Idée reçue n°9 : Tous trop payés !

Prenons d´abord le cas des fonctionnaires européens. Avec un salaire de départ de 4.000 € net par mois, les fonctionnaires européens gagnent plus du double que leur homologues français à qualifications équivalentes. Cependant, un « jeune professionnel » de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques) touche 3.914 € par mois. Même chose pour l’ONU, où les salaires sont nettement supérieurs à ceux des fonctionnaires français. Si les fonctionnaires européens gagnent tant, est-ce tout simplement parce que les fonctionnaires internationaux sont mieux payés que les fonctionnaires nationaux ?

Pas seulement. D´abord, la Commission européenne, comme la majorité des administrations publiques, est en concurrence avec le secteur privé pour les « meilleurs cerveaux » sur le marché. L’exemple classique est celui des avocats bruxellois, qui partent souvent de la Commission pour travailler dans des cabinets d’avocats avec un salaire doublé. La Commission, pour garder son niveau d´expertise, se doit d´être attractive. C’est en tout cas l’un des arguments mis en avant par …les responsables de la commission eux-même. Par ailleurs,la majorité des fonctionnaires européens sont en fait des expatriés travaillant dans des langues étrangères. Ils bénéficient donc d’une prime de « dépaysement », connue des diplomates et des militaires par exemple. Enfin, rappelons que pour devenir fonctionnaire européen, il faut passer un concours. Ces concours sont ouverts à tous, et les grilles de salaire connues à l´avance. En contrepartie d´un bon salaire de départ, les perspectives de carrières sont limitées, c´est donc un choix à faire. Mais ces arguments suffisent-ils à justifier qu’un fonctionnaire ayant 15 ans d’expérience à la Commission puisse toucher environ 10.000 € net mensuels juste pour avoir eu le mérite d’y rester ? Est-ce là le meilleur moyen de faire de la Commission une administration efficace ? Il est permis d’en douter…
Changeons d’institution à présent ! Quid des parlementaires européens ? La règle jusqu´à présent était que les parlementaires européens touchent la même somme d´argent que leurs collègues nationaux. Ceci entraînait donc des différences de rémunération parfois stupéfiantes : un eurodéputé hongrois ou letton gagnait en effet 700 € par mois, tandis que ses collègues Italiens pouvaient toucher plus de dix fois cette somme (8 000 € nets). Les députés européens français étaient plutôt bien lotis avec 5800 € nets. La réforme mise en place pour la prochaine législature prévoit que les députés européens seront tous payés 6.000 € nets. Mais à ce salaire net, il faut ajouter 17.000 € par mois  que chacun touche pour payer les salaires de ses assistants parlementaires et 300 € par jour pour ses dépenses quotidiennes (logement, nourriture). Pour cette dernière indemnité, il faut qu’ils justifient leur présence réelle (vote en séance plénière à Strasbourg par exemple, présence en commission à Bruxelles).
C´est énorme non ? Cela dépend ! Les députés sérieux utilisent à bon escient les 17.000 € en s´entourant de 3 à 4 personnes dans leur cabinet (assistants parlementaires, secrétaire, stagiaires rémunérés). Cependant, comme dans tout système, il y a des profiteurs (une minorité) qui payent mal ou pas du tout leurs assistants et s´attribuent un maximum d´argent. On a même connu des députés européens (français notamment) qui n’avaient pas d’assistant parlementaire du tout ! Les futurs députés européens devront dorénavant prouver qu’ils emploient réellement des assistants parlementaires ayant un niveau de qualification adéquat. Par ailleurs, il existe bien une course à la signature de la liste de présence à laquelle se livrent certains députés pour toucher les 300 € journaliers (on a vu certains venir signer le registre de présence les vendredis à 7h du matin valise en main avant de prendre l’avion pour rentrer chez eux). Ces dérives posent à mon avis deux questions : 1- Comment une institution démocratiquement élue a-t-elle pu laisser faire cela ? 2- Quelle est la proportion des eurodéputés « profiteurs » par rapport à leurs collègues honnêtes et sérieux ?
Finalement, le maître mot doit être la transparence. Puisqu´il s´agit d´argent public, il est bien normal qu’on ne puisse pas l´utiliser n’importe comment. C’est vrai au niveau national (la démission du « speaker » britannique en est l’exemple criant), mais c’est encore plus vrai au niveau européen.