent plus politiciennes qu´idéologiques. La notion est en tout cas devenue le réceptacle d’attentes multiples et des frustrations des citoyens européens. Pourtant, l´Europe sociale fait appel à des réalités bien différentes.
 
S´il s´agit d´une redistribution des richesses vers les plus défavorisés, l´Europe le fait en partie ! Plus de 36 % de son budget est actuellement dédié à sa politique de cohésion, c´est à dire à des financements de projets pour le développement des régions les plus pauvres d’Europe. C´est un aspect qui est bien vite et trop souvent oublié. Sur ces politiques, les députés ont clairement un rôle.
 
Cependant, l´« Europe sociale », surtout dans la conception des français, peut être comprise de façon bien plus large et évoque des notions telles que la sécurité sociale, le salaire minimum, le temps de travail, les retraites, les allocations chômage, des services publiques de qualité et la fiscalité comme instrument de répartition des richesses… Ce sont  sur ces points que l´Europe est attendue et c´est pourtant précisément sur ceux-ci que l´Europe ne fait rien parce qu’elle ne peut rien faire. En l’état actuel des traités, les compétences européennes sur ces domaines restent limitées. Beaucoup de ces politiques – qu’on le soutienne ou le regrette – restent aujourd’hui de la compétence quasi unique des Etats membres. Un accord sur ces sujets au niveau européen nécessite l´unanimité des Etats membres (sauf pour le temps de travail). Et dans ces domaines, les députés européens n´ont  peu ou pas de pouvoir.
 
Il est donc vrai que l’intégration européenne modifie le cadre dans lequel les Etats membres doivent définir leurs politiques sociales mais le rôle des institutions européennes reste limité. En la situation actuelle, l’Europe crée donc des défis auxquels les Etats ont pour l’instant décidé de répondre seuls. Maintenant rien n´empêche de développer au-delà des traités une vision pour une Europe plus sociale en essayant de convaincre les 26 partenaires. Mais c´est bien là que le bat blesse, L´Europe, c´est 27 pays avec des développements économiques aujourd’hui encore très hétérogènes et des cultures économiques et sociales très différentes. Parler de social est devenu presque tabou car ce n'est tout simplement pas encore la priorité de certains pays. De plus, construire une Europe avec un système social européen, un salaire minimum européen, des allocations chômage européennes, une fiscalité européenne serait certes possible mais cela nécisserait une volonté politique forte qui aujourd’hui n’existe pas.. D’ailleurs, l’Europe doit elle se mêler de ces questions là ? Rendez vous samedi.,